Rémunération des élus : et toi t'écrêtes sur qui ?

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le 9 Nov 2012
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Rémunération des élus : et toi t'écrêtes sur qui ?
Rémunération des élus : et toi t'écrêtes sur qui ?

Rémunération des élus : et toi t'écrêtes sur qui ?

2 688,43 euros. C'est la somme que distribue chaque mois Jean-Noël Guérini à quatre conseillers généraux de sa majorité. L'exemple du sénateur et président du conseil général des Bouches-du-Rhône est choisi par Mediapart pour illustrer l'une des conséquences des propositions de la commission Jospin, présentées vendredi. Tout à fait légale mais aux relents clientélistes, cette pratique dite de l'écrêtement consiste pour un élu cumulard à reverser à d'autres élus la part de ses indemnités dépassant le plafond de 8 272,02 €. Elle est menacée indirectement par l'idée d'une limitation pour les parlementaires du cumul à un seul mandat non exécutif et la suppression de la rémunération qui y serait associée.

Mais si Jean-Noël Guérini est un "bon client" pour mettre en valeur cette anomalie républicaine qui voit un élu en quelque sorte propriétaire du surplus d'indemnités, Marsactu a trouvé 25 autres cumulards dans son cas [1]. Et la liste est certainement non exhaustive, vu l'opacité qui entoure le système. Il nous a d'ailleurs été difficile dans beaucoup de cas d'avoir le détail des sommes ou des bénéficiaires, y compris parfois après saisine de la commission d'accès aux documents administratifs. "On n'en parle pas entre nous, ça passe comme ça en conseil municipal", nous confiait en 2011 l'une des heureuses élues.

Gaudin, Mennucci, Ghali, Roatta, Vlasto dans le top 5

Jean-Noël Guérini n'est même, comme son homologue à la région Michel Vauzelle, qu'un "petit" à ce jeu-là : pour bien écrêter, il faut avant tout beaucoup cumuler. Et pour cela, rien de mieux qu'exploiter le fait que la loi considère les mandats intercommunaux comme jumelés avec celui de conseiller municipal. Cela permettait ainsi à des élus non parlementaires mais conseillers généraux ou régionaux, maires et vice-présidents d'intercommunalité (Patrick Mennucci, Patrick Boré, Jean-Pierre Maggi, Gaby Charroux) de dépasser le plafond des indemnités tout en respectant la limite légale de deux mandats.

A tout seigneur tout honneur, c'est Jean-Claude Gaudin qui décroche le prix de premier arroseur local. Sénateur (5514,68€ bruts par mois), vice-président de la communauté urbaine (2750€), il bénéficie également, comme tous les élus marseillais, d'un double bonus sur son indemnité de maire (5512,12€ normalement, voir le tableau en fin d'article) : "Des majorations d'indemnités peuvent être votées par les conseils municipaux des communes chefs-lieux de département ainsi que par ceux des communes classées stations de tourisme, au taux maximum de 25% chacune, ces deux majorations pouvant se cumuler", explique doctement une délibération de 2008.

Au final, d'après nos calculs, il distribue près de 6000 euros par mois à 11 élus [2]. Suivent, avec environ 4000 euros par mois, ses adjoints Jean Roatta et Dominique Vlasto et les maires socialistes de secteur Patrick Mennucci et Samia Ghali. Commentaire sur son blog de Jacques Boulesteix – président du conseil de développement de MPM et conseiller municipal de Marseille (apparenté socialiste) :

C'est le clientélisme d'élu, favorisé, organisé et encadré par la loi… On peut s'imaginer les effets pervers de dépendance politique que cela entraîne. D'ailleurs, chaque année, certains "grands" élus, font modifier leur clé de répartition des reversements, éloignant un collaborateur déchu, récompensant un autre plus servile.

Au lendemain des législatives, Valérie Boyer a ainsi changé la liste de ses bénéficiaires au profit de son suppléant et de la seule adjointe de son adversaire à droite – le maire du 11/12 Robert Assante – qui l'avait soutenue.

Sauvé in extremis par Gaudin en 2011

Certains se fixent une ligne de conduite un peu moins arbitraire, comme l'ex-député Eric Diard qui répartissait équitablement entre ses adjoints, ou l'ancienne députée-maire d'Aix-en-Provence Maryse Joissains : elle remettait "au pot commun" ses indemnités de présidente de la communauté d'agglomération. Mais à notre connaissance, aucun ne fait jouer la possibilité ouverte par la loi de tout simplement laisser l'argent dans les caisses de la collectivité.

