Potager du roi

Le site marseillais de l’école nationale du paysage menacé de fermeture

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le 18 Déc 2015
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Alors que le ministère de l'Agriculture vient d'annoncer par courrier la fermeture, à terme, de l'annexe marseillaise de l’École nationale supérieure du paysage de Versailles, étudiants et professeurs se mobilisent. Il défendent la nécessité de maintenir cette antenne ouverte, seule école paysagère du Sud-est spécialisée dans les questions méditerranéennes.

crédit photo : ENSP. Les étudiants de l
crédit photo : ENSP. Les étudiants de l'ENSP en sortie dans les calanques

crédit photo : ENSP. Les étudiants de l'ENSP en sortie dans les calanques

Une longue banderole fait face au portail ouvragé du parc Chanot. À l’intérieur, se déroule la quatrième conférence métropolitaine avec plus de 2000 participants venus de tous le territoire. Devant plus d’une dizaine d’élèves de l’École nationale supérieure du paysage (ENSP) distribuent des tracts. Depuis plusieurs semaines, ils sont mobilisés pour empêcher la fermeture de l’antenne méridionale de cette école. Or, c’est bien l’intention formulée par leur ministre de tutelle.

La lettre du ministère de l’agriculture est arrivée le 24 novembre, à la veille du conseil d’administration de l’ENSP, située à Versailles, sur le site prestigieux du Potager du Roi. La missive est tombée comme un couperet: Philippe Mauguin le directeur de cabinet, signataire du courrier adressé au directeur de l’école Vincent Piveteau lui signifie que l’antenne marseillaise ouverte depuis 1993 devra fermer ses portes. Seule école du Sud-Est à délivrer un diplôme d’Etat d’architecte-paysagiste, elle pourrait disparaître. L’échéance, toutefois, n’est pas précisée.

Abasourdis, les enseignants élus au conseil d’administration décident de signer une motion et de ne plus siéger au conseil. Le directeur Vincent Piveteau se rend immédiatement sur place et renouvelle son intérêt pour l’antenne marseillaise auprès des quelques 80 étudiants et des professeurs. L’émotion est grande et les uns comme les autres décident aussitôt de se mobiliser.

Priorité à Versailles

Les raisons invoquées par le ministère de l’Agriculture ont de quoi surprendre. Il est d’abord question du rectorat, qui loue les locaux particulièrement sommaires de l’ENSP au 31 boulevard d’Athènes, et souhaiterait les récupérer. Joint par nos soins, le rectorat infirme cette assertion. Les raisons seraient surtout financières. La lettre stipule que “la priorité est (…) la consolidation de la situation financière de l’ENSP de Versailles et à la rénovation du site de Versailles. Ce dernier nécessite, en effet, d’importants travaux qui font l’objet d’un effort financier et d’un accompagnement particuliers du Ministère de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et des forêts”.

Les sous-titres sont clairs : en période de crise, il faut faire un choix. Le Potager du roi versus l’antenne du boulevard d’Athènes. En fait, l’hostilité du ministère de tutelle à cette décentralisation marseillaise est ancienne. Elle est même soulignée dans un rapport d’évaluation de l’AERES (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) rendu public en 2014. Dans un paragraphe intitulé “Marseille, une implantation qui fait encore débat”, les rapporteurs notent :

La tutelle du ministère en charge de l’Agriculture, qui avait accompagné le projet à son origine (2006), refuse depuis 2010 de soutenir son développement.

Guerric Péré, enseignant, s’insurge contre cette décision unilatérale : “Qu’on recherche d’autres façons de faire exister le paysage est légitime. En revanche qu’on ne nous annonce pas que l’on va fermer l’école marseillaise pour pouvoir repeindre le Potager du roi.” C’est également la teneur de la lettre de motion des représentants au conseil d’administration qui demandent à être reçus par leur ministre Stéphane Le Foll. Ils estiment que “la mise en balance des crédits d’investissements en vue de travaux de rénovation sur le site de Versailles avec un fonctionnement a minima du site de Marseille est non seulement choquante, mais hors de propos au regard des enjeux politiques actuels, notamment dans l’aire méditerranéenne”.

