Troisième tour : les législatives du grand chambardement

Avec les législatives, c'est toute la présidence d'Emmanuel Macron qui est en jeu. (image : BG)

Scène ordinaire de la vie politique. À la sortie du conseil métropolitain ce jeudi, Dominique Tian s’apprête à enfourcher sa grosse cylindrée. Le maire de Cabriès, Hervé Fabre-Aubrespy l’interpelle. Il veut connaître les pronostics du député sortant sur les chances des candidats Les Républicains à Marseille. “Pour toi cela devrait passer, mais les autres ?”, interroge le conseiller d’État. “Rien n’est jamais joué d’avance, philosophe Dominique Tian qui se présente dans une 2e circonscription réputée imperdable pour la droite. Avec Sabine [Bernasconi, sa suppléante, ndlr], on prend chaque élection comme si c’était la première. Cela devrait passer pour Guy [Teissier]. Pour Valérie [Boyer], ça sera plus compliqué. Pour Yves Moraine, cela devrait le faire aussi. Carlotti qui renonce, c’est bon pour lui…”

Hervé Fabre-Aubrespy fait la moue : “La question est de savoir s’il y aura un effet Macron, avec toutes ces nouvelles têtes. Ils parlent renouvellement mais ça va être une assemblée de godillots, le règne des technocrates”. Le maire communiste de Gardanne, Roger Méï s’approche à son tour. Par le passé, les deux hommes se sont affrontés aux législatives. Bien plus que les querelles entre France insoumise et Parti communiste, ce qui l’inquiète est le score du Front national dans sa circonscription qui regroupe une grande partie de l’ancien pays minier. “Je ne suis pas sûr que le député sortant réussisse à faire barrage”, hasarde-t-il. Les trois hommes finissent par se quitter sans aucune certitude sur l’identité des députés qui représenteront les Bouches-du-Rhône dans moins d’un mois.

Décomposition/recomposition

Plus que jamais depuis que la réforme institutionnelle a placé l’élection des députés après celle du président, ces législatives méritent le qualificatif de troisième tour. Premier président élu sous la cinquième sans véritable parti, Emmanuel Macron doit pouvoir se composer une majorité dans le marais français qui va de l’aile droite du Parti socialiste à l’aile gauche des Républicains. Il mise pour cela sur une recomposition profonde née de la décomposition des partis en place.

À gauche, ce grand chambardement a déjà commencé. Faute d’accord avec La France insoumise, le Parti communiste a dû se plier à un arrangement local et retirer quatre de ses candidats, quand le parti de Jean-Luc Mélenchon n’en retire qu’un seul dans le département. Ailleurs, il y aura des luttes fratricides. Au Parti socialiste, la décomposition a commencé avec les conséquences politiques de l’affaire Guérini. L’ancien patron du PS avait déjà tenté de dépasser le clivage gauche/droite avec son mouvement la Force du 13. L’effet centripète se poursuit avec la tentation Macron qui fait valser les étiquettes.

Courants faibles

À droite, on espère encore une cohabitation. Le faible nombre de transfuges dans le nouveau gouvernement rassure. Localement, aucun élu LR ou UDI n’a été investi par La République en marche. Mais bien malin qui pourrait aujourd’hui miser la théorie des courants porteurs. À Marseille, jusqu’où ira l’effet de souffle provoqué par l’arrivée de Jean-Luc Mélenchon ? Le vent de fraîcheur des candidats macronistes va-t-il se concrétiser dans les urnes ? Ou est-ce du front national que viendra la surprise ?

Pour suivre au mieux ce feuilleton haletant, Marsactu a décidé de zoomer sur six circonscriptions : quatre à Marseille deux dans le reste département. Nous nous efforcerons bien entendu de suivre également les autres. Mais dans ce grand chambardement, nous avons décidé de parier sur ces six clefs.

La droite face son extrême

Dans la première circonscription des Bouches-du-Rhône, la députée sortante LR se voyait déjà en train de lustrer un maroquin ministériel sous la présidence Fillon. L’affaire Penelope laisse Valérie Boyer bien seule face à un Front national très ancré à l’est de Marseille. Son ancien camarade de parti Franck Allisio tentera de transformer cet ancrage en tremplin vers l’assemblée.

