Une première pierre politique vers la fin des bidonvilles à Marseille
Tranches de vie à Marseille, mars 2011. A quelques encablures au nord du centre-ville, un bidonville s’étale sous l’oeil des automobilistes de la passerelle autoroutière de Plombières. Un autre, situé lui à Saint-Barthélémy, a été hier, sinon la cible du moins l’objet d’une manifestation organisée par le comité d’intérêt de quartier. Si son président déplore dans La Provence « une situation malheureuse tant pour les habitants que pour les Roms » et dit, comme le conseiller général PS du canton Denis Rossi s’attaquer à l’inertie de la mairie centrale, le résultat sera certainement bientôt le même que pour les familles installées il y a quelques mois porte d’Aix, cette fois-ci en plein centre-ville : l’expulsion.
Mais pile en face de la porte d’Aix, ce mercredi à l’Hôtel de Région, a eu lieu « l’aboutissement d’une prise de conscience politique très importante », estime Philippe Dieudonné, vice-président de la Ligue des droits de l’homme (LDH) Marseille. Le conseil régional, peut-être bien aidé par la misère qui s’étalait sous ses fenêtres, a en effet signé un protocole d’accord avec 10 associations, dont la LDH. Gaëlle Lenfant, vice-présidente PS déléguée aux solidarités, à la prévention, à la sécurité et à la lutte contre les discriminations, nous présente la démarche :
Mais concrètement, le terrain reste miné. Marion Bonnet, chargée de mission Roms à l’Association méditerranéenne pour l’insertion par le logement a bien présenté un bilan positif de l’expérimentation menée depuis 2008 avec la préfecture des Bouches-du-Rhône auprès de 10 familles : 100% d’enfants scolarisés, 70% de relogement et 50% en emploi. Mais la possibilité de sa réalisation devait beaucoup à « un secrétaire général de la préfecture qui avait compris notre discours selon lequel ce sont les squats et les expulsions qui créent les troubles à l’ordre public » et non les Roms, glisse Philippe Dieudonné. Depuis, le fonctionnaire n’est plus en place et le discours de Grenoble est passé par là, remarque-t-il.
D’où la prudence de Sioux des associations au sujet du projet de centre d’hébergement d’urgence soutenu par Gaëlle Lenfant. Surtout après l’essai avorté en 2009, la préfecture trouvé « le meilleur moyen que le projet aille à l’échec », déplore-t-il : le bruit de l’autoroute A55, au grand plaisir des oreilles des occupants attendus, et la localisation dans le 15e, ce qui avait provoqué le rejet de la population des élus locaux, s’estimant déjà servi en terme de problèmes sociaux. Et, ajoute-t-il, « il y a aujourd’hui une montée médiatique où l’on monte les habitants contre les Roms pour empêcher les solutions d’être mises en place ».
Des solutions comme l’expérience de la ville nouvelle de Seinart, précurseur du projet de l’Ampil :
Déromiser le problème
Face au climat qui consiste à voir dans les Roms plus un problème que des victimes de la misère, et « avant que le protocole ne change quoi que ce soit, l’important avec ce texte est déjà que des politiques prennent la question à bras le corps pour montrer que c’est un problème social, pas ethnique », souligne Philippe Dieudonné. Une démonstration qu’a réalisée magistralement l’ethnologue Martin Olivera, appelant à « »déromiser » la question des Roms ». Pour lui, « les migrations de Roms d’aujourd’hui ne sont compréhensibles que dans le cadre général des migrations européennes des pays ex-communistes ».
Des migrations qui « même si elles peuvent sembler anachroniques, n’ont rien d’inédite ou de liées à une quelconque tsiganité », a-t-il poursuivi, notant que « l’amnésie collective fonctionne assez bien ». Qui se souvient de la visite en 1975 du président de la République Giscard d’Estaing au bidonville marseillais de Saint-Henri, ou des images des Portugais installés au bidonville de Nanterre… Sans parler des « macaronis » de la fin XIXe-début XXe…
Mais pourquoi dans ce cas ne parle-t-on pas des Roumains qui, explique Martin Olivera ont quitté leur pays « dans la même proportion » que les Roms ? D’abord parce que « celles-ci sont plus visibles » avec notamment « des groupes qui ne sont pas déstructurés ». Peut-être aussi selon lui parce que cette « ethnicisation de la pauvreté permet de mettre totalement de côté les conséquences sociales de la transition économique de leurs pays depuis 20 ans, et qui a conduit à la dégradation des conditions de vie des classes populaires et au manque de perspectives d’avenir. » Sauf que si le problème n’est pas ethnique, la solution l’est, en ciblant ce public en particulier… « C’est une entrée que l’on peut travailler à défaire, il faut profiter des occasion données », nous répond-il, conscient du paradoxe.
« Ce qui les lie ce sont les difficultés »
Et d’assurer que « Nicolas Sarkozy n’a rien inventé pendant l’été 2010 : ce discours s’est construit au sein des institutions européennes et s’est diffusé », selon « une logique d’invasion de 12 millions de cas sociaux en puissance », avec un amalgame entre gitans, manouches et roms. « Ils n’ont pas le même pays, pas la même langue, la diversité de leur histoire sociale et culturelle est irréductible. » Et ces catégories elles-mêmes ne sont pas homogènes : « quand, au gré des expulsions, deux groupes différents se retrouvent à cohabiter, les séparations entre les uns et les autres sont évidentes et matérialisées », indique-t-il.
Ce qu’a illustré l’exemple des habitants du Réaltor à Aix-en-Provence, des Roms serbes « qui ont été jetés sur les routes par la guerre et sont arrivés il y a 5 ans après avoir vécu partout l’exclusion » et un groupe de Roms roumains installés récemment « beaucoup plus structurés et venus avec la volonté de travailler en France ou de reconstruire quelque chose en Roumanie en envoyant de l’argent », a raconté Marc Durand, membre de Rencontres Tsiganes.
« Ce qui les lie, ce sont finalement les difficultés : l’incompréhension de la langue, l’exclusion totale, l’impossibilité de travailler », a-t-il ajouté. Un aspect que les intervenants du Gisti et de la Cimade ont développé, évoquant le régime transitoire auquel ceux qui sont citoyens européens sont soumis, compliquant la recherche d’emploi, les tracasseries administratives de la Caf, des municipalités qui exigent indûment des documents pour la scolarisation, leur utilisation comme « variable d’ajustement de la politique migratoire »…
Mais à l’inaction des conseils généraux pourtant chargés de la protection de l’enfance dénoncée par Alexandre Lecleve pour la Cimade, a répondu un signe d’évolution du côté du CG13 indiqué par Marc Durand. Au Réaltor, à force d’interpellations par les associations, il est intervenu via ses services d’aides à l’enfance et des éducateurs spécialisés. Un « passage de relais aux professionnels essentiel » pour lui, « les petites associations puis le Secours Catholique étant arrivées à leurs limites ». Un constat que l’on peut généraliser…
Une interview de Martin Olivera pour en finir avec 10 idées reçues dans Lyon Capitale et le site du réseau scientifique et centre de ressources Urba-roms, dont il est membre
La situation des Roms en France, rapport du collectif Romeurope
Latcho Divano, le festival marseillais des cultures tsiganes, c’est en ce moment, sur Marsactu
Le projet Dosta, pour dire « assez » aux discriminations, sur Marsactu
Les Roms du Panier face au silence des élus, sur Marsactu
Le protocole d’accord :
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C’est marrant: un long article sur les Roms suscitent nettement moins de commentaires que trois lignes sur Guérini…
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