Un an après, l’immeuble au balcon effondré prend encore l’eau
Les participants de la première marche d'hommage aux morts de la rue d'Aubagne ont vu s'effondrer un balcon. Un an après, l'immeuble est sorti de péril mais la pluie est revenue dans un des appartements.
Un an après, l’immeuble au balcon effondré prend encore l’eau
“Je ne peux plus m’approcher d’une fenêtre, j’ai même des vertiges quand je prends un escalator.” Le 10 novembre 2018, Mounira Aissa se rend sur son balcon du 20 boulevard Garibaldi pour constater l’ampleur de la marche blanche. L’hommage aux huit personnes décédées dans les effondrements des immeubles de la rue d’Aubagne réunit dix mille personnes. “Là, je n’ai plus aucun souvenir, jusqu’à ce que je me réveille entourée de pompiers et j’ai tellement mal que je m’évanouis.” Une partie du balcon vient de céder, entraînant la sexagénaire et son petit fils de 7 ans dans une chute d’environ quatre mètres. Elle s’en tire avec deux vertèbres cassées, et le garçon, tombé sur sa grand-mère, avec un gros hématome. Alors que Mounira Aissa est amenée à l’hôpital pour y subir une opération, les habitants et les commerces des 18, 20 et 22 boulevard Garibaldi sont évacués. Un périmètre de sécurité interdit le passage sous ces immeubles. Largement médiatisé, cet événement devient symbolique du non entretien du bâti marseillais. Le bâtiment figure même dans le Taudis-poly, un jeu de sensibilisation et d’interpellation sur le mal logement dans la deuxième ville de France.
L’immeuble a pourtant des caractéristiques atypiques dans le quartier de Noailles. Les trois premiers étages sont habités par des propriétaires occupants. Une même famille possède les appartements du deuxième, troisième et quatrième, et trois des cinq chambres de bonne du cinquième étage. La cage d’escalier tient de l’immeuble bourgeois. Chacun des trois premiers niveaux compte un appartement d’une surface de 130 m2, au quatrième il fait 88 m2. Tous sont refaits à neuf. L’accident, puis l’évacuation, va fracturer ce bel ensemble.
On nous a donné cinq minutes pour préparer nos affaires et évacuer. Je me suis retrouvée dehors avec mes trois enfants.
La propriétaire occupante du 3e étage
“Je rentrais du travail quand j’ai entendu un grand bruit et des cris, se souvient Elinda Todji, propriétaire occupante du troisième. J’ai d’abord cru que ça provenait de la marche blanche puis j’ai vu quelqu’un étendu dans la rue. Je me suis précipitée dans l’escalier, et j’ai trouvé la porte de ma voisine du premier ouverte avec un petit de 5 ans qui pleurait au milieu du salon. Il criait que son frère était tombé. J’ai voulu aller sur le balcon et j’ai vu le trou. Ensuite, un pompier et un expert ont inspecté l’immeuble, et nous ont dit qu’il n’y avait pas de danger à l’intérieur et que nous allions pouvoir réintégrer dans vingt minutes. Puis, un autre est arrivé sans se présenter, et nous a donné cinq minutes pour préparer nos affaires et évacuer. Je me suis retrouvée dehors avec mes trois enfants. C’est un souvenir que j’aimerais effacer.”
Publié le 19 novembre, l’arrêté de péril grave et imminent préconise l’évacuation des 18 et 20 boulevard Garibaldi, la mise en place d’un filet de sécurité en complément du périmètre sécurisé et la nomination d’un bureau d’étude afin d’indiquer les travaux à réaliser sur l’ensemble des balcons. Un avis de réintégration est publié le 22 décembre.
Péril levé en septembre, pluies en octobre
Un an plus tard, installée dans son salon au plafond doré, Mounira Aissa remercie le ciel de pouvoir marcher. Pendant trois mois, elle n’a plus pu bouger. Dans l’angle de la pièce, près de la porte fenêtre dont elle ne s’approche plus, des auréoles jaunes rappellent ces infiltrations d’eau qui ont provoqué l’accident. “La gouttière était cassée au niveau du balcon, raconte Hatem qui cohabite avec sa mère. La copropriété a décidé d’entreprendre des travaux pour la réparer et refaire la façade en 2016, mais nous avons galéré pour obtenir les autorisations auprès des services de la mairie. Les travaux devaient finalement démarrer en janvier.” Suite à l’arrêté de péril, les démarches ne sont pas vraiment accélérées.
