[Sprint final] Gaudin et Tian chassent Mennucci sur ses terres

Jean-Claude Gaudin dans le centre de Marseille en 2014.

Le maire ne voulait pas qu'il y aille. Pourtant, l'ancien élu des quartiers sud Dominique Tian a presque déjà réussi son pari dimanche dans le 1/7, avec 38,6% des voix face au candidat socialiste Patrick Mennucci (27%). Ce jeudi, c'est tout sourire, aux côtés notamment de sa colistière Sabine Bernasconi et de l'ex-maire du 1/7 Jean Roatta, qu'ils ont arpenté le cours Belsunce. Après un bain de foule devant la bibliothèque municipale, un arrêt à la pâtisserie de la rue d'Aix, le cortège se pose vite à la brasserie de l'Alcazar.

Pendant ce temps d'échanges, les sujets évoqués sont classiques : la grande mosquée qui n'a toujours pas vu le jour, le "marché de la drogue" à côté de l'Alcazar, "des jardins publics pour les enfants"… Le discours du maire l'est aussi. Interrogé sur les passerelles avec l'Algérie, notamment en terme d'emploi, il sort de ses cartons son anecdote favorite sur ce pays, l'aide apportée par l'AP-HM aux hôpitaux d'Oran. Plus proche des préoccupations des habitants, il rappelle le centre social construit rue Senac du temps de Jean Roatta, "là où auparavant on rembobinait les moteurs des tramways". Cette précision mécanique plutôt inattendue a fait les délices de Dominique Tian, une fois le maire parti.

Ce vendredi matin, il enchaînait avec une visite du marché de Noailles. "J'ai eu chaud car à 33 voix près il râtait son élection au premier tour dans le 6/8 et on aurait pu me le reprocher, avec mon départ du secteur", souffle Tian. Au lieu de ça, le maire peut se consacrer à un duel à distance avec Mennucci. À en juger par les renforts d'écharpes bleues et de colleurs constatés depuis quelques jours dans les rues du centre-ville, c'est aussi le cas des militants du Sud. "L'accueil est encore meilleur depuis le premier tour, des gens qui n'ont pas voté nous disent qu'ils viendront cette fois-ci", glisse un militant qui croit à "une dynamique" en la faveur de Tian.

Percée dans le 1er

Ce dernier trouve donc des circonstances idéales pour son combat préparé de longue date. L'ancien maire du 6/8 se plaisait à descendre dans l'arène face à un adversaire comparé à "un grizzly sur une banquise avec une volonté de nous griffer". À une époque où Gaudin n'avait pas encore confirmé sa décision de briguer un 4e mandat, il affichait même ses ambitions : "Si un jour je veux être maire de Marseille, il faut bien que je prouve quelque chose. Comment tu prouves si tu es resté planqué toute ta vie ?"

Le 23 mars, il a posé de sérieux jalons, avec "des scores jamais atteints" dans le 1er arrondissement. Même si le maire de secteur Patrick Mennucci y reste en tête, il chute lourdement par rapport aux législatives 2012 : 2157 voix perdues. Le candidat socialiste pâtit certainement des 916 voix de Sébastien Barles pour Changer la donne et de la baisse de la participation (-900 votants).

Mais dans le même temps, Tian gagne 919 voix par rapport à sa collègue UMP Solange Biaggi. Il faut croire que sa chasse aux "fraudeurs" du RSA et aux bénéficiaires de l'aide médicale d'État n'a pas dérouté dans ces quartiers populaires. Dans le même temps, le 7e arrondissement confirme son ancrage à droite. Et ceux qui ont résolument le coeur à gauche, on préféré le Front de gauche de Christian Pellicani qui progresse presque autant que Tian (+1250 voix). Voici, compilées sur une carte, les pertes de voix de Mennucci par rapport à 2012.

Complétant un supporter qui vante "sa discrétion", Tian explique sa méthode, loin de la confrontation directe. "C'est tout le contraire des visites barnum que fait Mennucci avec 50 personnes et des caméras partout", lance-t-il, concédant que celle du jour constitue "un contre-exemple".

"Avec Sabine, on vient de passer deux heures avec la communauté africaine, dans un restaurant sénégalais", illustre-t-il. Plus tard dans l'après-midi, il ira dans un discret immeuble de la rue Saint-Bazile, à la rencontre de Français d'origine comorienne. "Mennucci les a traité par le mépris. Ce n'est pas parce qu'on est Algérien, Tunisien ou Africain qu'on n'a pas droit à des services publics", assène-t-il. Interrogée sur le potentiel aspect communautariste de ces rendez-vous, Sabine Bernasconi fait la comparaison avec "un groupement de consommateurs" et précise la démarche : "On ne parle pas aux gens sur des bases ethniques et surtout on ne promets rien", avance-t-elle.

"Mennucci a énervé les gens de partout"

Plus généralement, la candidate privilégie les réunions d'appartements, "qui s'adressent à des convaincus mais où on leur donne des clés pour amplifier le message". Combien en a-t-elle fait ? "Comptez le nombre de jours depuis janvier, moins quelques dimanches", répond-elle, un brin de fatigue dans la voix.

Pour illustrer le contenu des discussions, la tête de liste renvoie vers un article de La Provence (lien payant) qui donnait la parole aux habitants du secteur, mardi 25 mars. L'occasion pour Tian d'un procès du mandat de Mennucci à la tête de la mairie du 1/7 : "Il a énervé les gens de partout, avec des discours sans subtilité. Refuser un 4 étoiles aux Feuillants, à deux doigts du marché de Noailles, c'est exactement ce que les gens ne veulent plus". Même discours sur la piscine sur la parcelle Giraudon aux Catalans ou la semi-piétonnisation de la Corniche proposée "pour les bobos pas pour ceux qui ont besoin d'y passer en voiture le matin pour aller travailler". Nul n'est astreint à la subtilité.