La suppression de l'écrêtement était presque acquise en juillet 2011, à l'instigation du député de l'Aisne René Dosière, défenseur acharné de la transparence financière de la vie politique. La mesure avait été votée en commission mixte paritaire (CMP, l'une des dernières étapes de la procédure législative), mais un certain Jean-Claude Gaudin, président du groupe UMP au Sénat, avait réussi in extremis à revenir au statu quo avec l'aide de son homologue Nouveau Centre et la bénédiction du ministère de l'Intérieur. Du grand art. Depuis, une proposition de loi de Jean-Philippe Masson allant dans ce sens dort au Sénat. Bizarrement, la commission Jospin n'a pas explicitement visé la pratique qui pourra, si la loi est votée en ses termes, toujours bénéficier aux cumulards non parlementaires et aux députés européens.

Le tableau de rémunération des élus marseillais :

[1] Par ordre alphaétique : Serge Andréoni, Patrick Boré, Vincent Burroni, Jean-David Ciot, Valérie Boyer, Gaby Charroux, Daniel Conte, Bernard Deflesselles, Jean-Claude Gaudin, Bruno Gilles, Samia Ghali, Jean-Noël Guérini, Henri Jibrayel, Maryse Joissains, Sophie Joissains, Jean-Pierre Maggi, Patrick Mennucci, Roland Povinelli, Bernard Reynès, Jean Roatta, Guy Teissier, Dominique Tian, Michel Tonon, Michel Vauzelle, Dominique Vlasto, Karim Zeribi. Nous recueillerons bien entendu volontiers les ajouts, corrections, détails des intéressés sur les montants et explications sur leurs choix. Une aide pour compléter les données sera également la bienvenue (à ce propos, l'association Anticor a édité un guide très complet).

 [2] Dont les présidents des groupes UMP aux conseils municipal et communautaire, ainsi que quelques grognards du gaudinisme.

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Commentaires

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  1. Pourtoutelinfo Pourtoutelinfo

    On ne sait toujours pas à la fin de l’article qui écrête au profit de qui? Quels sont les élus de la même collectivité qui sont bénéficiaires de l’écrêtement des élu-e-s cité-e-s dans l’article? C’est pourtant public, voté par délibération, non?

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  2. Grosseimposture Grosseimposture

    La somme écrêtée pour un élu non parlementaire est effectivement de 8272,02 euros. Mais celle d’un parlementaire cumulard est de 9857,49 € !
    Certains chiffres mentionnés sur votre article (excellent par ailleurs) sont erronés …

    Le site grosseimposture.com est “spécialisé dans cet exercice”

    Consultez le dossier “Cumulus Politicus” ou vous aurez les tenants et aboutissants concernant nos chers cumulards !

    http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/4/08/60/68/Doc-HTML/Elus-2.html

    cordialement,
    grosseimposture.com

    ps: les écrêtés, écrêtements et destinataires sont consultables sur les procès verbaux des délibérations des assemblées délibérantes concernées … c’est la loi !

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  3. Patrick Mennucci Patrick Mennucci

    En ce qui me concerne j’ecrete sur mon conseil d’arrondissement d’abord sur les élus non indemnisés par la loi que sont les conseillers d’arrondissement,puis à égalité pour les adjoints aux maires qui reçoivent un surplus de 250€ chacun,le double pour le 1er adjoint.L’egalitarisme rend ce système plus acceptable,mais j’ai bien conscience qu’il va disparaître bientôt,et ça sera normal

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  4. Anonyme Anonyme

    Au regard de ce que soi disant ils touchent, il est surprenant que la plupart finissent milliardaires.
    Encore une enigme.

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  5. Maximilien Robespierre Maximilien Robespierre

    Par curiosité j’ai consulté les délibérations (en ligne) de la mairie de Marseille en entrant le mot clé écrêtement sur la période postérieure à la dernière élection municipale. La seule chose que l’on puisse obtenir, c’est le nom du(des) bénéficiaire(s) de(s) écrêtement(s).
    C’est dommage pour la transparence. J’ai d’ailleurs de gros doutes sur la légalité de ces délibérations puisqu’il manque pour chaque délibération “le tableau annexe récapitulant l’ensemble des indemnités allouées aux membres du conseil municipal” comme le prévoit l’article L.2123-20-1 du code général des collectivités territoriales (formalité introduite par la loi démocratie de proximité du 27 février 2002 dans un objectif de transparence).
    Si les tableaux existent, ils sont bien cachés… ce qui est un comble pour une mesure visant à favoriser la transparence.

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  6. François-Noel François-Noel

    Jean-Claude Gaudin n’est pas et n’a jamais été vice-président de MPM.

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  7. Saint Cannadair Saint Cannadair

    Pour rayonner, ça rayonne en effet sur votre infographie. Tout pleins de rayons qui partent autour de disque que constitue JCG. Un vrai (roi?) soleil!

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