Roland Chassain, l’élu LR trop proche du FN, s’accroche à sa ligne
Le maire des Saintes-Maries-de-la-Mer était allé contre la doxa de son parti Les Républicains pour appeler à "votre contre le PS" au second tour des législatives 2012. Menacé d'exclusion après ce choix, Roland Chassain y est finalement resté et candidate ce week-end pour être le délégué de sa circonscription. Avec en ligne de mire, une nouvelle candidature aux législatives en 2017.
Photos JML
Il tient sa droite mais la droite n’y tient plus vraiment. Dans sa mairie à arcades des Saintes-Maries-de-la-Mer, son village où seuls quelques boulistes viennent rappeler qu’il y a une vie entre les saisons, Roland Chassain résiste à ceux qui voudraient bien le voir partir.
“Il ne veut pas partir, il est dans la logique du combat de trop comme beaucoup”, souffle un hiérarque des Républicains. Ce week-end, Roland Chassain est candidat à sa réélection à la tête de l’ex UMP dans la 16e circonscription. Comme depuis 22 ans, il entend piloter sa formation sur un territoire qui tourne autour d’Arles, court à l’Est jusqu’à Boulbon et inclut au Sud une partie d’Istres et Miramas.
Il s’agit là d’un territoire délicat pour la droite. Le Gard, Beaucaire et son maire FN sont à une traversée de Rhône et le Vaucluse toujours plus aspiré par l’extrême-droite, veille au Nord. Ici, le FN a un nom et deux visages : Laupies. Valérie Laupies et son mari Frédéric sont de toutes les élections depuis 2012 quand elle avait poussé dans ses retranchements Michel Vauzelle en récoltant 49 % des voix au second tour. Aux départementales de 2015, dans un canton comprenant l’est de la circonscription, il a échoué à 47,5% face au maire de Tarascon (divers droite), Lucien Limousin et sa binôme Corinne Chabaud. Candidate aux sénatoriales de 2014, elle n’attend plus que la démission de Stéphane Ravier pour cause de cumul des mandats pour découvrir la chambre haute à l’automne 2017 à moins qu’elle emporte les législatives le printemps précédent.
FN plutôt que PS
Pour la droite, la dernière victoire significative remonte aux législatives de 2002. “Je suis le seul à avoir battu Michel Vauzelle”, dit avec fierté Roland Chassain qui a fait de l’ex président de région socialiste son ennemi juré. Aux dernières législatives, il avait même renoncé à combattre au second tour pour appeler à “voter contre Michel Vauzelle” et soutenir par ricochet Valérie Laupies. Une annonce qu’il avait fait dans Minute, l’hebdomadaire préféré de ‘ lextrême-droite.
À l’arrivée, Michel Vauzelle l’a tout de même emporté et a rempilé au palais Bourbon. Et Chassain a subi les foudres médiatiques de son camp. À l’approche du second tour, Renaud Muselier lui avait écrit pour signifier son courroux. Jean-Claude Gaudin s’était désolidarisé. Alors à la tête de l’UMP, Jean-François Copé avait annoncé qu’il soutiendrait son exclusion. Mais Chassain est bien resté en place, le même Jean-François Copé s’affichant même plusieurs fois avec lui, notamment lors de la campagne interne à la tête du parti.
Pris la main dans le sac du mensonge, Copé n’avait alors qu’un argument : “Il ne joue plus de rôle actif.” “Copé avait dit qu’il fallait m’enlever. Quand il y a eu Bygmalion, je lui ai envoyé un message sur son portable pour lui dire “c’était toi qu’il fallait enlever”, rigole encore le maire des Saintes.
Et pourtant, Chassain a poursuivi son chemin sans sortir de la formation qui l’a fait élire : “Je suis gaulliste. Dupont-Aignan est venu me voir et je lui ai dit non. Avant les régionales, Stéphane Ravier (FN) est venu me voir – comme il est allé voir d’autres maires de droite – en me promettant une belle place sur la liste, j’ai répondu la même chose. Je suis resté fidèle.” Valérie Laupies aussi a tenté sa chance, dit-elle aujourd’hui : “
““Nos Français, d’abord !”
