Un hommage aux disparus de la rue d’Aubagne entre émotion et tension
Ce mardi 5 novembre, un hommage a été rendu aux huit victimes disparues dans les effondrements rue d'Aubagne, il y a un an jour pour jour. Proches de victimes, militants, journalistes... Environ 200 personnes étaient présentes pour cette commémoration.
Commémorations du mardi 5 novembre 2019. (Photo : VA)
Il y a déjà foule sur la petite place, dans l’attente interminable de 9 heures. Les gens se font des bises, des accolades. Sur les visages, quelques larmes, beaucoup de sourires compatissants. Tout le monde semble se connaître, heureux de se retrouver malgré l’émotion du moment. Une banderole tombe de la fenêtre la plus haute de la place Homère, petit espace triangulaire, devenue le symbole de la mobilisation après les effondrements qui se sont produits quelques mètres plus haut.
“Ni oubli, ni pardon”, peut-on y lire, sous les applaudissements. Les journalistes sont là par dizaines : presse écrite, télévisions, radios. Leurs va-et-vient agacent. Les militants politiques ou associatifs sont aussi nombreux, plus que les anonymes ou même les curieux. Certains proches des victimes ont également fait le déplacement. Ce n’est pas une foule immense qui est présente ce mardi matin 5 novembre, quelques 200, 250 personnes tout au plus. Mais une foule dense. Difficile de se faufiler entre les épaules qui se touchent, comme pour mieux se réconforter des souvenirs pesants qui peuvent refaire surface.
Huit minutes de silence
Sous la pancarte qui présente les visages des disparus, quelques fleurs ont été déposées et des bougies attendent d’être allumées. La foule est étrangement silencieuse. Les conversations forment un fond bourdonnant. Les regards cherchent des visages connus, souvent rencontrés au courant de cette année. Les représentants du collectif du 5 novembre allument les mêmes torches qui avaient servi voici un an à symboliser les disparus. Elles se mêlent aux perches des caméras.
L’air se trouble au-dessus des flammes et rend floues les parois des immeubles. Les ding-dong de l’église de la rue de la Palud égrainent le compte à rebours des huit minutes de silence. Les écrans s’élèvent pour immortaliser et multiplier l’instant. Un bébé geint dans le silence. Lui aussi a connu la crise et le délogement. Chaque bruit résonne : le ronron des moteurs, le tram qui passe. Un bruit de chaîne qui sonne comme un carillon déraillé. Le soleil pointe son nez dans l’axe de la rue. Il découpe le profil des immeubles encore debout. Homère est doré.
Des visages aux yeux fermés. Des joues baignées de larme. Il y a des gens de droite – un peu – de gauche beaucoup, des rouges, des verts, des roses. Au fil des minutes, les flambeaux noircissent. Huit minutes, c’est long. Ou trop peu. Les militants du collectif crient les prénoms des huit disparus. Le silence se tord en cris. “Ni oubli, ni pardon !”. “La mairie ! Coupable ! L’État ! Coupable ! La métropole ! Coupable !”, lance une femme excentrée, rapidement reprise par la foule.
“Cassez-vous ! Cassez-vous !”
“C’était pas la pluie”, hurle une autre voix féminine en écho au premiers commentaires de la Ville le 5 novembre 2018. Après l’hommage du collectif du 5 novembre, l’association Marseille en colère prend le relais. Huit ballons de baudruche sont lâchés un par un au nom des victimes. Deux d’entre eux restent coincés dans la gouttière d’un immeuble de la rue d’Aubagne. Une dame met des mots sur ce symbole que tout le monde a en tête : “regardez, même les ballons veulent nous rappeler que ces immeubles sont pourris !”.
Les parents de Simona, silencieux, regardent le ballon au nom de leur fille s’envoler dans un sanglot étouffé. La mère tient un portrait de la jeune étudiante, rayonnante, coiffée d’une couronne de feuillage. Sophie, l’une des survivantes du 65, traverse discrètement la foule, souriant du coin des lèvres aux visages qu’elle reconnaît comme pour dire, “je suis là, merci de l’être aussi”. Le frère de Marie, retient son chagrin. Il se dit aussi “très touché de voir qu’il y a beaucoup de monde ici aujourd’hui.” Peu à peu, la foule se dissipe. Et c’est sur une note inattendue que se clôture cet hommage aux victimes du 5 novembre.
“On ne peut pas se recueillir en paix, y a Samia Ghali derrière toi”, glissait-on déjà avant le recueillement, comme un signe précurseur. Présente sur les lieux, la sénatrice ex-PS et ancienne maire des 15e et 16e arrondissements a suscité les huées. “Cassez-vous ! Cassez-vous !”, n’a pas hésité à scander la foule en colère. À ses côtés, l’ancien maire du secteur Patrick Mennucci (PS) file en douce. Le candidat écologiste Sébastien Barles s’éclipse dans la foulée. Défendue par les proches d’une des victimes, la sénatrice tient bon quelques minutes avant de rebrousser chemin. Pendant ce temps, les élus de la majorité commémoraient, eux, l’événement tragique au sein de la mairie centrale, dont les portes sont restées closes. Jean-Claude Gaudin tenait à remercier les agents municipaux pour la gestion de la crise lors d’une cérémonie, à huis clos.
Violette Artaud, Lisa Castelly et Benoît Gilles
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Les parents de Simona étaient très dignes et très beaux.
Madame Ghali vient encore faire son cirque. Mennucci était là, plus discret. La présence de Payan passait inaperçue…
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