Réparation navale : le grand port affiche la grande forme
La mise en service de la plus grande forme de réparation navale de Méditerranée relance cette filière stratégique à Marseille. Aujourd'hui, elle emploie moins d'un millier de personnes. Si le gisement d'emplois local est réel, pour l'heure, le marché est aussi mondialisé que le trafic maritime.
Ferdinando Garrè, patron de San Giorgio del Porto, Christine Cabau-Woehrel du GPMM et Jacques Hardelay, du CNM.
Sept navires en deux mois. En quelques semaines, le grand port maritime de Marseille (GPMM) vient de faire un bond dans le marché mondial de la réparation navale. Surtout il accueille pour la première fois le MSC Orchestra dans la grande forme 10, cale sèche que le port vient de livrer à son locataire (amodiataire en langage maritime), le chantier naval de Marseille. “Nous aurions pu l’accueillir dans une de nos formes plus petites, mais elles sont toutes occupées”, se félicite Jacques Hardelay, le président du CNM.
Pour l’occasion le président de San Giogio Del Porto, actionnaire principal de l’opérateur marseillais, Fernandino Garrè est venu en personne assister à la manœuvre. Dans la nuit, l’immense paquebot sera mis en cale sèche avant que l’on procède à son entretien, avec la pose d’un “scrubber” sur ses trois cheminées. Là encore, le chantier n’est pas anodin : ce dispositif permet de filtrer les fumées d’échappement du navire et ainsi limiter la participation du port à la pollution atmosphérique de la ville. Un sujet sensible pour la directrice du GPMM tant les articles de presse se sont multipliés sur la question. Or, ce type d’opération fait partie des services que le chantier peut fournir à ses premiers clients, les grandes compagnies de croisière qui opèrent en Méditerranée.
Les Turcs et les Roumains moins chers
“Aujourd’hui, les Turcs sont entre 20 et 30% moins chers que nous. Les Roumains, moitié moins cher, constate Jacques Hardelay. Mais dès que nos clients ont besoin d’un service plus technique, ils vont se tourner vers nous. Et surtout nous occupons une place stratégique. Des bateaux de très grande taille ne peuvent pas être traités à Gênes. Marseille doit s’inscrire dans le calendrier des grandes compagnies maritimes“. Avec le port leader méditerranéen pour les croisiéristes, Barcelone, à seulement 8 heures de navigation, Marseille peut effectivement tirer son épingle du jeu. Mais cela vaut uniquement sur le marché des croisières, où les réparations sont programmées en période creuse d’octobre à mars, pas suffisant pour faire tourner l’entreprise toute l’année.
“Notre objectif est d’élargir notre clientèle en accueillant des navires de commerce, reprend Jacques Hardelay. Pour les navires de croisière, l’entretien se planifie sur un an, voire deux ans à l’avance, pour les autres secteurs, les délais sont plus courts.” Il faut donc se faire connaître et faire connaître son savoir-faire. En visant notamment, des marchés “à fort potentiel” comme les méthaniers dont la réparation peut avoir lieu en été ou les bateaux spécialisés pour la recherche de pétrole offshore. “Dans ce cas précis, la largeur de 85 mètres de la forme 10 est tout à fait adaptée à la forme de ces bateaux”, explique toujours Jacques Hardelay.
De 50 à 140 salariés en 7 ans
Mais l’outil seul ne suffit pas, il faut pouvoir lui associer une main d’œuvre qualifiée. Déjà, depuis 2010, le CNM est passé de 50 salariés à 140 aujourd’hui. Une paille comparée au 1200 salariés sous-traitants venus réparer un bateau de croisière le Seven Seas Mariner sur le port en 2014. Car le marché est mondialisé et les compagnies font souvent appel à leurs propres sous-traitants. Avec, en arrière-plan, le spectre grandissant des travailleurs détachés. “C’est vrai qu’une société comme MSC fait appel à ses propres équipes qui interviennent sur les navires un peu partout dans le monde, reprend Hardelay. Le gisement d’emplois existe au niveau régional, il faut du temps pour mettre en place les filières.”
Le président de CNM met en avant “le cluster” qu’il crée de manière encore informelle avec sa chaîne de sous-traitants “avec l’accompagnement du Pôle mer et la chambre de commerce”. À Marseille, le secteur employait 750 salariés en 2016, très loin des taux d’emplois des années 70. Christine Cabau-Woehrel vient en appui de son précieux locataire : “Le port comme la région sont tout à fait conscients de la nécessité de mettre en place ces offres de formation, insiste la présidente du directoire. Cela ne passe pas forcément par une école des métiers de la mer [évoquée par Jean-Luc Mélenchon, ndlr] mais par un repérage des besoins et un appui aux formations initiales les plus demandées dans les lycées professionnels, notamment.”