Roland Chassain n’a pas davantage changé de discours. Toujours celui d’une “droite de droite”. Du Front national, il dit : “Le parti s’est un peu arrangé avec Marine. Le programme économique n’est pas terrible. Mais pour le reste, leurs idées, ce sont les nôtres.” Sur l’immigration, il n’hésite pas à reprendre le slogan de Marine Le Pen : “Il y en a toujours eu mais il faut la contrôler. Regardez l’Allemagne qui se mord les doigts : aujourd’hui, on rentre comme dans du beurre. Et pendant ce temps-là, nos retraités n’arrivent plus à vivre. Alors je dis : “pensons à nos Français, d’abord !””
Sans question particulière, il aborde aussi le sort de Nadine Morano, éconduite de LR pour ses propos sur “la race blanche”. “On était ensemble, je l’aime bien. Maintenant, on ne peut plus rien dire, même reprendre les propos du général de Gaulle”, lâche-t-il. La “droite de droite” est bien incarnée, bien loin des propos de Christian Estrosi qui, après des régionales où il a été élu avec les voix de la gauche, lâchait : “Plus on va vers la droite, plus on fait monter le FN.”
Malgré ce penchant à droite, le parcours politique de Chassain s’est révélé ces dernières années assez cahotique. Battu dans la course au département “du fait d’un redécoupage impossible incluant Arles”, sa réélection en tant que maire fait aujourd’hui l’objet d’une information judiciaire suite à une plainte des socialistes qui ont repéré des électeurs habitant à des adresses inconnues. “On me dit : il y a plus d’électeurs que d’habitants recensés, siffle Chassain. Mais il ne s’agit que de personnes qui ont soit une résidence secondaire soit une entreprise ici et qui y votent. C’est permis par le code électoral !”
Les Républicains tentent de l’écarter
Pour ces deux derniers scrutins, il n’a vraiment pu compter que sur un soutien minimal de son parti. Roland Chassain n’est plus tout à fait chez lui. Et ce n’est pas la venue de la présidente du département pour ses vœux en ce mois de janvier qui changera cela. Alors, les élections internes venues, d’autres militants se sont sentis autorisés à contester son leadership local. Dans un parti où la culture du chef est toujours forte, la (re)découverte de la démocratie interne se fait pourtant à petit pas. Dans les autres circonscriptions, on ne compte le plus souvent qu’un candidat. Et à l’échelon départemental, il n’y a qu’une candidature celle du sénateur et maire des 4e et 5e arrondissements de Marseille.
Dans la XVIe circonscription les candidatures s’accumulent. Trois hommes, deux trentenaires et un quadragénaire, ont envoyé leur formulaire. On y retrouve le candidat battu à la mairie d’Arles en 2014, Cyril Juglaret. Selon de nombreuses sources, celui-ci bénéficie du soutien des hiérarques du parti. Il faudra aussi compter avec le secrétaire départemental adjoint des Républicains, le député-maire copéiste de Chateaurenard Bernard Reynès dont l’influence dépasse largement les contours de sa XVe circonscription. Deux Tarasconais sont aussi sur les rangs : le premier adjoint Fabien Bouillard et François Vignaud, candidat sur une liste divers droite contre Lucien Limousin en 2014. Ils pourraient pousser Chassain à un second tour inédit le 6 février mais une entente générationnelle contre le presque septuagénaire est loin d’être acquise.
D’ailleurs, aucun des trois ne se risque à charger son aîné. “Nous sommes de la même famille”, justifie François Vignaud, un agriculteur qui a su gagner le soutien d’autres professionnels d’un secteur économique aujourd’hui particulièrement en difficulté. Mais tous plaident pour le “renouvellement” : “Il y a une soif et une envie des militants de voir leur territoire animé et leurs idées diffusées, estime ainsi Juglaret. Roland Chassain est le sortant, il faut qu’il se pose des questions. Quand vous êtes aux manettes depuis vingt ans, forcément, vous vous épuisez.”
