Solférino tire à vue sur Guérini. Mais avec un pistolet à bouchon

La scène se passe la semaine dernière au siège d’Eurocopter à Marignane. Le préfet Parant avait réuni autour de lui à l’occasion de la 4e confèrence régionale de l’Industrie des patrons de l’aéronautique et plusieurs politiques locaux dont le président de Marseille Provence Métropole Eugène Caselli. A la fin de cette réunion , devant un parterre de cadres et de journalistes, Loïc Gachon, le maire de Vitrolles, se lève pour poser une question, en déclinant son CV, comme on le fait généralement dans ces cas là.

Bonjour, je suis Loïc Gachon, maire de Vitrolles mais également vice-président de la communauté d’agglomération du Pays d’Aix en charge de l’économie… et accessoirement conseiller général des Bouches-du-Rhône. A ces derniers mots, un début de fou rire gagne l’assistance des hommes en gris, y compris le martial préfet Parant, qui esquisse un sourire compatissant. Voilà comment en quelques semaines une des plus importantes institutions du département, dotée d’un budget de 2,4 milliards d’Euros, en charge de très grands dossiers comme notamment l’aide sociale, la construction de collèges, et une partie du développement économique est aujourd’hui devenue la risée de la plupart des décideurs marseillais, et sans doute des Marseillais eux-mêmes.

Pression à gauche comme à droite

Malgré cela, le vaudeville continue, et le nouvel épisode qui s’annonce va continuer à nous enfoncer dans le grotesque. On se résume. Comme la presse nationale en a déjà fait ses choux-gras ce matin – c’est vrai qu’entre les coktail Molotov à Charlie Hebdo et la Grèce, on a bien le droit de se détendre un peu – le bureau national du PS a annoncé hier soir qu’il demandait la démission de Jean-Noël Guérini de la présidence du CG13, comme l’expliquait son porte parole Benoit Hamon au micro de BFMTV :

Une dépêche AFP précisait dans la foulée que la décision avait été prise à l’unanimité, et que y compris François Lamy, premier porte-flingue de Martine Aubry et longtemps surnommé « Lamy de Guérini » par ses petits camarades, l’avait lâché. Tout en rappelant le principe « de la présomption d’innocence » il ajoutait que sa mise en examen pouvait  » porter atteinte à l’image du Parti Socialiste« . Tu m’étonnes, compliqué dans ce cas là de demander à Bernard Squarcini, le patron de la DRCI (Direction Centrale du Renseignement Intérieur), qui vient d’être mis en examen dans « l’affaire des fadettes  » de démissionner.

L’UMP qui ne s’est d’ailleurs pas privée de cogner sur le PS, comme Renaud Muselier, qui depuis qu’il est rentré de son séjour chez les All-Blaks, passe son temps à plaquer du JNG, en pleine promo de son livre « le système Guérini », comme hier matin chez Jean-Michel Apathie sur RTL (le passage sur ses relations avec Gaudin est inaudible, dommage, non ?)

Dans l’après-midi, Muso et Valérie Pécresse, porte-parole du gouvernement et ministre du Budget s’en étaient également donnés à coeur joie à l’Assemblée Nationale lors des questions au gouvernement. Michel Sapin, un des plus proches collaborateurs de François Hollande, dans un article du Monde, et Michel Vauzelle, sur son blog, avaient aussi fait monter la pression sur Solférino. Et donc sur Martine Aubry, qui est redevenue patronne des socialistes après l’intervalle des primaires, pour demander la tête de Guérini.

La liste toujours en main

Alors que le sujet n’était pas prévu à l’ordre du jour du bureau national du PS d’hier soir, la maire de Lille, un brin agacée par « ces nombreux commentaires que je lis et j’entends ici où là  » a décidé de régler définitivement son compte au JNG, annonçant qu’elle l’appellerait dès le lendemain matin (ce matin donc) pour lui demander de se mettre en retrait de la présidence et du groupe PS. Pour en gros redevenir simple conseiller général.

JNG lui a aussitôt répliqué avec un missile sol-air tiré depuis le paquebot bleu, via l’AFP et La Provence : « il est hors de question que je démissionne« . Ajoutant, ce matin dans une interview « exclusive » au quotidien de l’avenue Salengro un bien-lourd-de-menaces « je n’ai de leçon d’éthique à recevoir de personne. Si j’ouvre la boite de pandore il y en aura pour tout le monde, je suis en colère contre certains socialistes qui feraient mieux de balayer devant leur porte« . Visiblement, il n’a pas égaré la liste noire préparée en août. La conversation de ce matin entre Martine et Jean-Noël promet donc d’être chaude.

Choisis ton camp camarade

En attendant les conseillers généraux qui avaient tous voté pour la réélection de Guérini en mars dernier vont devoir se compter. Notamment si ils veulent constituer un groupe socialiste au CG afin d’isoler JNG. Et pour l’instant, c’est facile, ils sont trois : Marie-Arlette Carlotti, Jeanine Ecochard et Michel Pezet. Sur 31 ça ne fait pas lourd. Compte-tenu du contexte, c’est Paris qui s’occupera vraisemblablement des investitures aux législatives, certains, qui souhaitent être candidats, pourraient mollir, et changer de camp.

On pense entre-autres à Loïc Gachon,  Michel Amiel le maire des Pennes-Mirabeau, Michel Tonon, celui de Salon, Henri Jibrayel évidemment, mais aussi Christophe Masse, très proche des Guérini’s mais qui peut jouer ici son avenir politique. Et du coup, ca pourrait faire un nouveau groupe PS d’une petite dizaine de conseillers généraux, qui pourraient refuser de voter les décisions prises par Guérini, bloquer l’institution et cette fois le pousser à la démission.

Un scénario qui reste très théorique. Car en réalité, il ne se passera vraisemblablement rien. Le PS aura fait le job, en montrant les dents contre JNG, mais en même temps indiqué son impuissance comme François Lamy ce matin dans La Provence, écartant/oubliant la possibilité d’une exclusion : « les mesures de coercition n’existent pas« . L’honneur est sauf. Et ça arrange tout le monde. Pas de sang sur les murs. Pas d
’ouverture en direct sur les plateaux télé de boite de Pandore. On fait le dos rond, la presse passera bien à autre chose. E la nave via.