À ce niveau, le drame de la rue d’Aubagne n’a pas vraiment fait évoluer le us et coutumes de la Ville, les travaux d’office qu’elle peut engager à la place des propriétaires restent une possibilité très théorique. La copropriété n’est pas non plus accompagnée dans ses démarches. “Le syndic s’en occupe, c’est pour ça qu’on le paie, mais lui aussi a été bousculé par la situation, c’était la pagaille dans tout Marseille, et il y avait pire que nous, explique Elinda, formatrice caissière dans un supermarché discount. Je trouve quand même que les services de la mairie ont été excessifs. Leur intervention a ralenti les travaux, et engendré de nombreux frais supplémentaires. J’ai dû m’endetter pour payer.” Le bureau d’étude technique finit par fournir les plans d’exécution le 19 mars 2019. Puis, la reconstruction des balcons s’étire jusqu’à fin mai, s’en suit le ravalement de la façade et la réparation du toit côté rue. La main levée de péril tombe le 16 septembre.
Le 23 octobre, la première grosse pluie d’automne réveille les traumatismes dans le quartier de Noailles. Le quatrième étage du 20 boulevard Garibaldi n’y échappe pas. L’eau ruisselle abondamment le long du fil électrique du plafonnier du salon avant de s’écouler dans des seaux placés au sol sur une bâche. Vaste et lumineuse, la pièce principale de l’appartement affiche une belle élégance si ce n’est ces auréoles jaunâtres qui traversent le plafond.
Locataire depuis dix ans, Maryse Dupuis vit avec un fils en situation de handicap dont elle a la tutelle, son fils aîné devenu son aidant familiale depuis qu’elle souffre d’un début d’Alzheimer, et sa belle-fille. Habituée des dégâts des eaux, la famille comptait sur l’arrêté de péril pour que ces infiltrations à répétitions ne soient plus qu’un mauvais souvenir. Elle n’a d’ailleurs réintégré les lieux qu’en mars. Mais après avoir vécu six mois chez des proches, elle retrouve un logement qui prend l’eau… et une ambiance conflictuelle au sein de l’immeuble.
Coté boulevard, côté cour
“Le fait que ça coule encore chez eux reste à déterminer, s’énerve son propriétaire Ilies Ayadi, frère d’Elinda. Depuis le mois de mars, nous demandons l’intervention d’un expert pour déterminer l’origine de la fuite et gérer ce litige, parce que cette famille profite de ces pseudos incidents pour ne pas payer son loyer. Après, il y a un dégât des eaux qui concerne le propriétaire du cinquième qui a un studio dont la conduite fuit. Là encore, à partir du moment où son locataire ne veut pas ouvrir sa porte pour laisser les gens travailler, ça devient très compliqué pour tout le monde. Nous on a eu la visite des services de la mairie, et ils attestent que tout est OK pour eux.”
Je leur ai signalé le problème de fuites dans notre appartement, mais ils m’ont dit qu’ils n’étaient là que pour les balcons.
En effet, côté rue, la façade ravalée et les balcons restructurés inspirent désormais confiance. Côté cour, le spectacle est moins engageant. Le toit présente des tuiles de guingois, les fenêtres du cinquième étage apparaissent fuyardes. Surtout, dépourvu d’enduis et certainement poreux, le pignon entraîne des chutes de pierres sur le 18 boulevard Garibaldi.
Ces désordres ne sont pas nouveaux, mais les experts venus contrôler les balcons n’ont pas inspecté le reste du bâtiment. La mairie justifie souvent son inaction par le fait qu’elle ne peut pas entrer dans les copropriétés. Là, elle en avait l’occasion. “Je leur ai signalé le problème de fuites dans notre appartement, mais ils m’ont dit qu’ils n’étaient là que pour les balcons, déplore Leila, la belle fille de la locataire du quatrième, boulangère à Noailles. Cette eau qui s’infiltre dans nos murs, ce n’est pas du tout rassurant, on voudrait déménager, mais on ne trouve pas à se loger ailleurs. Personne ne veut d’une locataire de 80 ans handicapée et qui touche le minimum vieillesse. J’ai fait une demande de logement social, rien ne bouge.” Loin d’être un taudis, le 20 boulevard Garibaldi nécessite encore des soins pour que son standing ne se résume pas à un simple maquillage risquant vite de couler.
Commentaires
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Il serait temps qu’une nouvelle disposition réglementaire stipule qu’en cas de risque de dégât des eaux (autre qu’une simple fuite de robinet) les réparation soient à la charge de la copropriété car c’est bien elle qui risque d’être dégradée.
C’est le simple bon sens mais nos élus et responsables ministériel n’en ont pas beaucoup semble-t-il.
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