Stéphane Ravier et le Rassemblement national “vers le point de rupture”
Considéré comme trop complaisant vis-à-vis d’Éric Zemmour, Stéphane Ravier est désormais dans le viseur de Marine Le Pen. Le groupe municipal marseillais a explosé et l'antenne locale du RN est tiraillée entre loyauté au parti ou soutien au leader local.
Photo Emilio Guzmán
La vidéo sur les réseaux sociaux est volontiers martiale : “Je ne mets pas un genou à terre, je ne capitulerai pas devant les oukases parisiens. J’en appelle au peuple militant de Marseille”. Stéphane Ravier, seul sénateur RN de France, y invite les militants à le rejoindre devant sa permanence du 13e arrondissement ce jeudi soir. Comme un test de popularité juste après, promet son équipe, une expression sur une antenne nationale. Pour y dire quoi ? Pour l’instant, le suspense est maintenu. Tout juste peut-on constater qu’il a choisi de proposer son événement alors qu’au même moment se tiendra près de la place Castellane le bureau départemental de son parti, le Rassemblement national. Une instance dont il est membre.
Depuis plusieurs jours, Stéphane Ravier est en guerre ouverte avec le secrétaire du parti dans les Bouches-du-Rhône, Franck Allisio, par ailleurs conseiller spécial de Marine Le Pen. Sur fond de sympathie affichée pour Éric Zemmour, défenseur comme lui de la théorie du grand remplacement, Stéphane Ravier agaçait déjà largement en interne. Sa sortie à la cathédrale de La Major avec le candidat, ses vœux où il ne citait pas Marine Le Pen témoignaient de son positionnement singulier. Son refus d’exclure du groupe municipal la conseillère régionale Sophie Grech, qui a parrainé l’ex-polémiste de CNews, a sorti les critiques du cénacle du parti. Lors d’une conférence de presse improvisée le 1er février, Franck Allisio a expliqué que quatre élus se placeraient en dehors du groupe tant que Sophie Grech y siégerait.
“C’est lourd ce qu’il nous fait subir”
Officiellement, Franck Allisio ne veut plus en rajouter : “C’est un appel à l’insurrection, je n’ai plus envie de commenter, je ne joue pas dans une série américaine.” Mais il défend sur le fond sa position, dictée par le siège du parti. “Quelle est la meilleure stratégie pour les Zemmouriens que de faire en sorte d’organiser la fuite des parrainages en faveur de Marine Le Pen à qui il manque aujourd’hui 70 promesses de parrainage ? Comment devrions-nous réagir face à une tentative d’assassinat politique en bande organisée de notre candidate ?”
Il presse aussi Stéphane Ravier de clarifier son positionnement : “C’est lourd ce qu’il nous fait subir, soit il soutient Zemmour et il le fait, soit il ne fait pas confiance à Marine Le Pen et il ne veut pas faire la campagne à 200 %, c’est son droit et il se met en retrait.” Dans l’entourage du sénateur, on en sourirait presque :“Ils ont déterré la hache de guerre sans penser à un scénario de sortie de crise. Nous, on a encore des solutions sur la table.”
[Stéphane Ravier] retrouve acculé et on lui a mis Franck Allisio dans les pattes. On le met dehors en quelque sorte.
Cédrid Dudieuzère, élu RN
Comme Stéphane Ravier refuse pour l’heure de sortir de l’ambiguïté, la situation semble désormais difficilement résoluble. Proche de Stéphane Ravier, le conseiller municipal Cédric Dudieuzère, le constate avec regrets : aucun des deux camps ne joue réellement l’apaisement. “Aujourd’hui le problème, c’est que certains veulent sa peau à Paris, analyse-t-il. C’est pas forcément nouveau, mais maintenant ça éclate au grand jour. Il se retrouve acculé et on lui a mis Franck Allisio dans les pattes. On le met dehors en quelque sorte. On s’achemine de plus en plus vers le point de rupture”.
Ravier veut la tête d’Allisio
Une tentative de conciliation a échoué lundi soir avec le président du parti Jordan Bardella, qui a défendu “un groupe municipal à Marseille sans madame Grech“, dans les colonnes du Figaro. Inacceptable pour Ravier qui veut être débarrassé de Franck Allisio. “Franck Allisio est arrivé il y a quelques années. Il arrive une heure en retard au conseil municipal, il ne fait aucune intervention. Il est fait pour être à Paris et pour faire des notes, je ne l’ai jamais vu coller une affiche ou mettre un tract dans une boîte aux lettres”, commente Cédric Dudieuzère. Pour lui, son départ de sa fonction de délégué départemental serait “une bonne chose” après une conférence de presse qu’il juge “inacceptable”. “Moi je ne suis rien là-dedans”, répond Franck Allisio.