Sauver le Potager du roi

Du côté des élèves, la mobilisation est maximale, entre la page facebook, les lettres adressées au ministère, une pétition qui circule et les manifestations régulières un peu partout dans la ville. “Bien sûr qu’il y a des difficultés financières. Les deux sites tombent en ruines, mais le ministère choisit de sauver essentiellement le Potager du Roi. On a pourtant besoin de cette antenne marseillaise ancrée dans le monde réel qui a une vraie dimension sociologique. À chaque atelier, nous sommes confrontés aux acteurs politiques, associatifs, aux habitants… Dès la 4e année, nous livrons des commandes aux collectivités”, indique Bérengère Chauffeté, étudiante en quatrième année.

Et de fait, elle égrène les exemples d’enseignements et d’ateliers, spécificités de l’ENSP de Marseille : quartiers Nord, rapport au littoral, grignotage des terres agricoles sur la plaine de Châteaurenard, problèmes de sécheresse en Méditerranée et bien sûr construction de la métropole. À ce sujet, l’ENSP de Marseille a été sollicitée pour travailler avec la mission interministérielle de préfiguration de la métropole. “Supprimer cette école au moment où la métropole se construit pose la question de l’intérêt porté au paysage. Plus largement, cette crise interroge sur la délimitation du rôle accordé au paysagiste dans la ville. C’est un métier fondamental, complémentaire des autres faiseurs de territoire, à la rencontre de plein de disciplines. Un paysagiste c’est autre chose que celui qui construit un rond-point et y plante des bégonias”, poursuit l’étudiante.

Lettre à Marylise

Cette nouvelle intervient alors le projet immobilier de l’Institut méditerranéen des villes et des territoires (IMVT) est en passe de se réaliser. Cet institut permettrait le regroupement sur un même site de l’antenne de l’ENSP de Marseille, l’Institut d’urbanisme d’Aix-en-Provence et l’École nationale supérieure d’architecture de Marseille avec pour ambition de créer un véritable pôle d’enseignement autour de la Méditerranée. Inscrit depuis de longues années dans le contrat de plan entre l’Etat et la Région, il devait se concrétiser dans le cadre de la métropole. Son implantation sur le périmètre de l’opération nationale Euroméditerranée semblait même actée.

Mais la lettre du ministère de l’agriculture dit tout autre chose. “Dans le cadre de l’élaboration du Contrat de plan État-région 2015-2020, la question de doter l’ENSP de Versailles d’une antenne marseillaise pérenne, dans des locaux au sein de l’IMVT a été étudiée.(…) Cette option n’a pas été retenue. Il a été décidé de privilégier des partenariats pédagogiques entre l’ENSP de Versailles et les établissements membres de l’IMVT” indique le courrier du ministère de l’agriculture. À l’établissement public Euroméditerranée, on relativise : “L’ENSP de Marseille est un partenaire et nous déplorerons un manque, s’il disparaît, mais le projet n’est pas remis en cause pour autant”. 

À cette heure, le ministère de l’Agriculture n’a pas répondu à nos sollicitations. Mais les professeurs comme les étudiants sont bien décidés à défendre leur école. Soutenus par les étudiants des autres écoles de paysage tels que Blois ou encore Bordeaux, ils promettent de faire sortir l’ENSP des murs, d’ouvrir leur école pour montrer qui ils sont. Une lettre à la ministre de la décentralisation Marylise Lebranchu est également en préparation. Elle est justement la vedette de la conférence métropolitaine, ce jeudi. Peut-être a-t-elle aperçu la banderole avant de quitter Marseille.

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Commentaires

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  1. Arthur Arthur

    Est-ce qu’il ne serait pas envisageable d’accepter d’étudier à Versailles, si économiquement l’entretien de 2 sites pour une école avec si peu d’effectif n’est pas viable, quitte à proposer une spécialité “paysage méridional” ? A moins que ce ne soit le/les enseignants qui ne souhaite(nt) pas déménager…

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Ou l’inverse : est-ce qu’il ne serait pas envisageable de regrouper à Marseille les deux sites de l’école, plutôt que de continuer, encore et toujours, à tout entasser en Ile-de-France ?

      Je suis certain que des écoles de haut niveau peuvent exister aussi chez les bouseux de Province dont je m’honore de faire partie…

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  2. JL41 JL41

    « étudiants et professeurs se mobilisent. Ils défendent la nécessité de maintenir cette antenne ouverte, seule école paysagère du Sud-Est spécialisée dans les questions méditerranéennes. »
    Mais est-ce que cette école s’est intéressée aux sujets qui nous préoccupent ici dans notre région, a-t-elle participé à des débats ou en a-t-elle organisé, a-t-elle réalisé des travaux pratiques dont on pourrait s’inspirer ?

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