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La boxeuse contre le FN

Députée déchue, Sylvie Andrieux a laissé derrière elle un véritable champ de ruines dans une circonscription acquise à la gauche depuis des lustres. Sans l’étiquette En marche mais estampillé “majorité présidentielle”, le conseiller départemental Christophe Masse retrouvera sur sa route Anne di Marino dont il a contesté l’investiture socialiste et Alexendra Louis, candidate investie au dernier moment par République en marche. Depuis les municipales 2014, l’adjoint aux sports Richard Miron a traversé la ville du Sud au Nord pour tenter de faire tomber cette “circo” dans l’escarcelle LR. Mais c’est de la jeune championne de kick-boxing Sarah Soilihi, porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, que pourrait venir la surprise. Native de Frais-Vallon, elle pourrait inciter à voter des quartiers populaires depuis longtemps tombés dans l’abstention et ainsi barrer la route au maire de secteur Stéphane Ravier qui a perdu de peu de voix en 2012 et se représente.

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La guerre des gauches

C’est la grande surprise de l’après présidentielle. Jean-Luc Mélenchon saute sur la Belle-de-Mai et l’ensemble du centre-ville. Le député sortant, Patrick Mennucci pensait être le candidat du vote utile après la vague “insoumise” dans cette circonscription du centre-ville populaire. Il devra faire avec un adversaire d’une envergure sans égal. À droite comme à gauche, les autres candidats auront du mal à exister médiatiquement face au duel annoncé même si la chef de file de la République en marche dans le département, Corinne Versini, peut croire à une vague Macron

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Un dauphin dans le grand bain

Yves Moraine laboure depuis des mois un terrain qui jusque-là ne lui était pas forcément familier. Dauphin désigné par Jean-Claude Gaudin pour lui succéder à la mairie, il doit d’abord réussir l’examen d’une élection nationale. En cas d’échec, l’accession au trône sera plus difficile. Le retrait de la députée sortante Marie-Arlette Carlotti a éclairci sa route mais le courant Macron fait bouger toutes les lignes. À qui les candidats non investis par la République en marche, le Modem Patrick Thévenin et l’adjoint au maire UDI Maurice Di Nocera prendront-ils des voix ? La candidate investie, Cathy Racon-Bouzon, sans expérience, pourra-t-elle se hisser au second tour ? Et le candidat de la France insoumise, Hendrik Davi, bénéficiera-t-il de l’effet Mélenchon alors qu’une candidate PC barre sa route ? Le suspense est à son comble.

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Retour de flamme

C’est sans doute la circonscription où le Front national est le plus ancré. Marignane, Saint-Victoret et Gignac-La-Nerthe mettent régulièrement les Le Pen en tête. Marignane comme Vitrolles ont connu un maire d’extrême-droite. Le parti a cette fois dépêché son numéro 3, Jean-Lin Lacapelle pour réussir là où personne avant lui n’a réussi, Bruno Mégret échouant notamment à 49,5 % des voix au premier tour en 1993. En 2012, la vague hollandiste avait porté Vincent Burroni jusqu’au palais Bourbon. Cinq ans plus tard, la vague pourrait bénéficier à un frontiste, malgré un candidat dissident soutenu par le seul conseiller départemental FN et un autre Debout la France pour rogner ses chances.

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Attention à la Marche

Longtemps, le premier fédéral du Parti socialiste, Jean-David Ciot a espéré une investiture du parti d’Emmanuel Macron puis aucun candidat face à lui. Cela ne sera ni l’un, ni l’autre. La République en marche a choisi l’animatrice de son comité local Anne-Laurence Petel pour porter les couleurs du nouveau parti. Les électeurs du pays d’Aix seront-ils fidèles au vote Fillon du premier tour en votant pour le candidat soutenu par Maryse Joissains, Stéphane Paoli, ou vont-ils confirmer leur adhésion à la volonté de renouvellement macroniste ? Dans les deux cas, le député sortant pourrait en faire les frais.

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Sans oublier les autres circos…

Dans ce 3e tour haletant, Marsactu fait des choix mais n’en oublie pas pour autant les autres circonscriptions du département. Le communiste Dharréville face au Front national à Istres et Martigues. Henri Jibrayel face à la vague Mélenchon. La frontiste Valérie Laupies si près du but à Arles et Tarascon. Et, sans investiture En marche mais sans candidat du président face à lui François-Michel Lambert a-t-il une chance d’être au second tour dans la 10e circonscription de Gardanne et Allauch ?

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