Roubache, Royer-Perreaut, Pitollat : trois Marseillais emportés par la dissolution Macron

Sabrina Agresti-Roubache, au soir de la défaite. Photo : Emilio Guzman.

Les mêmes lieux et presque les mêmes acteurs. On aurait pu croire que le scénario allait offrir un dénouement comparable à celui de 2022, on aurait eu tort. Il y a deux ans, les législatives avaient vu l’élection de trois députés de la majorité présidentielle dans les première, deuxième et sixième circonscriptions de Marseille. Deux ans plus tard, à la faveur de cette dissolution inopinée, les législatives anticipées voulues par le chef de l’État ont eu un effet dévastateur sur les troupes macronistes locales. Sabrina Agresti-Roubache, Lionel Royer-Perreaut et Claire Pitollat sont évacués de la carte dès le premier tour. “La dissolution était une décision incompréhensible pour tout le monde, grince l’ex-député du Sud de la ville. Pour les députés, les premiers concernés, mais aussi et surtout pour les habitants“.

“C’est le pire des scénarios”, pose Michèle, 65 ans. La retraitée, robe chamarrée et cheveux courts, peine à y croire. Dans la cour qui prolonge la permanence de Sabrina Agresti-Roubache, elle fait partie des rares militants qui sont venus suivre la soirée électorale au plus près de la candidate d’Ensemble pour la République dans la 1ʳᵉ circonscription des Bouches-du-Rhône. Le débat sur le plateau de BFMTV tourne en boucle depuis des heures. Il est presque 23 h 30 et il faut bien que Michèle et les quelques sympathisants restés là se rendent à l’évidence : la secrétaire d’État à la Ville termine à la troisième place avec moins de  23,6%.

Elle totalise 2000 voix de moins que la candidate du Nouveau front populaire, la secrétaire générale de Place publique Pascaline Lécorché (26,89%). Mais, surtout, elle est à des années-lumière de Monique Griseti, la représentante du Rassemblement national qui s’adjuge 45,5% des suffrages. Elle obtient plus de 24 000 voix, soit presque le double de la macroniste sortante.

Macron absent des affiches

“Voir le RN aussi haut, c’est affreux”, poursuit encore Michèle. Son mari et elle, d’ex-militants Les Républicains passés chez Horizons, ont du mal à digérer la déculottée : “Sabrina ne le mérite pas. Elle a fait le job, elle a fait campagne, alors qu’en face, celle du RN n’est jamais sur le terrain et que la candidate de gauche, personne ne la connaît.”  Dans le silence pesant qui s’est peu à peu installé chez les militants, on cherche à comprendre comment celle qui était encore ministre en exercice il y a trois semaines a ainsi pu passer à la trappe. “Le plan Marseille en grand a quand même beaucoup apporté à la ville”, s’étonne l’un d’eux d’un ton de reproche à peine voilé. Il ajoute : “Cette dissolution n’était vraiment pas une bonne idée. Ce n’était pas le bon moment. Et sans doute que finalement l’étiquette de ministre, ça ne l’a pas aidée.” 

Rétrospectivement, l’armada de soutiens – de Nicole Belloubet à Christophe Béchu en passant par Gabriel Attal, le premier ministre en personne –  déployée autour de Sabrina Agresti-Roubache a peut-être eu un effet contre-productif. Comme si trop de Macronie avait finalement tué la Macronie… À l’image d’autres candidats d’Ensemble, cette proche d’Emmanuel Macron avait pris soin de gommer toute référence à son mentor politique sur ses affiches et ses tracts de campagne, cela n’a pas suffi.

“Évidemment, je me retire”

À 23 h 30 passées, lorsqu’elle descend les marches des escaliers de sa permanence, elle offre un visage fermé. Il y a là, tout juste une dizaine de militants, Didier Parakian son suppléant, et Sylvain Souvestre maire Les Républicains des 11e et 12e arrondissements, soutien depuis 2022. Alors que sur les plateaux de télé, les atermoiements se sont succédé, le discours de Sabrina Agresti-Roubache tranche par sa clarté : “Évidemment, je me retire”, dit-elle après avoir pris acte de sa troisième place.

“Je me rappelle de ce que Thibaud Rosique a fait”, poursuit-elle : en 2022, le candidat socialiste avait sans détour appelé à voter pour elle afin de faire barrage au Rassemblement national. Et dans un parallèle un peu surréaliste, deux ans après, c’est elle qui appelle désormais à voter pour Pascaline Lécorché, la candidate du Nouveau front populaire, “pour qu’aucune voix n’aille au Rassemblement national”.

C’est exactement la consigne que vient porter Romain Simmarano, le directeur de cabinet du président Renaissance de la région, Renaud Muselier au QG de Lionel Royer-Perreaut. Mais il a à peine le temps de la formuler que ce dernier, sort du bureau de sa permanence, sise à La Pauline (10e). Le ton tout aussi grave, le député Renaissance annonce son retrait du second tour, où il était en situation de se maintenir. “Les voix qui me manquent sont celles des LR, c’est un sujet qui méritera d’être posé à un moment donné sur la table“, pose-t-il. Contrairement à Sabrina Agresti-Roubache, il avait comme Claire Pitollat, une candidate de droite face à lui.

“Que le meilleur gagne”

En revanche, l’ex député Royer-Perreaut se garde bien d’exprimer la moindre consigne de vote. “Maintenant, que le meilleur gagne“, se borne-t-il de lancer à l’intention du candidat RN et de son adversaire du Nouveau front populaire. “Les vagues sont là, elles sont fortes. Les Français veulent du changement, analyse-t-il. Certains ont cru que le vote pour le Nouveau front populaire était une valeur refuge pour battre le Front national, c’est une erreur“. Quand on insiste à nouveau sur son message à l’intention des électeurs du second tour, il botte loin en touche : “Chaque électeur est grand, vacciné et libre dans ses choix. Il y a des positions nationales qui ont été prises. Je ne m’y oppose pas“. On lui demande de les préciser, il évacue : “Je crois qu’elles sont polyphoniques…”

Sabrina Agresti-Roubache, députée puis ministre, a souvent répété dans ses discours qu’elle n’oubliait pas d’où elle venait. Elle le redit, ce dimanche soir. Avec des accents de sincérité non feinte : “Les Marseillaises et les Marseillais doivent se regarder ce soir. Ils sont beaucoup à être des enfants d’immigrés. S’il y avait eu, par le passé, comme c’est le cas ce soir, un RN à 45%… ils ne seraient jamais devenus Français.” Avant de regrimper les escaliers, entourée de sa garde rapprochée, la sortante se dit même prête à mettre ses troupes en ordre de bataille pour aider Pascaline Lécorché. Laquelle à quelques dizaines de mètres de là, salue sans triomphalisme, l’ex-secrétaire d’État pour “sa parole de responsabilité.” La seule des trois députés de la majorité sortante à l’avoir prononcée.