Un terminus, quatre tracés : le tramway nord cherche encore son chemin

Décryptage
le 8 Déc 2022
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Jusqu'au 16 janvier, la métropole concerte le public sur son projet d'extension au nord et au sud de son réseau de tramway. Destination prioritaire, le tracé nord est le projet qui présente le plus de points noirs. Passage en revue des difficultés à régler avant la mise en service espérée en 2030.

La ligne de tram T3, à Marseille. (Photo ML)
La ligne de tram T3, à Marseille. (Photo ML)

La ligne de tram T3, à Marseille. (Photo ML)

Avant les travaux, les mots. Ce jeudi, la mairie de secteur des 15/16 propose la seconde réunion de concertation de l’extension nord et sud du tramway. Alors que les travaux sont en cours vers la station Gèze d’un côté, et le Cabot de l’autre, la métropole consulte le public pour pousser plus loin son réseau de transports en commun, boosté par le milliard d’euros du plan Marseille en grand. Au Sud, la petite virgule d’1,5 kilomètre en trois stations entre le boulevard de la Gaye et la Rouvière n’amène pas de difficulté particulière.

En revanche, en abordant les territoires escarpés du nord, le tracé offre plusieurs variantes et autant de motifs d’empoignade qui risquent d’animer cette première réunion in situ. En poussant jusqu’à La Castellane, tout au bout du 16e arrondissement, la métropole avance en terra incognita, tant les projets de transports collectifs sont rares dans cette partie de la ville. Sorti de l’indigente ligne de bus à “haut niveau de service” B2 qui monte à Notre-Dame-Limite, il faut éplucher les photos sépia pour voir un transport collectif en site propre à cet endroit. Petit passage en revue des points durs du tracé soumis à concertation.

La carte de la ligne de tramway et ses variantes. Crédit : Aix Marseille Provence Métropole.

Passer la rue de Lyon

Sur les planches du plan local d’urbanisme en vigueur, une large bande de petits carreaux

Raccordement de la rue de Lyon à l’avenue Ibrahim-Ali (crédit : Aix Marseille Provence)

rose embrasse le début de la rue de Lyon, à la Cabucelle, en débordant très largement sur les immeubles qui longent cette voie passante. À cet endroit, un tramway ne passe pas si l’on conserve les deux voies destinées aux véhicules et les lignes de bus. Pour pallier l’embolie, la métropole prévoit un pontage en raccordant la voie actuelle à sa voisine, l’avenue Ibrahim-Ali. Ce raccord à double sens doit longer l’actuelle voie SNCF en rognant un bout du parc François-Billoux.

Du côté de la mairie de secteur, installée au milieu du parc, on ne voit pas arriver les bûcherons avec les poings faits. Cette période de travaux devrait coïncider avec l’ouverture d’un parc à Bougainville et la mise en chantier de son immense voisin des Aygalades. L’abandon d’une petite partie du parc Billoux ne sera donc pas un trop grand sacrifice alors que le vert est appelé à être la nouvelle couleur dominante du bas du 15e.

kif-kif entre méditerranée et MArdirossian

Les deux variantes permettant le raccordement à la Madrague-Ville. (crédit : Aix Marseille Provence)

Le tracé connaît sa première vraie variante juste après la mairie de secteur au moment de virer vers l’ouest pour rejoindre la Madrague-Ville. La concertation propose de débattre de deux tracés, l’une par le boulevard de la Méditerranée, l’autre par la traverse Mardirossian. Le premier parcours permet de quitter aussitôt la rue de Lyon, alors que la variante Mardirossian, doublonne en partie avec le trajet des bus qui rejoignent Saint-Antoine.

En passant par le boulevard de la Méditerranée, le tramway entraînerait la suppression d’une voie dédiée aux voitures et rend plus complexe l’installation d’une piste cyclable. En revanche, les deux variantes nécessitent des expropriations, notamment pour assurer les virages à 90 degrés. La variante Méditerranée offre l’avantage d’être située en bordure de la Cabucelle, un quartier concerné par un projet de renouvellement urbain. Les aménagements extérieurs pourront s’accompagner d’une réhabilitation du bâti.

La variante littorale tient la corde

Longtemps, la métropole a brocardé l’indécision de la Ville quant au tracé que devrait emprunter le tramway pour rejoindre La Castellane. Après une pause forcée pour reprendre les études, la hache est enterrée entre les deux institutions et la métropole propose deux tracés pour rejoindre les grandes cités de Saint-Henri. La variante initiale descend au plus court vers Saint-André en longeant l’autoroute A55 et la voie ferrée. La seconde plonge vers Consolat-Mirabeau et rejoint le chemin du littoral. “Cela s’est senti lors de la réunion initiale au Pharo : les gens présents ont clairement exprimé leur préférence pour cette variante, indique Audrey Gatian, l’adjointe au maire de Marseille chargée des mobilités. Tout simplement parce qu’elle permet de desservir plus de monde et d’entreprises. C’est d’abord pour cela qu’on réalise un tramway.

Dans les documents soumis à concertation, la variante Sud offre un temps de parcours rallongé de trois petites minutes pour 800 mètres et une station supplémentaires. “Mais il pourra desservir 4000 personnes supplémentaires : 1000 habitants en plus et 3000 employés du secteur, c’est énorme, s’enthousiasme l’adjointe. Or, on sait que ce secteur de la ville a un énorme problème d’accès à l’emploi, en partie dû à ces questions de transport.” En empruntant la partie Sud de l’arrondissement, le tramway desservira plusieurs zones d’activités, aujourd’hui uniquement accessibles par la route.