Un bureau à Arles et… un bureau aux Saintes
Dans la position du chassé, le maire des Saintes s’est armé. D’autant plus qu’en 2015, preuve de l’engouement comme de la mobilisation qui entourent ces élections, le nombre d’adhérents de la circonscription a bondi, passant de 400 à 700 environ. Pas de rencontre dans les sections mais une mobilisation plus discrète avec un réseau de représentants, “un par commune”.
Petite filouterie, un bureau de vote a aussi été installé aux Saintes-Maries-de-la-Mer en plus de celui d’Arles. Une décision du délégué de circonscription Chassain qui a dû beaucoup plaire au candidat Roland. “On va dire que c’est la prime au sortant”, grince François Vignaud. “Du foutage de gueule”, se lâche Sylvain Bouillard, premier adjoint de Tarascon. Mais Roland Chassain a sa justification : “C’est nous qui sommes le plus loin d’Arles.”
L’enjeu de cette élection est double. Tous les candidats sont d’accord sur l’objectif de 2020 qui doit être la réunification de la droite pour la conquête d’Arles à la faveur du retrait potentiel d’Hervé Schiavetti, le maire communiste. En revanche, ils tiquent quand il s’agit d’évoquer les législatives au jeu très ouvert : à gauche, Michel Vauzelle pourrait laisser se présenter son suppléant, le maire de Miramas Frédéric Vigouroux. Chassain est candidat bien sûr : “Je suis le seul à avoir la notoriété nécessaire pour faire barrage à madame Laupies”, lâche-t-il avec une certaine souplesse de raisonnement.
Candidat aux législatives
Un de ses concurrents se fait cinglant : “On parle de quelqu’un qui a perdu la députation en 2007, est arrivé troisième en 2012 toujours aux législatives, a perdu son siège de conseiller général. Être un bon maire des Saintes ne suffit pas à être en position de remporter une élection”, tacle Sylvain Bouillard qui cite la candidature de Lucien Limousin comme “légitime mais compliquée du fait de la nouvelle règle sur le cumul des mandats”.
Chassain a pour lui un solide réseau national qu’il met volontiers en avant. Son principal atout : Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, très probable candidat aux primaires de la droite et du centre en vue de l’élection suprême en 2017. “Moi je suis sarkozyste. On se connaît bien avec Sarko. Nous nous sommes vus l’an dernier et nous avons pas mal blagué. Et je peux vous dire qu’il n’a pas oublié sa venue en Camargue lors de la présidentielle. Les images ont fait le tour du monde !”
La photo de Sarko sur son cheval blanc orne toujours son bureau entre son diplôme de Marianne d’Or et le portrait de Hollande caché par un fauteuil. Mais il n’est pas dit que ce talisman suffise, surtout si Sarkozy devait être battu en interne ou à la présidentielle. Au sein de LR, certains ont bien imaginé une solution pour chasser l’indécrottable Chassain : laisser la circonscription aux arrangeants alliés de l’UDI. Mais qu’à cela ne tienne, lance l’élu, “s’il le faut, je serai candidat comme indépendant !”
Actualisation le 31 janvier : Il y aura bien un second tour dans cette élection interne du parti Les Républicains de la XVIe circonscription. Il opposera Roland Chassain (195 voix au premier tour) à François Vignaud (166). Nous ne connaissons pas pour l’heure le choix pour la suite du scrutin de Cyril Juglaret (121) et Fabien Bouillard (82).
Commentaires
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Ecore un cas ou le découpage des cantons n’a eu qu’une seule utilité : favoriser le pouvoir en place.
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Encore un cas où un type qui aura 70 ans en 2017 se croit propriétaire de ses mandats électifs et est incapable de passer le relais à la génération suivante. A croire qu’en France, dont la classe politique est la plus âgée des pays occidentaux, seuls les sexagénaires et septuagénaires sont capables de représenter le pays.
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Electeur du 8eme, ils ne sont élus que parce que les partis politiques refusent le renouvellement. Ensuite, les électeurs ont le choix entre septuagénaires….
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