Entre Stéphane Ravier et Franck Allisio, les rapports ont été au mieux cordiaux. Entre l’ancien membre de cabinet ministériel sous Nicolas Sarkozy et le militant qui a gravi les échelons du parti et de la République, le choc des cultures politiques semble net et la cohabitation parfois difficile. Fidèle de Jean-Marie Le Pen, Stéphane Ravier n’a jamais caché son enracinement à l’extrême-droite qu’il qualifie aujourd’hui de “camp national”. Franck Allisio incarne quant à lui “la dédiabolisation”, censée amener Marine Le Pen jusqu’au pouvoir.
La constitution des listes aux régionales 2021 a notamment suscité des tensions. Lors de la présentation des listes, Stéphane Ravier avait affiché, dents serrées, son mécontentement de voir affiché par Thierry Mariani un “duo de têtes de liste” mêlant Sandrine D’Angio et Franck Allisio. Pour lui, seule sa nièce qui lui a succédé comme maire des 13e et 14e arrondissements, méritait d’être mise en avant.
Le désaccord est profond et remonte jusqu’au sommet du parti. Marine Le Pen se préoccupe en personne de la situation. Cette semaine, elle a pris le temps en pleine campagne d’appeler l’élu RN marseillais de longue date, Bernard Marandat. Lequel, sur le retour des vacances, n’a su que répondre : “Je ne sais pas quel est le but de Stéphane Ravier. Si son but est de faire en sorte que tout le monde reste bons amis, je suis tout à fait d’accord avec lui. Si c’est un travail de sape pro-Zemmour, ce que je ne crois pas, alors c’est différent.”
“Nos électeurs et nos militants sont ballotés”
Ni proche de Stéphane Ravier ni démissionnaire, Bernard Marandat fait figure de charnière dans le groupe. Autour du sénateur, ils sont aujourd’hui quatre. Un nouveau départ entérinerait la fin du groupe et placerait Stéphane Ravier et ses proches parmi les non-inscrits. Ce scénario le priverait de moyens d’action, notamment de collaborateur alors que le poste est actuellement occupé par Emmy Font, compagne du sénateur.
À l’extérieur de l’hémicycle, le mal est déjà fait et la situation sème le trouble au sein du parti. “Nos électeurs et nos militants sont ballotés, alors j’ai pas envie d’en rajouter”, commente avec une pointe de lassitude Eléonore Bez, une des conseillères municipales qui a quitté le groupe. “Ça a troublé tous nos adhérents et nos militants qui ne comprennent pas”, jure de son côté Franck Allisio.
Il y a quelques jours, le même disait : “On est harcelés de coups de fil de militants, on vit l’enfer et moi au premier rang.” Une atmosphère qui désespère Bernard Marandat : “Quand nos idées commencent à émerger, on se divise. Cela aura pour seul résultat de faire plaisir à nos adversaires alors que localement, on est les mêmes. Cela me rappelle un peu Mégret”. Manière de dire que dans les Bouches-du-Rhône et au-delà, vingt ans après les tensions entre le Vitrollais Bruno Mégret et Jean-Marie Le Pen, les stigmates de la scission sont toujours là.
Commentaires
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“Marine Le Pen à qui il manque aujourd’hui 70 promesses de parrainage” : la méthode Coué est éprouvée, mais selon les informations publiées au Journal Officiel, l’éternelle candidate RN dispose aujourd’hui de 139 parrainages. Il en manque donc plutôt 370 environ.
Quant à Zob, il en a officiellement 149. Ces deux-là se partagent les “parrains” comme ils se partagent les électeurs, dont le nombre n’augmente pas avec le nombre de candidats d’extrême-droite.
Pour paraphraser Mauriac parlant de l’Allemagne, j’aime tellement l’extrême-droite que je préfère qu’elle ait plusieurs candidat•e•s.
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Il fait ici distinguer parrainages déposés au conseil constitutionnel et promesses recueuillies par la candidate. Ces dernières ne reposent évidemment que sur du déclaratif.
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Ces gens là et leurs turpitudes méritent d’être grand remplacés….
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Coïncidence ?
Ce matin je constate que le quartier de la gare St Charles est couvert d’affiches qui proclament : “Soral a raison”
Je me suis dit que c’était un peu un gâchis de payer et de coller ces affiches car je doute que beaucoup de ceux qui vivent dans le quartier connaissent Soral (pourquoi pas Maurras, du temps qu’on y est ?)
Ou alors il y a une erreur, c’est le fait de gens bien intentionnés qui voulaient dire ” Sokal a raison” car ils cherchent à alerter les étudiants de la fac St Charles sur l’existence des publications pseudo scientifiques et l’imprimeur a fait une faute de frappe.
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