Un “laboratoire” pour faire passer la pilule de l’industrialisation de l’étang de Berre
L’État vient de lancer un "laboratoire territorial" réunissant trente citoyens et cinquante élus, industriels ou associatifs pour évoquer l’avenir de l'industrie sur la zone de Berre et Fos. La démarche vise à mettre en avant les aspects "positifs" de ces projets.
Le lancement du laboratoire territorial industrie à Istres le mercredi 29 mars. (Photo : RB)
“Nous vivons un moment important, peut-être inédit“. Rien que ça. Christophe Mirmand, le préfet de région, ne fait pas dans la demi-mesure lorsqu’il présente le dernier-né des services de l’État. Le “laboratoire territorial industrie Fos-Berre” de son nom complet, est pourtant un dispositif assez simple visant à rapprocher les industriels autour de l’étang de Berre et les habitants pour échanger sur les impacts de cette activité. Un objectif raté pour son grand lancement durant lequel le dialogue a été inexistant.
L’amphithéâtre d’une centaine de places de l’Afpa à Istres a peiné à faire le plein pour cette première, ce mercredi 29 mars au soir. Surtout si l’on enlève la presse, les communicants et les organisateurs. Pendant plus d’une heure, la parole a été prise, en plus du préfet, par Nicole Joulia première adjointe d’Istres, Kévin Polizzi, repreneur de The Camp où se dérouleront certaines des futures réunions, l’ex-responsable de la santé environnementale de l’Agence régionale de santé (ARS) aujourd’hui à la Ville de Marseille Muriel Andrieu-Semmel et Philippe Sauquet qui a passé 30 ans chez Total. Chacun a pu expliquer plus ou moins brièvement l’importance de l’industrie sur ce territoire et les enjeux auxquels elle se confronte.
Participation citoyenne via une appli
Face à eux, l’assemblée réunit les membres de ce fameux laboratoire. Un total de 80 personnes qui se sépare en deux grandes familles. Cinquante acteurs du territoire pouvant être des élus, des industriels, des associations ou des membres de services de l’État. Ce soir-là, on repère le maire de Fos-sur-Mer René Raimondi (DVG), le président de l’association de défense et de protection du littoral du golfe de Fos Daniel Moutet ou encore Jean-Michel Diaz à la tête du groupement maritime et industriel de Fos, pour ne citer qu’eux.
Autre “collège”, celui de trente citoyens volontaires. Ce sont eux qui donnent le caractère nouveau du dispositif. Mais ce mercredi, ils n’ont eu l’occasion d’intervenir que par le biais d’une application mobile qui projetait des mots sur l’écran géant en fin de séance. Il faudra donc attendre les quatre rencontres prévues d’ici septembre pour pouvoir “construire ensemble le territoire de demain” comme l’écrit la présentation PowerPoint.
Parler “des aspects positifs”
“Il y avait en théorie des syndicats dans les participants, vous les avez vus ?“, nous interroge Katy Bauchaud, habitante de Martigues et membre du collège citoyen. À notre connaissance, ils n’étaient pas présents. Un membre des dockers des bassins Ouest est bien annoncé dans l’un des comités, mais aucune présentation ou liste précise avec les noms des membres des différents collèges n’a été diffusée (voir encadré). Y compris pour ceux qui doivent contribuer aux ateliers. Les trente citoyens volontaires, vivant autour de l’étang de Berre, sont aussi restés dans l’ombre avec pour seul signe distinctif leur nom inscrit en bleu sur un badge. Impossible donc de dire avec précision combien avaient fait le déplacement mercredi soir.
