Rudy Ricciotti, "je souhaitais qu'il y ait singularité"

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le 9 Oct 2012
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Rudy Ricciotti, "je souhaitais qu'il y ait singularité"
Rudy Ricciotti, "je souhaitais qu'il y ait singularité"

Rudy Ricciotti, "je souhaitais qu'il y ait singularité"

Marsactu : Pouvez-vous présenter la structure de la cour Visconti ?
Rudy Ricciotti: C'est le projet que je dessinais il y a huit ans. Depuis les entrailles du Louvre, à l'horizon fondateur de ce musée, les pieds solidement ancrés – et non dans la précarité architecturale -, le département est d'abord un grand rectangle de béton noir traversé d'une double colonnade. Puis un escalier monolithique sculpté, travail exceptionnel de charpentier de marine et de maçons immigrés. Puis la couverture dématérialisée filtrant la lumière de façon orientée ressemblant à du textile. Tous ont conservé l'écriture d'origine. Le béton devient du cuir, l'acier devient du tissu et cela en écho à la délicatesse des dimensions miniatures des oeuvres présentées, où se confondent avec ambiguïté et double langage les géométries et les matières. Celle aile muséale est une main tendue de la République aux arts de l'islam, voilà sa forme ! 

Vous avez travaillé pendant huit ans avec l'architecte Mario Bellini. Comment avez-vous réussi à faire converger vos deux styles et visions ?
Il a tout fait et j'ai pris tous les honoraires. Non ! Nous nous sommes bien entendus…

Il existe toute une symbolique dans votre structure, en lien avec les arts de l'islam (autour de la transparence, du mouvement…). Pouvez-vous l'expliquer ?
C'est la culture du voyage qui a guidé la conception du projet. L'idée d'un Orient poétique niché dans l'épaisseur historique du Louvre. Une distance mutuelle entre rationalisme et forme libre. Je souhaitais qu'il y ait singularité et que le visiteur derrière les fenêtres de la cour Visconti puisse singulariser ce nouveau territoire et le traduire. Le voyage du Persan à Paris de Montesquieu rappelait cette nécessaire liberté réciproque. Il fallait éviter l'affrontement narratif entre classicisme et arts de l'islam. Je souhaitais que la lumière naturelle, la pluie, le ciel, les nuages accompagnent ce ciel flottant comme un fragile et délicat voile de soie. Une quête abstraite d'universalité. Se situer et être situé dans le Louvre faisait donc sens.

Comment éviter l'anachronisme en architecture en décidant de réaliser une structure moderne au coeur d'un style XVIe siècle de la cour Visconti ?
Le projet du département des arts de l'islam revient à participer au partage culturel entre un Louvre rationaliste et un Orient invité. D'autres époques furent marquées par une vision platonicienne : une pyramide au Louvre, un cube à la défense et un cadre vertical fait de quatre angles pour la grande bibliothèque Mitterrand. Toutes ces oeuvres remarquables ont en commun avec cette aile muséale de célébrer le vide. Mais elles sont différentes dans le sens où cette réalisation est maniériste et refuse l'impérialisme culturel du minimalisme. Il sera peut-être demain moins imprudent pour les architectes de refuser d'être colonisés par les modèles architecturaux anglo-saxons.

Vous êtes souvent décrit comme un architecte atypique, tant dans votre travail que dans votre personnalité. Faut-il être atypique en architecture pour parvenir à créer des structures originales, à dépasser les limites de ce qui a été créé, à tendre vers une sorte d'idéal ?
Mais non, je ne suis qu'un anarchochrétien ! Il est facile de devenir architecte et difficile de le rester. Il n'est pas nécessaire d'être intelligent mais d'abord d'avoir la santé et d'être un peu psychopathe.

Il y a-t-il un principe philosophique en particulier qui dicte votre travail ?
Non ! Mais sachez que comme William Blake je déteste les philosophes.

Pensez-vous que votre identité méditerranéenne influe sur votre travail, sur votre façon de le concevoir, de l'appréhender ?
C'est à vous de voir. Je pense que la Méditerranée n'a pas de futur en elle-même. Je pense que son futur est même au nord. Le problème c'est que comme dans du Buzzati on attend, on attend et l'on finit par prendre goût à l'absurde.

Le chantier du Mucem avance, en êtes-vous satisfait ?
Oui. Ses travailleurs sont des héros !

 

Note de la rédaction : L'interview a exceptionnellement été réalisée par mail à la demande de l'architecte.

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