Réhabilitation de l’étang de Berre : “Y a rien à inventer, juste à coordonner”
Le 23 septembre, les députés présentaient leur rapport de réhabilitation de l'étang de Berre devant l'Assemblée Nationale. Quelques mois plus tard l'État, la métropole et le syndicat mixte de gestion de l'étang s'organisent pour donner une suite concrète à ce rapport.
Plage de Saint-Chamas, au bord de l'étang de Berre. (Photo : CV)
“Assurer le service après-vote“, lance comme une promesse le rapporteur LREM Jean-Marc Zulesi, quelques mois après le vote à l’Assemblée du rapport sur la réhabilitation de l’étang de Berre. Il y a plus d’un an, l’étang de Berre faisait l’objet d’une mission parlementaire achevée le 23 septembre 2020 par la présentation d’un rapport, salué à l’Assemblée nationale. Dans le milieu associatif, la mission parlementaire faisait jaser. “On avait peur d’un énième rapport classé, que l’État s’engouffre dans le sujet et au final ne fasse pas grand chose”, raconte Bernard Niccolini, un des membres fondateurs du Gipreb, le syndicat mixte de gestion intégrée, prospective et restauration de l’étang de Berre.
Ses craintes se fondent sur un long passé où l’État a toujours reporté la mise en place de mesures pour l’étang de Berre et ses riverains. En 2004, la Cour européenne de justice saisie par les associations, condamne la France pour son inaction à enrayer la pollution de l’étang. Deux ans plus tard, la Commission européenne met en demeure la France jugeant les mesures prises “insuffisantes“. Depuis, le Gipreb a déposé une plainte en 2018 pour les mêmes motifs, après une crise d’anoxie, une diminution d’oxygène dans l’eau, qui a entraîné une surmortalité des espèces pendant l’été 2018. “Ça fait 32 ans qu’on se bat, sans résultat” soupire René Benedetto, président de l’association l’Étang Nouveau.
Le “service après-vote”
Pour assurer ce “service après-vote” et faire aboutir les premières actions, le sous-préfet d’Istres a mis en place trois ateliers coordonnés par trois acteurs : l’État, la métropole et le Gipreb. Pour l’heure, il est surtout question d’organisation et de répartition des rôles. “Si c’était si simple à mettre en place, on aurait pas attendu 30 ans”, s’agace Jean-Philippe d’Issernio, à la tête pour le compte de l’État de la direction départementale des territoires et de la mer. Les trois groupes se sont donnés jusqu’au mois de juin 2021 avant d’élaborer un plan d’action. “Il n’y a rien à inventer, juste à coordonner” résume Didier Khelfa, le maire de Saint-Chamas, président du Gipreb depuis le 27 juillet.
L’État, représenté par Jean-Philippe d’Issernio, est chargé de réfléchir à la création d’un cadre de gouvernance, “pour réunir plus largement que le Gipreb et parler d’une seule voix” explique Didier Khelfa. “On réfléchit aussi à une façon de discuter avec EDF pour ne plus se parler à coup de contentieux”, explique Jean-Philippe d’Issernio. Les barrages hydroélectriques de l’entreprise rejette en moyenne 900 millions de mètres cubes d’eau douce par an. L’eau douce en trop grande quantité bouleverse l’équilibre de l’étang et entraine des phénomènes d’anoxie, une diminution d’oxygène dangereuse pour la biodiversité de l’étang. Le rapport pointe la nécessité d’abaisser la moyenne des rejets d’eau douce à 600 millions de mètres cubes par an. Pour l’instant, l’idée semble difficile à faire accepter. “La première remarque d’EDF quand on a évoqué la réduction de rejet c’était: «Il faudra nous dédommager»“, souligne Didier Khelfa.
“Pour une fois, il y a un alignement des planètes”
Une des nouveautés dans la réhabilitation de l’étang de Berre est l’entrée de la métropole. Représentée dans les ateliers par son vice-président à l’eau Didier Réault, elle anime l’atelier sur la gestion et l’aménagement durable du grand bassin versant de l’étang de Berre et doit traiter de la réouverture partielle du tunnel du Rove. “Le fait que la métropole entre sur ce projet est une bonne chose. On pense aussi la faire entrer dans le conseil de gouvernance du Gipreb”, explique Didier Khelfa. “Les liens avec le Gipreb se sont resserrés depuis la nouvelle gouvernance” confirme Didier Réault.
Projet historiquement porté par le Gipreb, l’ouverture partielle du tunnel du Rove a été retenu par le rapport parlementaire. Elle permettrait de créer un apport d’eau salée pour permettre notamment de diminuer la concentration en nutriments de l’étang. Pour autant, dans les propositions d’actions à court terme, l’ouverture du tunnel du Rove est déjà écartée. “On sait qu’on ne peut pas soumettre le projet du tunnel du Rove pour un budget 2021-2022, c’est trop tôt”, confie Didier Khelfa.
Si pour l’instant aucun plan d’action précis n’est dessiné, tout le monde semble être confiant sur l’aboutissement de l’action collective. “On en a marre de voir des projets qui n’aboutissent pas à cause de nos désaccords. Pourquoi le projet du tunnel du Rove a échoué en 2018 ? Juste parce qu’on n’était pas d’accord sur la quantité de pompage”, s’énerve Didier Khelfa. Pour une fois, il y a un alignement des planètes, tout le monde a envie de tirer dans le même sens.”
Pendant qu’un plan d’action officiel se met en place, le président de L’Étang nouveau René Benedetto mobilise les riverains pour des actions plus immédiates. Il a été consulté par la mission parlementaire lors de la rédaction du rapport avec d’autres acteurs associatifs. Pour lui ce rapport “est surtout un moyen de gagner du temps”. Alors depuis, avec son association, il mobilise les riverains pour ramasser les algues vertes sur les berges ou replanter des zostères, une herbe de mer nécessaire à l’équilibre du milieu aquatique. “On a fait ça comme ça, sans demander la permission”, sourit-il. L’avenir de l’étang dépend encore et toujours de la façon dont ses riverains s’en emparent.
Commentaires
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Merci Anna Jaujard pour cet article très clair. Je ne connais pas l’historique de ce dossier. Quel est le problème avec l’ouverture du Canal du Rove et le différent quant au volume d’eau salée qu’il apporterait, puisqu’ils semblent tous d’accord que c’est le seul moyen pour rééquilibrer eau salée/ eau douce?
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L’ouverture du tunnel apportera certainement du sel, mais pour ce qui est de l’oxygène, les ouvertures sur la pleine mer à l’Estaque ne sont pas très larges et ce n’est pas l’eau du chenal qui pourra compenser le manque.
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