Les membres du laboratoire que l’on connaîtComité de pilotage : Christophe Mirmand, préfet des Bouches-du-Rhône ; Régis Passerieux, le sous-préfet d’Istres ; Jean-Michel Diaz, président du Groupement Maritime et Industriel de Fos (GMIF) ; la CCI Aix-Marseille Provence.Industriels désignés par le GMIF : ArcelorMittal Méditerranée, Elengy – Fos Cavaou, Evere SAS, LyondellBasell Berre, PetroineosLe comité des élus : maires de l’arrondissement d’Istres et élus de la métropole dans l’arrondissement, un conseiller régional et un conseiller départemental.Les autres : Aix-Marseille-Provence métropole, la région, le département les services de l’État départementaux et régionaux (Pôle emploi, DREAL, DDTM, DREETS), les communes concernées, le syndicat Mixte GIPREB , agence nationale de la cohésion des territoires, le secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles, France Nature Environnement 13, l’AFPA, le port de Marseille-Fos, un représentant syndical des dockers du GPMM (bassins Ouest), la plateforme industrielle et d’innovation Caban-Tonkin (PIICTO), la fédération française de la métallurgie, le Caucus lab et les Cadets de l’industrie, la fédération de France chimie, l’Union française des industries pétrolières.
Ruddy Samyn a bien assisté à cette présentation. Ce maraîcher vivant à Martigues qualifie la démarche “d’intéressante pour voir l’avenir industriel de la région” et estime “que l’on ne peut pas tirer un trait sur l’industrie” dans la zone de Fos et de Berre. En participant à cette forme de concertation, il espère pouvoir jouer un rôle afin d’“éviter le greenwashing“.
Mais attention, l’objectif de cette initiative “n’est pas de ne parler que des impacts environnementaux ou de santé humaine”, rappelle Christophe Mirmand. C’était le cas d’un précédent outil, baptisé Réponses et dédié aux pollutions industrielles. Cette fois il s’agit aussi d’aborder “des aspects positifs en termes de création d’emplois, d’aménités ou d’équipements dont ils pourront bénéficier”, développe le représentant de l’État.
Les “enjeux” des futurs projets du territoire sont aussi au programme. “Il faut expliquer pourquoi c’est important de réaliser ces investissements. On ne peut pas se contenter d’être favorable à l’éolien ou au solaire mais ne pas en vouloir à côté de chez soi”, illustre encore le préfet. Autant d’arguments pour répondre aux contestations de plus en plus vives des citoyens, au sujet des activités industrielles.
Ne pas reproduire le cas Satys
Une approche pour le moins paradoxale. En effet, lors de l’annonce de la création du laboratoire territorial en novembre, le sous-préfet de l’arrondissement d’Istres, Régis Passerieux, chargé de la mise en place de l’initiative, évoquait dans La Provence le cas de Satys. L’usine de peinture pour l’aéronautique a dû renoncer à s’installer à Marignane avant même la fin de l’enquête publique en raison des craintes des habitants.
Le laboratoire a donc été créé pour éviter que ce genre de dossier ne se répète. “Ce n’est pas pour que cela n’arrive plus, plutôt pour que cela ne se reproduise pas de cette manière”, tente de nuancer Régis Passerieux. Un moyen de ne pas perdre de temps sur des dossiers, défend-il : “Au final nous nous sommes rendus compte que l’enquête publique était une perte de temps car nous n’avions pas vraiment parlé avec les citoyens“. En clair, mieux vaut savoir avant la consultation et la concertation si une implantation va aboutir.
Nous allons par exemple demander aux gens ce qu’ils pensent d’une installation d’un réacteur nucléaire modulaire.
Régis Passerieux, sous-préfet d’Istres
Les prochains échanges du laboratoire territorial doivent donc permettre d’avancer quelques sujets sur la table. Un moyen de prendre la température. “Nous allons par exemple demander aux gens ce qu’ils pensent d’une installation d’un réacteur nucléaire modulaire“, avance-t-il. Plus connu sous l’acronyme anglais SMR (small modular reactors) il s’agit de petits réacteurs avec une puissance moindre qu’une centrale.
