Recours contre l’élection des 11/12 : quand l'”arithmétique” se heurte à la “morale”
Scandalisés par les révélations sur la collecte de procurations à la maison de retraite de Saint-Barnabé, les concurrents de Julien Ravier (LR), ne comprennent pas que cela ne suffise pas à annuler l'élection.
La permanence de la liste de Julien Ravier, avant le second tour des municipales 2020. (Photo : JML)
L'enjeu
Trois têtes de liste défendaient leur recours contre la municipale des 11/12 au tribunal administratif de Marseille, accusant la liste de Julien Ravier d'irrégularités multiples.
Le contexte
Une enquête préliminaire au pénal est toujours en cours sur des soupçons de fraude aux procurations, en particulier dans ce secteur, qui a donné lieu à la garde à vue de plusieurs élus et militants.
Il a démarré par une volonté affichée de “pédagogie”. Et il en fallu au rapporteur public Xavier Haïli pour expliquer, pendant une heure et demie, en quoi les lourds soupçons de fraude électorale dans les 11/12 étaient crédibles, mais pas de nature à entacher “la sincérité du scrutin”. Au final, ce magistrat chargé d’éclairer le tribunal administratif avant l’entrée en scène des avocats n’a donné qu’un point aux trois têtes de liste ayant contesté l’élection de Julien Ravier (LR). Mais un point de taille : on pourrait théoriquement retirer 51 voix au candidat de Martine Vassal dans ce secteur.
51, comme le nombre de procurations réalisées au sein de la maison de retraite médicalisée de Saint-Barnabé, souvent confiées à des proches de la mairie de secteur ou de LR, et qui forment le cœur de l’enquête préliminaire ouverte en juin 2020 par la procureure de la République de Marseille, Dominique Laurens. Pour le rapporteur public, “l’absence de lien apparent familial” de la plupart des mandataires et “l’absence de preuve de demande préalable” de réalisation de ces procurations suffiraient à jeter un doute suffisant pour que ces votes soient annulés. Mais pas l’élection dans son ensemble.
“On nous explique qu’ils n’ont pas assez triché”
“On nous explique qu’ils n’ont pas assez triché, s’étouffe Pascal Chamassian, ex tête de liste LREM, le seul des trois requérants à avoir assisté à l’audience. Mais la morale est ébranlée ! La juge administrative doit envoyer un message aux électeurs et participer à la moralisation de la vie publique.” La morale, comme un écho à la plaidoirie de Pierre Bruno pour Julien Ravier (LR). “Un juge moralisateur n’est pas un juge, lance-t-il. On tente de vous faire peur en vous disant que vous êtes sous l’œil des Marseillais.” En lieu et place, c’est au droit et à l’arithmétique qu’il en appelle. Et “le droit électoral est un droit emprunt de réalisme”, avait prévenu Xavier Haïli, pour qui “juger de la validité de l’élection” est une tâche distincte de “sanctionner les auteurs de faits délictueux”, laissée au pénal.
Ce dernier n’a d’ailleurs pas toujours été tendre avec les requérants, leur reprochant d’apporter à l’audience peu de faits si ce n’est des articles de presse. “Les procurations étaient déjà saisies [pour les besoins de l’enquête préliminaire ouverte avant le second tour, ndlr], nous avions un accès partiel aux listes d’émargement et nous avions cinq jours !”, s’est justifié Jorge Mendes Constante, avocat de Yannick Ohanessian, candidat du Printemps marseillais. Il espère que la juge administrative se fera communiquer le procès-verbal de synthèse de l’enquête préliminaire menée par le parquet pour former sa décision.
L’espoir déçu de rebattre les cartes
Douché par le sens des conclusions du rapporteur, qui est souvent suivi, Yannick Ohanessian retient cependant que la justice administrative devrait donner une première réalité à la fraude, avant que passe la justice pénale, à quatre mois d’une élection départementale où Martine Vassal sera la leader de la droite. Mais la gauche espérait plus dans ces 11/12, où la courte victoire de la droite lui offre dix sièges au conseil municipal et autant à la métropole. Depuis, avec un autre œil sur le recours des 13/14, lui aussi mal engagé, le Printemps marseillais rêvait de rebattre les cartes et conforter sa majorité à Marseille, voire de renverser celle au conseil de territoire Marseille Provence, demeuré à droite avec 15 sièges de plus.
Au soir du second tour, 352 voix séparent Yannick Ohanessian de Julien Ravier. Mais ce faible écart ne doit pas “aveugler” le tribunal, a martelé Xavier Haïli : “Il n’a aucune portée si n’est pas rattaché à des irrégularités entachant le second tour.” Or, c’est surtout le premier tour qui alimentait la litanie de protestations des candidats des listes Rubirola, Ghali et Berland, à commencer par l’EHPAD de Saint-Barnabé. Dans ces conditions, quel impact sur le résultat pouvaient avoir les procurations, seul argument retenu par le rapporteur public ? Même en retranchant l’ensemble des 601 votes enregistrés le 15 mars du score de Julien Ravier, l’ordre d’arrivée resterait le même et aucune liste supplémentaire ne serait qualifiée.
“Mélange des genres” et “pratiques très curieuses”
C’est propice à toutes les fraudes et plus largement aux accusations de fraude. C’est particulièrement malvenu dans la deuxième ville de France.