Le tracé dit de la traverse du Pradel offre une “insertion confidentielle” dans le quartier Saint-André. En revanche, au Sud, elle permet une requalification d’un boulevard très urbain et peu arboré. Là encore, le tracé borde un périmètre dit de renouvellement urbain, à Consolat-Mirabeau.

Le point noir du surcoût

Si la variante Sud offre de nets avantages en termes de desserte, elle est clairement beaucoup plus coûteuse avec 50 millions d’euros supplémentaires. Cela représente l’équivalent des deux tiers du bout de ligne qui doit rejoindre la place du 4 septembre, via la rue de Rome. “Cela tombe bien, on n’en veut pas de ce tramway. La métropole n’a qu’à mettre l’argent sur le désenclavement du nord, ce qui est notre priorité et celle du chef de l’État“, s’amuse Audrey Gatian.

Cet important surcoût s’explique par l’allongement du trajet, la réalisation d’une station supplémentaire, mais aussi d’importants travaux, notamment dus à la traversée sous deux voies ferroviaires. “On ne peut pas suspendre un projet à son coût, il faut aussi tenir compte des enjeux, reprend Audrey Gatian. La SNCF sera en pleins travaux de la LNPCA [ligne nouvelle PACA, ndlr], il s’agit donc de voir comment les deux opérations peuvent se phaser“. De plus, cette partie du trajet est la plus éloignée du point de départ des travaux. Les études nécessaires peuvent donc se faire en parallèle des travaux dans le 15e arrondissement.

Dernier petit détail de taille : les deux variantes passent au-dessus d’importantes conduites de gaz qui obligent à un dévoiement. Celle de l’ouest est la plus large. Elle engendre un autre surcoût et un nouveau délai. Les documents évaluent à “un à deux ans” le glissement du calendrier dû à ces travaux supplémentaires.

L’inconnue de la montée vers Saint-Antoine

Pour l’heure, le projet a pour terminus La Castellane-Bricarde et ses quelque 8000 habitants. Mais, en pointillés, l’une des cartes du dossier de concertation offre deux tracés pour rejoindre le pôle d’échange multimodal de Saint-Antoine. Depuis près de 20 ans, la puissance publique prévoit que les réseaux de transports en site propre convergent vers la gare de Saint-Antoine, d’où un train part vers Aix toutes les 15 minutes en heures de pointe. À terme, le tramway a donc vocation à rejoindre le noyau villageois en grimpant la forte pente du boulevard Henri-Barnier. “Cela n’a pas de sens de finir en cul-de-sac à La Castellane, constate Audrey Gatian. Dans notre contribution à l’enquête publique, la Ville de Marseille va réaffirmer sa volonté de voir le tramway rejoindre Saint-Antoine“.

Dès la rentrée, la présidente de la métropole, Martine Vassal, a déjà donné son accord de principe à ce nouveau tronçon. “Nous ne l’avons pas intégré à la concertation pour ne pas la retarder davantage car cela aurait nécessité d’attendre le rendu d’études supplémentaires, mais nous avancerons sur le sujet d’ici à l’enquête publique”, commente-t-on au sein de l’institution. Cette portion nécessitera de creuser pour pallier la forte déclivité et permettre aux rames de monter jusqu’à l’ancien domaine de Foresta. Ensuite, il sera question de rejoindre l’hôpital Nord, mais c’est déjà une autre histoire.

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Commentaires

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  1. Pascal L Pascal L

    “kif-kif entre Méditerranée et Mardirossian” Euh pas vraiment. D’ailleurs tout au début cela devait être Oddo.

    Mardirossian c’est comme toujours à Marseille : on suit le futur tracé du métro (si il est prolongé un jour), on suit le trajet du BHNS, on suit les stations de vélo en libre service. Ce ne sont plus des doublons, ce sont des “quadriplons”

    Ensuite, on se demande aussi si il n’y a pas plus de fonciers à valoriser pour les promoteurs vers Mardirossian que sur Oddo où il sera difficile d’expulser et, on devient parano, si ce n’est pas la seule et unique raison de cette variante.

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    • BRASILIA8 BRASILIA8

      Non vous n’êtes pas parano jusqu’à maintenant le tramway a surtout servi à faire des opérations immobilières parfois ratées comme le rue de la République qui devait devenir la rue des boutiques de luxe pour les riches croisiéristes

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  2. kukulkan kukulkan

    voici mon avis laissé sur l’enquete publique :
    Le tram doit dès cette phase desservir le pôle ter de saint antoine, car l’extension est toute petite comparée au reste.

    La variante pradel doit être privilégiée pour gagner du kilométrage et gagner 3 minutes de temps de transport sur cet axe qui sera bien trop lent comparé à une extension du métro qui aurait été logique et nécessaire !

    au plus vite il faut prévoir les études et financer l’extension du métro vers l’Hôpital Nord ! en passant par La Delorme les arnavaux la viste ! qui bouclerait le tram au pôle de saint antoine, et qui continuerait vers l’Hôpital Nord et Notre dame Limite !

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    • LOU GABIAN LOU GABIAN

      C’est beau l’espoir

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  3. Marc13016 Marc13016

    La variante sud à Mourepiane, ça semble top : irriguer une zone d’activité en même temps qu’on crée une artère de connexion Nord-Centre, ça paraît intelligent. Surtout si ladite zone se déploie en “poussant” un peu les limites du port …. ( Y a beaucoup d’espace délaissé dans le “territoire” du port dans cette zone. Utilisons les ! Si en plus un tram passe à côté, c’est trop pratique pour aller y bosser.

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  4. Alfonse Alfonse

    Ça serait intéressant de connaître le temps de trajet nécessaire pour relier le métro Gèze à la zone d’activité de St-Henri.

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