Recapitalisation de la CMA CGM, au fait on en est où ?
C’est assurément le feuilleton économique de l’année. Suspens, rebondissements, rumeurs, manipulations en tout genre : la recapitalisation du 3e armateur mondial, un des premiers employeurs privés de Marseille, a essuyé plusieurs tempêtes, mais semble néanmoins se rapprocher de son port d’arrivée. Quoiqu’avec la CMA CGM, un revirement de dernière minute est toujours possible. Et comme souvent avec l’armateur du quai d’Arenc, il est toujours difficile de faire la part des choses entre la face émergée de l’iceberg – généralement les bonnes nouvelles parfaitement relayées par les communiqués officiels du groupe – et puis ce qui se passe sous la surface, souvent assez profondément et pas forcément dans des eaux bien transparentes. Marsactu vous propose donc un petit état des lieux afin d’essayer de comprendre où on en est.
Un bénéfice qui pourrait largement dépasser le milliard de dollars à la fin de l’année. Cash is back.
Du côté des bonnes nouvelles, figure l’incontestable retournement financier du groupe. Au bord de la faillite à la fin de l’année dernière, ces résultats devraient cette année atteindre des sommets. La direction de la CMA a annoncé début septembre que son résultat net était de 864 millions de dollars au premier semestre et que « la tendance de la fin de l’année s’annonce positive ». Un retournement spectaculaire porté principalement par le retour à une très forte croissante des marchés chinois et asiatiques, et également une très bonne renégociation dans le prix d’achat des navires en commandes, notamment avec les chantiers coréens.
Un nouvel actionnaire turc sur le point d’injecter 500 millions de dollars de cash.
Après Louis-Dreyfus, Bolloré, Appolo Capital, Walter Butler, Albert Frère…. c’est le groupe turc Yildirim qui tiendrait la corde pour rentrer au capital de la CMA à hauteur de 20%, en apportant 500 millions de dollars. Ce qui valoriserait le groupe à 2,5 milliards de dollars, pas si mal pour une société si mal en point l’an dernier, et potentiellement une très bonne affaire pour Yildirim si les résultats continuent sur la lancée de 2010.
Pas la peine de « googliser » ce groupe turc, qui fait plutôt dans la discrétion, à l’image du milieu des armateurs. C’est la lettre d’information financière Wansquare, qui nous apprend que Yildirim Group est » un conglomérat présent dans le négoce de charbon, d’acier, l’engrais, la gestion de ports et le shipping », et qui ajoute que la CMA et Yldirim Group se connaissent bien : » les 2 groupes sont en relation depuis plusieurs années ». Un accord pourrait être signé dans les prochains jours.
L’Etat français via le FSI pourrait lui aussi entrer au capital de l’armateur marseillais
« Nous avons été officiellement saisis il y a plusieurs jours du dossier par la famille Saadé pour un possible co-investissement avec l’investisseur Yildirim » vient de déclarer récemment à Reuters un porte-parole du FSI, le Fonds Stratégique d’Investissements, bras armé de la France dans la prise de participation dans des entreprises jugées « stratégiques ». « Nous y travaillons et reviendrons vers CMA CGM rapidement, dans les prochaines semaines » a ajouté le porte parole, toujours à l’agence de presse Reuters. L’investissement du FSI pourrait être de l’ordre de 200 millions de dollars.
Cet apport d’argent frais, privé et public, ajouté aux nouveaux et substanciels cash-flow tirés de son activité, devrait permettre à Jacques Saadé de faire baisser sa méga dette (estimée à 5 milliards de dollars), de calmer ses banquiers et de payer sans difficultés ses commandes de bateaux en cours. Tout en restant seul maître à bord, avec une large majorité du capital. Bien joué.
Quelques (drôles) de nuages continuent néanmoins d’apparaître sur les écrans radars…. Trafics d’armes et frères ennemis…
Il y a quelques jours plusieurs agences de presse, dont notamment l’AFP, rendaient publique une information indiquant « qu’une cargaison illégale d’armes et de munitions » avait été découverte et saisie dans le port de Lagos, au Nigéria, dans des conteneurs de la CMA CGM, et que le navire l’Everest, appartenant à sa flotte, a transporté depuis Bombay en Inde. Les autorités nigérianes auraient retrouvé des grenades et des lance-roquettes, entre autres. Toujours selon plusieurs sources de presse ces armes viendraient d’Iran, et auraient transités via le port de Bombay. La CMA a immédiatement indiqué, via un communiqué qu’elle « avait été victime d’une fausse déclaration dans le contenu de ces conteneurs ». Si personne ne met en doute la bonne foi de l’armateur marseillais dans cette affaire, ça tombe assez mal, sachant qu’une saisie similaire avait également eu lieu l’an dernier. A cette époque c’est le navire Anl Australia, appartenant à la filiale australienne de la Cma, cette fois, qui avait été intercepté par les Emirats Arabes Unis, avec à son bord des armes venant de Corée du Nord et à destination de l’Iran. Là-aussi la responsabilité de l’armateur n’avait pas été mise en cause, mais ces sujets restent, comme on dit pudiquement dans ces cas là, extrêmement « sensibles », entre business et diplomatie.
Comme disait Chirac, le grand ami de Jacques Saadé » les emmerdes, elles volent généralement en escadrilles », voilà que ressurgit au même moment le conflit qui oppose Jacques Saadé à son frère Johnny. C’est « Le Marin » qui nous apprend que cette lutte fratricide, qui dure depuis maintenant 10 ans, a connu récemment un nouvel épisode marseillais. « Le lundi 25 octobre, devant le tribunal de commerce de Marseille, Johnny – qui a pourtant perdu les 10 combats précédents- réclame, cette fois-ci 126 millions d’euros à son frère ».
En gros nous explique Pierre Graves, le journaliste de l’hebdo spécialisé dans la vie maritime, Johnny estime avoir été floué par son frère lors d’un accord conclu entre eux il y a 10 ans, censé déjà mettre fin à une querelle qui elle remonte depuis l’acquisition de la CGM par la CMA, en 1995. Un accord qui permettait à Jacques de rester seul actionnaire de la CMA et à son frère de conserver des activités familiales au Liban, notamment dans le tourisme et l’immobilier. Johnny ne cesse depuis des années de trainer son frère dans la boue médiatique et dans les tribunaux du monde entier pour tenter de faire annuler cet accord. De son côté Jacques Saadé réclame à Johnny 10 millions d’euros au titre de « dommage et intérêts pour procédure gravement abusive ». La décision du tribunal de commerce de Marseille devant intervenir le 29 novembre prochain. Quoiqu’il arrive ce « Dallas à la marseillaise », comme l’
avait titré Le Point en 2008 ne devrait pas s’arrêter de si tôt.
Groupe Cma Cgm résultats du premier semestre, communiqué officiel du groupe
Le fameux Turc qui discute avec CMA CGM sur Wansquare
Le FSI étudie un co-investissement avec Yldirim, la dépêche de l’agence Reuters
Nigéria : l’expéditeur d’une cargaison illégale d’armes serait iranien, romandie news et l’AFP
L’Australie confirme une saisie d’armes sur un navire parti de Corée du Nord lepoint.fr et l’Afp en août 2009
Frères Saadé, Dallas à Marseille lepoint.fr juillet 2008
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