Plus de peintre navire ou de frigoriste
Rendu en 2016 et déjà détaillé dans Marsactu (lire notre article), un rapport du Pôle Mer dressait un constat précis de l’état de la filière, de ses besoins et de l’offre de formation pour y répondre. “Il y a quelques métiers emblématiques pour lesquels les sections de formation professionnelles n’arrivent pas à faire le plein, ce qui a conduit à les fermer”, peut-on lire dans ce rapport. Chaudronnier, soudeur, tuyauteur, électrotechnicien, tôlerie, usinage et mécanique sont les secteurs les plus tendus. D’autres spécialités ne sont même plus enseignées comme le métier de peintre navire, de frigoriste navire ou d’hydraulicien.
En commentaire, les auteurs du rapport notent bien que “ces constats « de terrain » amènent de nombreux chantiers de PACA à faire intervenir des salariés des pays de l’Est, notamment pour certains travaux de chaudronnerie, soudure et peinture”. Si le gisement d’emplois locaux existe, pour l’heure, les acteurs du secteur se fournissent sur un marché très ouvert.
Et ce n’est pas le CNM, filiale d’un groupe italien qui va le démentir puisqu’il a recours lui-même à des transferts de personnel transalpin. “Je compte m’inspirer de ce qui se fait sur la côte ouest où la filière de formation est d’ores et déjà constituée, insiste Jacques Hardelay, ancien des chantiers STX à Saint-Nazaire. Et je ne désespère pas de faire venir des entreprises de sous-traitants depuis là-bas”.
“C’est pour cela que ce genre de journée est importante, souligne Cabau-Woehrel. Cela peut donner envie à des jeunes de venir travailler dans la réparation navale. Ce n’est pas toujours évident d’y attirer des jeunes”. C’était là encore une des conclusions du rapport du Pôle Mer :
Beaucoup des difficultés de recrutement constatées dans les industries de la métallurgie et plus particulièrement dans la CRN [construction et réparation navale, ndlr], trouvent leur origine dans la faible attractivité auprès des jeunes des métiers industriels de la mécanique et du travail des métaux.
Il y a quelques années, Massilia sound System chantait “des métallos, pas des pédalos” pour fustiger le tout tourisme posé comme seul Graal économique. Désormais les géants du tourisme ont besoin de métallos et ce n’est pas au pays du pédalo qu’ils peuvent les trouver.
Commentaires
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Encore une fois on constate une inadéquation entre l’offre de formation et les besoins du secteur économique. La faute à l’éducation nationale, qui forme sans chercher les débouchés, et les entreprises locales, incapables d’attirer à elles des jeunes.
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Pour information, ce n’est pas l’éducation nationale qui détermine la carte des formations professionnelles mais la région. Pour toutes ces formations (CAP, Bac Pro, BTS) généralement les plus très couteuses et très souvent assurées par le privé , c’est la région qui décide puis l’état qui paie.
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Pascal L, l’education ne brille pas par son offre de foration en adequation avec les emmois proposés.
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Formation
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Un BTS chaudronnerie (Conception et réalisation en chaudronnerie industrielle) est proposé au lycée Jean Perrin et au CFA de Istres. Il est vrai que que la région PACA n’en offre que 2 alors que la région “Haut de France” 11 (source Onisep). Comme tous les BTS chaudronnerie de France, ils attirent peu les étudiants. Dans ce domaine (formation professionnelle) je le répète : la région demande et l’état fait. Mais l’offre n’est pas le seul critère : quand une filière est désertée par les étudiants, on est bien obligé de la fermer car personne n’a envie de payer des profs pour qu’ils travaillent avec 3 ou 4 étudiants. Le vrai problème est que ces métiers attirent peu les jeunes. Mais je ne les critique pas car, pour ma part, si j’étais en age de faire des études, j’irais faire de l’informatique !
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Juste une petite retouche: “mise en service” est préférable à “mis” en service.
Sans rancune…
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Bonjour,
c’est corrigé, merci pour votre vigilance !
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Avec cette forme géante, Marseille renoue avec sa réparation navale, réputée dans le monde entier !…Un outil extraordinaire aux mains de métallos expérimentés ! On peut être fier de notre grand port …
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Extraordinaire…Avec cette forme géante, Marseille renoue avec sa réparation navale, réputée dans le monde entier !…Un outil extraordinaire aux mains de métallos expérimentés ! On peut être fier de notre grand port …
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Désolé pour ce doublon, le premier commentaire ne passait pas !
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Nos journaux locaux communiquent avec une positive attitude surement dictée par la Mairie et le GPMM : On célèbre la réouverture de la forme 10 avec une opération exceptionnelle : la pose d’un scrubber : 2 infos superbement positives pour l’image du port
La question est de savoir à quoi sert-il de mettre un paquebot en cale sèche pour lui poser un chapeau sur la cheminée ?? à communiquer !!
Marsactu pourrait-il nous expliquer la relation entre l’opération sur la cheminée et la mise en cale sèche ?
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La Forme 10 et la formation : Le financement de la rénovation de la Forme 10 a été en partie (grosse partie) assuré par nos collectivités locales : Région, département et municipalité et ceci il y a déjà pas mal d’années. Encore un bel exemple de gouvernance de ne pas accompagner cet encouragement de l’industrie par la promotion et la mise en place de formation en adéquation, comme si nos jeunes était déjà occupés par d’autres métiers !!
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