Sécurité à Marseille : pas assez vite, assez haut, ni assez fort ?

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le 30 Mai 2011
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Sécurité à Marseille : pas assez vite, assez haut, ni assez fort ?
Sécurité à Marseille : pas assez vite, assez haut, ni assez fort ?

Sécurité à Marseille : pas assez vite, assez haut, ni assez fort ?

Inertie. « Absence de réaction et d’initiative, état d’immobilisme ». Mais aussi « résistance qu’un corps oppose au mouvement et qui est proportionnelle à sa masse ». Si les définitions sont un peu crues, il semble qu’en matière de sécurité Marseille subisse ces deux effets.

Pour le premier car, pour être appuyée à grand renfort de visites du côté du ministère de l’Intérieur, de conseils d’arrondissements extraordinaires et de conférence de presse pour la gauche (qui a elle aussi mis le temps à mettre réellement la pression), et d’une « réunion informelle » ce lundi ponctuée d’une interview dans La Provence pour le maire, la réponse n’en succède pas moins à des années, sinon d’« immobilisme », du moins de laisser aller.

Et Jean-Claude Gaudin a eu beau rappeler que pendant ses mandats le nombre de policiers municipaux a augmenté de 130%, en terme absolu difficile de voir dans le recrutement de 138 fonctionnaires en seize ans un engagement massif. Avec environ 3 policiers municipaux pour 10 000 habitants, Marseille se classe loin derrière la championne Nice (10 pour 10 000), Lyon (7), Strasbourg (6) ou encore Toulouse (4). En pratique, d’après la Marseillaise, cela donne « moins de 50 agents sur le terrain ».

Pour le second car, de la simple dégradation de l’idée d’espace public pointée vendredi dernier par Patrick Mennucci (maire PS du 1er secteur) comme l’une des conséquences de l’absence de police municipale digne de ce nom, à la constitution de réseaux de trafic de drogues en passant par le développement de l’activité des voleurs à l’arraché, la détérioration de la sécurité est un phénomène qui ne s’inversera pas en un jour, quand bien même la lutte serait lancée tambour battant. Et on ne parle pas des ressorts sociétaux : emploi, éducation, urbanisme…

Demi-mesure et recyclage

Et ce n’est de toute manière pas avec l’annonce principale de la « réunion informelle » du conseil municipal ce lundi sur le sujet (avec notamment des interventions d’Hugues Parant, préfet de Région, Jacques Dallest, procureur de la République et Monique Cordier, présidente de la confédération des comités d’intérêt de quartier) – à savoir le lancement d’un « concours à l’automne pour le recrutement de 100 policiers » dixit le maire, que la donne va être bouleversée.

Tout d’abord parce que cela représente moins de la moitié du doublement de la police municipale réclamée par l’opposition et les syndicats. Mais aussi car 20 d’entre eux seront employés à surveiller les caméras de vidéo-surveillance. Sans compter que, inertie toujours, le tout risque de ne pas être pleinement opérationnel avant la fin du mandat de Jean-Claude Gaudin, a insisté l’un des aficionados du thème de la sécurité au PS, Manuel Valls, lors de son passage à Marseille. Le reste a, pour être gentil, le mérite d’exister : l’ouverture d’un deuxième centre de fourrière dans l’Est de la ville et une volonté, qui reste à préciser et concrétiser, d’utiliser les volontaires du service civique par exemple dans les parcs.

En ce qui concerne l’Etat, qui garde un « devoir régalien en la matière » a rappelé Gaudin, Hugues Parant s’est borné à confirmer les annonces successives des ministres de l’Intérieur Brice Hortefeux puis Claude Guéant, qui elles mêmes, comme les effectifs adjoints à la future police d’agglomération, n’étaient pas toujours de la première fraîcheur. Même si celles-ci n’étaient pas toutes à jeter, à l’image des 39 officiers de police judiciaire supplémentaires pour « une investigation plus musclée » dixit Parant, qui correspondent à un besoin clairement identifié vendredi par Jean-Jacques Urvoas, monsieur Sécurité du PS au niveau national.

iCam

Bilan des courses côté mairie : à en juger par les budgets, c’est sur les caméras (« un outil formidable », par exemple pour identifier les auteurs de crimes et délits et « éviter les erreurs judiciaires », a assuré le procureur de la République, mais dont l’efficacité est par ailleurs contestée) que se concentre la réponse de la mairie. Face à la presse, Jean-Claude Gaudin s’est contenté d’avancer les chiffres de 10 millions pour celles-ci, 4 millions pour les policiers municipaux.

Mais en fait, ces dix millions ne concernent que la première tranche – passage à 340 caméras d’ici fin 2012 et création d’un centre de supervision – la deuxième – passage à 1000 caméras d’ici fin 2013 – devant coûter une somme similaire. Et il faut y rajouter 2 à 3 millions d’euros par an de locations des lignes de communication et 800 000 euros pour les fonctionnaires placés derrière les écrans. Les renforts sur le terrain eux se limiteront, budgétairement parlant, à 3,2 millions d’euros.

Face à ce constat, qu’il a certainement entendu dans l’hémicycle, où la presse n’était pas la bienvenue (voir ci-dessous), Jean-Claude Gaudin a raillé l’opposition qui demande plus mais ne vote pas les budgets et tendu la sébille à destination des collectivités locales gérées par la gauche (Région et Département), dont on ignorait la vocation à financer ce type de budgets.