Le discours ne rassure pas
Un exemple qui pour l’instant ressemble à l’exception qui confirme la règle. Car Christophe Mirmand a beau répéter qu’il s’agit d’une “co-construction”, les membres du collège citoyens ont bien conscience que “ce n’est pas nous qui décidons“. Les discours de mercredi soir n’ont pas arrangé ce ressenti global. Katy Bauchaud juge “pas très engageant” ce qu’elle a entendu. “Ils ont parlé de faire tomber les barrières et d’éviter les réactions virulentes aux projets. La pédagogie c’est bien, le dialogue c’est mieux“, regrette-t-elle.
Parmi les représentants des citoyens rencontrés, aucun n’était hostile à l’industrie. “Mais l’environnement citoyen au sens large ne voit pas très bien l’arrivée de nouveaux projets“, rappelle Stéphane Coppey, membre de la Fédération nature et environnement du département, associée au comité de pilotage de cette nouvelle démarche. “À Gardanne par exemple, on voit très bien que les habitants refusent la transformation de la centrale en disant qu’ils ont assez donné“, ajoute-t-il. Cela tombe bien le “laboratoire territorial industrie” souhaiterait inclure Gardanne dans son giron.
Commentaires
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ça ressemble bigrement aux “charte et dialogue ville-port” de Marseille, le GPPM en rigole encore d’avoir fait bavasser les citoyens, les responsables, des élus pendant 3 ans pour ne pas bouger d’un pouce à l’arrivée, voir son communiqué de vouloir fermer l’accès à la mer aux citoyens, sauf à les enfermer sur un petit bout de digue et à les faire en plus raquer au passage.
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C’est un billet d’humeur ou de l’information ? Car dès le titre, l’auteur de l’article nous dit ce qu’il faut en penser sans d’ailleurs donner d’information sur le fond dans l’article … simplement du ressenti.
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Encore un bidule de la Macronie, c’est encore une fois le peuple qui se fait marcher dessus, encore du greenwashing. Tout cela est de la technocratie loin des gens, pour valider ce qui sera décidé dans les conseils d’administration des grands groupes présents sur la zone. L’outil “réponses” était noyauté par les lobbyistes de l’industrie, et les communicants de l’industrie notamment Arcelor. Et maintenant un peu de nucléaire pour compléter le tableau… Les Istréens se demande bien ce qu’a pu raconter Joulia; la caméléon de la politique , de gauche au moment d’être élue et soldat de Vassal pendant le mandat.
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Tout à fait d’accord. C’est une farce. Hâte de voir comment ça va finir….
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Rappelons-nous de la Convention Citoyenne pour le Climat dont les propositions devaient être soumises “sans filtre” à référendum, à vote du parlement ou à application règlementaire directe……..
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Cet article fait presque entièrement l’impasse sur une instance de dialogue recouvrant précisément le même champ, et qui a fêté ses 50 ans cette année : le SPPPI !
du coup la question se pose : l’objectif est-il de bypasse, cornériser, remplacer le SPPPI ?
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Si j’ai bien vu la composition de ce cénacle, le GPMM n’y participe pas en tant que tel (il y a seulement un syndicaliste et des sous-entités du GPMM). Étonnant, c’est quand même “chez lui” que ça se passe …
Je saisis l’occasion pour rappeler un principe fondamental : la zone de Fos a vocation à accueillir le portuaire “lourd” qui perdure à Marseille (conteneur, chimie, minerai …). Marseille a besoin du foncier actuellement occupé par ces reliquats des années 50 pour déployer de la logistique urbaine sur cette surface actuellement peuplée de conteneur, de bagnoles et de citernes, qui n’ont plus rien à faire au milieu d’une ville de 800 000 habitants.
Trop petite, cette lorgnette sur l’industrie à Fos. L’étendre à Gardanne c’est bien, la penser avec Marseille (et Miramas, Salon etc) c’est mieux.
Les dialogues organisés façon “Dialogue Ville-Port”, c’est sûrement une bonne chose, tant que ce n’est pas du dialogue instrumentalisé … Espérons que celui ci sera fertile. Il aurait en tous cas intérêt à cultiver large, à l’échelle du vrai bassin industriel, Marseille incluse.
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