SNCM, c'est quoi le plan ?

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le 19 Nov 2014
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SNCM, c'est quoi le plan ?
SNCM, c'est quoi le plan ?

SNCM, c'est quoi le plan ?

Mission de médiation, mission de conciliation. Plan Poséidon, plan de redressement. Contentieux européens, cessation de paiements… Alors que la décision du tribunal de commerce sur un possible redressement judiciaire sera connue vendredi, le dossier de la SNCM s'embrume de jour en jour, même pour les initiés des  difficultés des entreprises. Car au-delà de la taille de la compagnie maritime – environ 1700 salariés – s'y croisent de multiples acteurs aux stratégies diverses. Marsactu éclaire cinq points clés pour l'avenir de la SNCM.

Ce qui va se décider vendredi

Redressement ou liquidation judiciaire. C'est normalement l'alternative pour une entreprise qui se présente au tribunal de commerce. Mais la SNCM se distingue déjà sur ce point : pour enclencher ces procédures, qui gèlent les dettes, il faut être en situation de cessation de paiements. Or, le tribunal a pris son temps pour examiner la réalité de cet état, déclaré le 4 novembre par le président du directoire de la SNCM, Olivier Diehl. C'est le sens de la nomination du juge-enquêteur Marc Zanetto, le 14 novembre.

Sans entrer dans les détails, il a jaugé pendant une semaine la situation financière de l'entreprise, plus précisément sa capacité à honorer ses dettes à court terme : salaires, cotisations sociales, fournisseurs, mais surtout remboursement des avances de son actionnaire Transdev (plus de 100 millions d'euros). "Il conclut que l’état de cessation des paiements est avéré", a annoncé la SNCM dans un communiqué publié à l'issue de l'audience. Logiquement, le tribunal devrait donc ouvrir une procédure de redressement judiciaire vendredi. C'était d'ailleurs la réquisition du procureur, ce mardi 25 septembre.

"Pour l'instant, le président du tribunal ne s'intéresse pas aux contentieux européens ou aux repreneurs, pour lesquels on a démontré qu'il n'y avait pas de garanties. Son seul souci, c'est l'état de trésorerie de l'entreprise, commente Dominique Broquier, représentante CGT des personnels sédentaires. Malheureusement, il est dans son rôle, on est enfermé dans ce cadre". Elle craint que lorsque le tribunal s'intéressera enfin à la manière de sauver l'entreprise, cette absence de garanties conduise à une liquidation. 

La discrète mission de conciliation

Le tribunal ne partira cependant pas de rien, le cas ayant déjà été scruté de très près. On a beaucoup suivi les réunions de la mission de médiation menée depuis juillet par Gilles Bélier. Une autre mission a été beaucoup moins médiatisée, c'est la "conciliation" confiée à Emmanuel Douhaire et Frédéric Abitbol, d'ordinaire administrateurs judiciaires. Dans la discrétion, ces deux spécialistes des entreprises en difficulté sont pourtant allés chercher des contacts de haut niveau. Le 7 novembre, ils ont rencontré les trois directions générales de la Commission européenne intéressées par le dossier (Concurrence, marché intérieur et transports), en compagnie du président du directoire Olivier Diehl.

Traditionnellement, l'objectif d'une procédure de conciliation est d'éviter un passage au tribunal de commerce, en négociant des reports – voire des abandons – de paiements avec les créanciers. Elle prend automatiquement fin en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, signes de l'échec des négociations. Mais le cas SNCM semble particulier. Tout d'abord, le principal créancier de la compagnie n'est autre que son actionnaire majoritaire, Transdev. On voit mal l'intérêt pour Olivier Diehl de demander l'aide de conciliateurs pour négocier avec le groupe qui l'a nommé.

L'explication pourrait être l'objectif inhabituel de la procédure, suivant une mesure gouvernementale en vigueur depuis juillet : la conciliation ne viserait pas à éviter mais à préparer le redressement judiciaire. En effet, les conciliateurs peuvent se voir confier "une mission ayant pour objet l'organisation d'une cession partielle ou totale de l'entreprise qui pourrait être mise en œuvre, le cas échéant, dans le cadre d'une procédure ultérieure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire." Un dispositif dit de "prépack cession" permet même de "gagner du temps" en se présentant au tribunal avec une ébauche de plan de redressement et des repreneurs potentiels. À charge pour le tribunal et le procureur d'avaliser ces pistes.

La direction veut réduire la voilure

Dans ce contexte, la direction a déjà annoncé le cap qu'elle entendait proposer. Présenté début octobre en interne, ce plan dit "Poséidon" devra cependant être confronté à l'avis du tribunal et aux intentions d'éventuels repreneurs. Il comprend notamment la réduction des rotations entre Toulon et la Corse. Ce ne sera pas faute d'avoir prévenu, grincent aujourd'hui les syndicats : "On avait dit que l'ouverture de Toulon à l'année, sans aucune subvention, était une erreur. Aujourd'hui, on nous annonce qu'on a perdu 25 à 30 millions d'euros par an sur cette ligne", commente Frédéric Alpozzo, secrétaire des marins CGT. Les liaisons avec Nice subiraient le même sort, laissant seules indemnes celles avec Marseille et la desserte du Maghreb. Ce périmètre et le chiffre associé de 750 à 1000 suppressions de postes collent au plan de Daniel Berrebi, que la CFE-CGC voit comme le candidat favori des actionnaires.

Selon des indiscrétions, ce plan prévoit aussi l'externalisation de certaines activités, comme la réparation navale, aujourd'hui assurée sur des ateliers situés au cap Janet, la cantine d'entreprise, ainsi que la centrale de réservation située en Corse. Un nom de repreneur pour cette dernière a d'ailleurs été évoqué par le syndicat des travailleurs corse, avant d'être démenti.

