Roméo rêve d'une vie stable à Marseille

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le 7 Déc 2012
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Roméo rêve d'une vie stable à Marseille
Roméo rêve d'une vie stable à Marseille

Roméo rêve d'une vie stable à Marseille

"Il pèse au moins 600 kilos !", lance Adrian en désignant un énorme sac de voyage au fond de la pièce. Plus Marseillais que nature, Adrian est l'un des Roms installés à Plombières depuis la réquisition citoyenne du 12 novembre. Ce soir là, il doit repartir à Alba Iulia en Roumanie, rejoindre sa famille pour une semaine. Et surtout récupérer sa petite dernière, Denisa, restée avec sa grand-mère et le reste de sa famille. Il y a quelques jours, le père d'Adrian et son frère l'ont rejoint à Plombières. Il ne reste plus que sa fille à rapatrier. Et le reste de sa famille ? "Non, ils restent en Roumanie. Il n'y a pas assez de place ici et ma mère est malade…" raconte le jeune homme.

Il occupe une petite chambre au 4e étage de l'immeuble avec sa compagne Suzanna. A eux deux, ils ont 10 enfants. Quatre chacun, nés d'une première union et les deux derniers ensemble. Et aujourd'hui, à 28 ans, Adrian, surnommé Roméo ("parce qu'il y en a trop !") a envie de stabilité. C'est pour ça qu'il est venu vivre en France. Avant de s'installer avec les autres familles à Plombières, il vivait depuis deux mois dans l'un des campements sauvages du boulevard.

 

 

 

Avoir une carte de séjour "pour ne plus faire les poubelles" et "avoir un vrai travail". C'est le voeu le plus cher d'Adrian. Aujourd'hui il est obligé de faire comme beaucoup d'autres Roms, chercher de la ferraille pour la revendre et espérer gagner un peu d'argent…

"Ne pas avoir l'air misérable"

Avec sa carrure, Roméo a du mal à trouver des habits à sa taille parmi tous ceux donnés par Emmaüs. A son plus grand désespoir… Car, malgré ses conditions de vie plutôt précaires, il aime prendre soin de lui. Il met d'ailleurs un point d'honneur à se raser le plus souvent possible, "pour ne pas avoir l'air misérable", explique-t-il et ne sort jamais sans un chapeau – qui n'est jamais le même – pour cacher sa calvitie naissante.

Ce soir, justement, il tient à être le plus beau possible pour retrouver sa famille. Il fait déjà nuit mais rien ne l'arrête. Il s'empare du miroir ovale fixé au mur, d'un rasoir jetable et d'une savonnette. Le faible rayon de lumière qui s'échappe de sa lampe de poche lui suffit. Et dix minutes plus tard, le voilà rasé de près sans une coupure. Une performance. Il sort de sa poche une petite boîte de crème pour calmer le feu du rasoir. Le voilà fin prêt à partir.

"J'ai parlé pour les enfants"

"Le 19 novembre, on est allé à Paris avec Suzanna et j'ai parlé devant le Parlement", commence Adrian. "J'ai écrit un discours et j'ai parlé devant 1000 personnes!", explique-il en exagérant certainement un peu. Vérifications faites, ce n'est pas au Parlement mais à la Maison du Barreau qu'Adrian a prononcé son discours, lors d'une séminaire international de trois jours organisé par le Secours Catholique et la fondation Caritas : "Face à la pauvreté, quel avenir pour les enfants et leur familles et quelle solidarité entre les générations". Il sort un petit paquet de feuilles d'une pochette en plastique dans laquelle il a consigné tous les documents relatifs à sa visite parisienne : un plan de la capitale et du métro, le programme du séminaire, son discours écrit à la main. Il brandit fièrement les badges que Suzanna et lui portaient durant ces quelques jours. "Le discours, il l'a écrit tout seul !, insiste sa compagne. Et il n'est jamais allé à l'école". Suzanna a eu la chance de pouvoir y aller quand elle était plus jeune. 

"J'ai parlé pour les enfants. Mais pas que pour les miens. Et pas que pour les enfants Roms. Mais pour tous les enfants qui dorment dans la rue et qui ne peuvent pas aller à l'école. J'ai parlé en roumain parce que je ne parle pas bien français. Les gens avaient un casque sur les oreilles pour comprendre ce que je disais", raconte-t-il, les yeux encore brillants. "Et puis j'ai visité Paris. Je suis monté sur la tour Eiffel. Et j'ai prié longtemps dans la cathédrale".

Ce soir donc, si tout se passe bien, il sera à Alba Iulia. Mais pour l'heure, il doit trouver une voiture pour aller à Lançon-de-Provence où il prendra un car pour la Roumanie où il retrouvera sa famille. 

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Commentaires

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  1. Anonyme Anonyme

    Roméo, c’est très bien, tu es en voie d’intégration.
    Tu as le même rêve que tous les français.

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