Pas le même maillot…

Et, si la commune bouge enfin, encore faut-il savoir pour faire quoi. La priorité donnée aux caméras fournit une partie de la réponse. La division de la police municipale en deux brigades (dites de « tranquilité publique » chargée de « missions de proximité » et « d’intervention urbaine » pour la circulation et le stationnement) une autre.

Mais, à l’heure où l’on se dirige vers une « co-production de la sécurité » comme le souligne un récent rapport de l’administration, peu de précisions sur la nature de la coordination sur laquelle ont insisté  le maire comme le préfet. Le communiqué commun qu’ils ont signé, ainsi que le procureur, mentionne un « contrat opérationnel de sécurité » pour octobre 2011.

Les vides de Dallest

On sort là des chiffres pour rentrer dans la stratégie. Dans ce domaine, difficile de prédire la réussite ou l’échec des dispositifs annoncés par le préfet : les « patrouilleurs », pour lequel Marseille rejoindra les cinq villes d’expérimentation, ou les périmètres de sécurité renforcée où seront menées « des actions quotidiennes ».

Il y a en tout cas un discours que l’on aurait aimé être accompagné de chiffres, c’est celu
i du proc’, qui s’est employé à combler le vide de sa besace. Car à promettre une « lutte soutenue contre la grande criminalité et la délinquance économique et financière » et une « accélération de la réponse pénale » contre la « délinquance du quotidien », nous revient en mémoire un récent article de Libération sur la « justice au rabais » à Marseille, entre factures d’électricité impayées et dossiers empilés dans les couloirs…

Et puis on revient un moment sur l’une des mesures évoquées par le préfet, face au problème de l’accueil dans les commissariats, notamment pour les « personnes fragiles » pour qui porter plainte est une épreuve : pas de vrais postes stables et qualifiés, mais le recrutement de bénéficiaires du RSA en contrats aidés, sous réserve de l’accord du CG13, qui a la main sur ces contrats cofinancés par l’Etat. Fait alors surface une question lancinante, qui fait écho à l’insistance de la gauche à rappeler le contexte de révision générale des politiques publiques, et sur laquelle toutes les « coopérations » présentes et futures viendront buter : avec quels moyens ?

Un lien On ne s’étendra pas sur le huis clos, question que Jean-Claude Gaudin a de nouveau éludé. En tout cas pour Jacques Boulesteix « un éventuel « touitteur » infiltré aurait déçu son réseau » et « aucune intervention n’aurait été différente si le conseil avait été ouvert au public ».

Un lien Première tranche du sandwich marseillais du PS sur la sécurité avec Jean-Jacques Urvoas, deuxième tranche avec Manuel Valls

Un lienJean-Claude Gaudin, le maire qui n’aimait pas les flics, sur Marsactu

Un lienClaude Guéant à Marseille : gros coup de show sur la Canebière, sur Marsactu

Un lienUn brouillon de débat sur la sécurité en attendant le huis clos, sur Marsactu

Un lienDébrouille, politique du chiffre et redistribution pour cacher les manques : le tour d’horizon de Philippe Pujol, journaliste à la Marseillaise, sur son tout nouveau blog

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Commentaires

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  1. druide67 druide67

    N’oublions pas que la sécurité c’est aussi et surtout une obligation constitutionnelle du gouvernement.
    Ce n’est pas en supprimant des effectifs de police que l’on va assurer un service public de qualité, qui peut prétendre le contraire?

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  2. blablabla blablabla

    Tout le monde à Marseille sait qui fait quoi , quand et où… sauf les pouvoirs publics qui font semblant de ne pas savoir. Alors pour faire bonne figure les flics s’en prennent aux automobilistes, les cibles faciles et sans danger…ce sont celles qui rapportent du fric.
    Les cameras? il y en a au carrefours mais surtout pas là où il faudrait vraiment. c’est à croire que ça n’arrangerait personne qu’on sache à qui profite le crime.
    bref, ça n’est pas prêt de changer tant qu’on appellera pas un chat un chat, tant que seront tolérés les quartiers de non droits et les lieux interdits.
    à ceux qui douteraient encore.. promenez vous de nuit sur notre belle canebiere, où vers noaille , où dans le 15eme…N’y allez surtout pas en voiture vous seriez inquiétés par la police.

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  3. anonyme anonyme

    Toujours pareil, on confond l’outil formidable qu’est la caméra dans des lieux fermés (transports en commun) avec l’outil inutile qu’est la caméra dans la rue. Dans le premier cas, une forte chute des agressions, dans l’autre, aucun effet. Si au moins elles pouvaient servir à verbaliser le stationnement en double file et les exités du volant dans l’ensemble du centre ville (feux rouges/lignes blanches). Mais bon, on va me dire que c’est pas le débat.

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  4. Ricou 24. Ricou 24.

    La censure est passée par là…………….ou est votre premier article sur le sujet et votre jugement sur la position de Gaudin?

    Ricou 24.

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  5. SAUTERELLE SAUTERELLE

    Il faut armer la police!!!!!

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  6. Ricou 24. Ricou 24.

    Merci Pierre.
    Et bon courage,continuez votre travail de qualité.

    Ricou 24.

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