Le rapporteur public
Cela n’a pas empêché Xavier Haïli de passer, en déclamant son rapport à l’oral, quelques messages peu susceptibles de finir dans une ordonnance de tribunal administratif. Ainsi, le discours de l’élue LR Catherine Pila au sein de l’église Sainte-Anne constitue un “mélange des genres regrettable” mais se situe dans le 8e arrondissement. Les photocopies arrivées en cours de journée dans les bureaux de vote pour enregistrer de nouvelles procurations, sous l’insistance de Julien Ravier, ne lui paraissent pas plus dans l’ordinaire d’une élection, même si “il n’y a irrégularité que si l’existence d’une procuration n’est pas mentionnée sur les listes d’émargement ou si l’examen des photocopies révèle des fraudes”.
Mais c’est à la Ville de Marseille, organisateur du scrutin, que s’adresse le reproche le plus vif. On se souvient que le 15 mars, la présence d’une feuille blanche détachable sur les procès-verbaux de résultats avait agité les différents candidats toute la journée. “Cette pratique est effectivement très curieuse, pour le moins saugrenue”, a commenté le magistrat. “Est-ce pour des raisons de place sur le formulaire original ou pour faire gagner du temps ? Julien Ravier, en sa qualité de maire sortant, n’apporte pas la moindre explication”, a-t-il poursuivi.
Aux prises avec une pandémie conjuguée à une cyberattaque, la Ville n’avait jamais fait la lumière sur ces événements. Pour Xavier Haïli, ce volet ajouté “est propice à toutes les fraudes et plus largement aux accusations de fraude. C’est particulièrement malvenu dans la deuxième ville de France, dont on sait que les élections sont toujours disputées.” On espère que les nouveaux patrons du service des élections auront au moins retenu cette partie de sa leçon.
Commentaires
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Ça vaudrait peut-être le coup ! Un fait est certain, si les élections devaient se rejouer, les soupçons de fraude pèseraient probablement dans la balance. Curieuse justice qui constate mais qui n’annule pas.
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Ce ne serait pas plutôt l’inverse : la morale qui se heurte à l’arithmétique ?
(Comme elle s’était déjà heurté à la triste réalité au deuxième tour de l’élection lorsqu’on a constaté que la droite de ces quartiers-là est prête à voter pour les pires bandits pourvu qu’ils tiennent les étrangers à distance)
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et pourtant dans le 11/12, des étrangers ou issus de familles étrangères, il y en a !! et c’est une richesse, mais les français de “souche” définis par le pen doivent être sacrément en minorité !
en parlant de morale, quelques uns s’exaspèrent du rock payan- rubirola, mais la version 12e, ravier-boyer et souvestre, elle n’est pas mal non plus….nos deux aigles précédents, peut être pris par la patrouille, ont disparus en se protégeant ailleurs.
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et si ce que l’on a découvert n’était qu’une partie de la fraude ? même ceux qui doivent rendre la justice ont intégré que cette ville est pourrie et qu’il vaut mieux laisser faire ainsi quitte à en dégouter plus d’un d’aller voter. beurk
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Est ce qu’on connait le profil de l’électorat de Ravier-Boyer dans le 11-12? On pense que c’est la peur d’attraper le COVID qui a retenu la population plus âgée, plus peureuse à la maison, et c’est ce qui explique qu’un mouvement à l’électorat plus jeune globalement l’ait emporté même un peu de justesse. Mais alors pourquoi l’électorat de droite et extreme-droite dans le 11-12 n’a pas eu peur du COVID? Est ce qu’il est plus jeune, par exemple coté extreme droite?
Sur 350 voix d’écart, 50 fraudes c’est beaucoup, même si ces voix ajoutées à celle du candidat PM ne lui permettent toujours pas de gagner. C’était bien tenté de la part des opposants à la liste LR-RN, mais ils auraient dû prendre un meilleur avocat. Il y avait de quoi annuler l’election s’ils avaient mieux préparé leur dossier. Les soupçons de fraude par la partie adverse peut avoir découragé les potentiels votes pour l’alliance PM. Pourquoi sortir voter, si les jeux sont déjà joués? Personne ne croyait que le PM allait gagner la municipalité et les gens avaient peur de sortir à cause du COVID.
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La population dans le 11° parait plus jeune et plus nombreuse que celle du 12°. Il semblerait que certaines cités fournissent des électeurs à la droite.
51 voix contestables ne changent pas l’issue du scrutin.
Annuler le scrutin , c’est remettre en cause l’élection des conseillers métropolitains et cela peut changer le rapport de force à la métropole et aussi à la mairie.
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Candidats foireux de tous le pays, allez-y, ne vous gênez pas, vous ne risquez rien !
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Ce rapporteur public a une curieuse conception de sa charge en envoyant un tel signal : 1) « trichez mais pas vu pas pris »
2) l’altération de l’expression du suffrage est démontrée au travers du système mis en place à l’Ehpad. Le trouble manifeste est démontré.
3) Au point qu’une enquête pénale est en cours
Le conseil d’état va mettre en short ses conclusions si elles sont suivies
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Si c’est pour gagner du temps, pourquoi ne pas imprimer les résultats directement sur les feuilles collées ? On se moque.
La décision est décevante même si elle obéit sans doute à la logique administrative. Celui qui est pris en flagrant délit de triche devrait être purement et simplement disqualifié sans possibilité de se représenter. Si le seul risque pris en volant une.voix est que cette voix ne soit pas comptée, il n’y a plus aucun risque à voler sur le principe du pas vu pas pris
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Sur le rôle du juge de l’élection (qui n’a pas tous les pouvoirs…) :
https://www.conseil-etat.fr/ressources/etudes-publications/dossiers-thematiques/le-juge-administratif-et-le-droit-electoral#1
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