Quels que soient les contacts établis auparavant avec des repreneurs, il est très probable qu'un appel d'offres soit exigé par le tribunal. C'est d'ailleurs une condition sine qua non de la fameuse "discontinuité". C'est-à-dire pour que la Commission européenne ne poursuive pas les repreneurs de ses demandes de remboursements d'aides publiques. Mais une inconnue de taille demeure : Bruxelles n'a toujours pas validé le fait que la délégation de service public de desserte de la Corse puisse être transmise via un appel d'offres du tribunal de commerce. Or, c'est le coeur d'activité de la compagnie, avec environ 60 millions d'euros de recettes par an. Le secrétaire d'État aux Transports Alain Vidalies a rendez-vous ce mercredi avec deux commissaires européens sur ce dossier.

L'enjeu de la saison estivale 2015

La dernière réunion de la médiation menée par Gilles Bélier l'a confirmé : Transdev a d'ores et déjà largué les amarres. Après avoir réclamé le remboursement de plus de 100 millions d'euros à sa filiale, le groupe a annoncé qu'il ne financerait pas la période d'observation. Au moindre faux pas, le redressement judiciaire peut se transformer en liquidation si la compagnie continue à creuser sa dette. "Le chemin est étroit (…) cela fait partie des craintes que tout le monde partage", a reconnu Olivier Diel, au sortir de l'audience de mardi.

"Dès l'instant où il y a une procédure collective, l'entreprise n'a plus à payer ses arriérés, ce qui lui donne de l'air, analyse un connaisseur de ce système. Néanmoins, tout au long de la procédure, il lui faudra payer les salaires et les nouvelles commandes. Or, les fournisseurs accordent rarement des délais de paiements aux entreprises en redressement judiciaire, il faut payer comptant." Pour se donner toutes les chances de redresser la barre, un coup de pouce de Transdev serait donc le bienvenu. "Mais on ne peut pas forcer un actionnaire à remettre au pot", poursuit notre interlocuteur.

Dans le scénario de Transdev, il s'agit de toute manière d'aller très vite, avec un appel d'offre bouclé dans les deux ou trois mois. Fin octobre, un communiqué du groupe mettait en avant son souci de "préserver la saison 2015". Dans cette optique, le repreneur pourrait ainsi retrouver la confiance des clients avant l'été.

Les syndicats ont une autre analyse. Pour Pierre Maupoint de Vandeul (CFE-CGC), le caractère saisonnier de l'activité de la compagnie lui permet de prendre son temps : entre février et juin, elle engrange en général plusieurs dizaines de millions d'euros d'excédent, correspondant aux traversées payées à l'avance. Ce n'est qu'à partir de septembre, une fois la saison passée, que la SNCM risquerait de nouveau d'être dans le rouge. Seul hic : "Si la saison estivale n'est pas couverte par la procédure de redressement judiciaire, personne ne va réserver", souligne le syndicaliste.

Qui va payer la casse sociale ?

Quel que soit le déroulement du redressement judiciaire, il y aura forcément un "volet social". Pour parler plus crûment, des suppressions de postes, sous forme de départs volontaires ou de licenciements. Comme les salaires, ce plan social demande à être financé, ce à quoi s'est refusé Transdev. À l'origine, le groupe pensait réserver les 60 millions d'euros d'indemnisation des assurances pour l'avarie du Napoléon Bonaparte au financement de ce plan. Mais l'accord de sortie de la grève de juillet a acté que seule une partie serait mise de côté dans ce but, le reste servant à assurer la trésorerie de la compagnie. Comme nous le révélions fin septembre, le matelas que souhaitait conserver Transdev a fondu à environ 20 millions d'euros.

Quoi qu'il en soit, ce serait donc à la SNCM ou à un éventuel repreneur de prendre en charge les indemnités. Inadmissible pour les personnels, qui attendent que les pouvoirs publics fassent pression sur Transdev. "S'il n'y a pas une volonté politique, si l'État ne prend pas ses responsabilités au plus haut niveau, il en portera les conséquences", lance Dominique Broquier.

Pour mener les négociations sur ce point, la mission Bélier pourrait reprendre du service, du moins son format d'instance de dialogue très officielle : des réunions à la préfecture, convoquées par l'État en présence du préfet. C'est en tout cas le souhait exprimé par les conciliateurs. L'idée n'a "pas reçu de réponse immédiate car il y a d'abord des échéances judiciaires", nous a précisé vendredi le préfet Michel Cadot. Une fois celles-ci passées, nul doute que les syndicats sauront se rappeler à son bon souvenir.

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Commentaires

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  1. Anonyme Anonyme

    Bien fait pour ce club des agents de la SNCM. De grève en grève, toujours au moment où leurs clients sont les plus nombreux. Sans parler des fois où les agents sncm, après avoir pris les passeports et les billets des voyageurs se déclarent en grève.

    Ni fleurs ni couronnes pour ces agissements minables.

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  2. Delair Delair

    C’est sûr qu’à jouer les matamores, à refuser toute souplesse, à s’arque-bouter sur des positions immuables, la Sncm sombre corps et biens. Ces gens ne sont pas prêts de retrouver des emplois aussi avantageux.

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  3. leravidemilo leravidemilo

    Une fois de plus, félicitations à Marsactu pour la qualité de l’information sur un conflit de première importance pour le droit du travail,l’économie de la ville et de la région… Un article général,global, citant tous les acteurs, et expliquant les enjeux et quelques modalités d’une période de redressement judiciaire. Espérons que cela contribuera à “élever” le niveau de contribution du forum, et à éviter la litanie des anathèmes et des clichés ( c’est pas gagné !).

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