Comment le rappeur Jul a failli perdre son nom

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le 19 Mai 2016
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Fin avril, le tribunal des référés jugeait un différend entre le rappeur marseillais Jul et un représentant de son ancienne maison de production. En jeu, la propriété de la marque Jul déposée par les deux parties. Le jugement donne raison au rappeur qui pourra continuer à utiliser cette marque pour vendre disques et T-shirts.

Comment le rappeur Jul a failli perdre son nom
Comment le rappeur Jul a failli perdre son nom

Comment le rappeur Jul a failli perdre son nom

Le nom ne vous dit peut-être rien. Pourtant les clips du rappeur marseillais Jul (prononcez Djoul) comptabilisent plusieurs dizaines de millions de vues sur Youtube. Depuis 2013, ses trois premiers albums ont tous été certifiés disques de platine. Le geste des deux mains qui dessinent son nom est connu jusque dans les cours de récré des écoles maternelles. Rattrapage.

Jul est une star du rap français, bien dans son temps, agile sur les réseaux sociaux, viral au moindre geste posté. Et pourtant Jul a bien failli perdre son nom. Dernier avatar des conflits fréquents entre artiste et producteur, il a pris la forme d’un procès en référé ayant pour objet la propriété de la marque Jul. Avec cette procédure, Yahcine Tir, l’actuel gestionnaire de Liga One Industrie, ancien label du chanteur, espérait bien se faire reconnaître comme seul propriétaire des marques “Jul” et “Jul (Saint-Jean de la Puenta)” les deux surnoms sous lesquels le rappeur de Saint-Jean du Désert est connu.

Les deux JUL

Le 19 février dernier, Yahcine Tir a assigné le chanteur devant le tribunal des référés, lui reprochant “le dépôt frauduleux” des deux marques “Jul” et “Jul (Saint-Jean)” les 29 septembre et 2 octobre 2015. Il s’agit pour son conseil, Me Ménya Arab-Tigrine, d’un “trouble manifestement illicite” partant du fait que le gérant de Liga One Industrie a lui-même déposé les marques Jul et Jul (Saint-Jean de la Puenta) les 8 et 14 septembre de la même année. L’enjeu est d’importance : le propriétaire de la marque Jul peut espérer profiter du fruit de la popularité du jeune homme notamment par la vente de produits dérivés associés à son nom. Depuis la dématérialisation de la musique et l’avènement d’internet, les revenus des artistes sont plus souvent liés aux concerts et à la vente de produits dérivés sous des marques appartenant aux rappeurs eux-mêmes. Les clips de Jul commencent ainsi par une mention “retrouvez les T-shirts sur Doretdeplatine.com”, sa boutique, prouvant ainsi l’importance commerciale de ses produits.

Selon les attendus du jugement que nous avons pu consulter, le plaignant Yahcine Tir a été débouté de ses demandes et s’est vu interdire l’usage des marques concernées. Il a été condamné à verser la somme de 5000 euros au titre de provision sur les préjudices subis, 2000 pour les frais de justice et 1000 euros par infraction constatée.

Connu sous ce nom depuis 2010

“C’est normal que je ne le connaisse pas ?”, s’interrogeait à mots couverts, le président Vignon, lors de l’audience du 18 avril. Si le magistrat avouait ainsi sa connaissance parcellaire de la culture hip-hop locale, ses attendus sont sans équivoque sur sa maîtrise de la chronologie du différend qui oppose les deux hommes. Ainsi souligne-t-il, il “est établi que monsieur Julien Mari est connu sous le nom de Jul depuis plusieurs années”. “Il suit en cela mon mémoire en défense, constate l’avocate de Jul, Carine Nahon. Les premiers clips postés sur Youtube sous ce nom datent de 2010″. Les attendus soulignent également que les dépôts effectués par Yahcine Tir auprès de l’INPI l’ont été “postérieurement à la rupture du contrat d’enregistrement exclusif convenu entre Julien Mari dit Jul et la société Liga One Industrie le 5 février 2015”.

En effet, cette histoire de marques est la dernière péripétie d’une rupture qui a alimenté durant des mois la blogosphère hip-hop et les réseaux sociaux des intéressés. Natif du 5e arrondissement, Jul a été lancé dans le grand bain musical par Karim Tir, son manager et ami. Ce natif de Font-Vert (14e) s’était éloigné des quartiers Nord pour poursuivre l’aventure discographique à Paris. En juin 2013, il a péri sous les balles d’un règlement de comptes, à Asnières. Lointain épisode d’une guerre des clans qui secoue régulièrement les cités du grand Saint-Barthélémy.

Clash sur les réseaux

Depuis ce décès, l’entreprise fondée la même année et son catalogue d’artistes ont été repris par d’autres membres de la famille Tir, dont Yahcine, présenté comme le gérant principal de Liga One Industrie. A l’époque, Jul en est sans conteste le plus sûr joyau. Jusqu’à ce que le chanteur annonce lui-même sa rupture avec le label en juin 2015 sur son compte Facebook de son orthographe imprécise : “Léquipe je vous annonce une nouvelle, la Liga one cest terminer pour moi je vais continuer tout seul ‪#‎Jul‬“.

En août, l’affaire rebondit sur Youtube, le label de Jul interdisant à ce dernier de poster sur le réseau social en août 2015 jusqu’au règlement de leur différend commercial. L’affaire a fini par s’aplanir en septembre et les deux parties signent un communiqué commun le 9 septembre :

Les deux parties annoncent poursuivre chacune leur route mais, dans le même mois, Yahcine Tir dépose en son nom propre donc les marques associées au chanteur. Puis, quelques mois plus tard, il assigne Jul pour avoir fait de même. Le tribunal a estimé que ce dépôt de marque revêtait “un caractère fautif et préjudiciable évident envers M. Julien Mari”. L’avocate de Yahcine Tir n’a pas souhaité faire de commentaire avant d’avoir reçu le jugement complet. Elle ne peut donc dire si son client souhaite faire appel. En tout cas, ce dernier a déposé toujours en octobre une autre marque “Jul d’or et de platine”, qui reprend curieusement le nom du nouveau label que le rappeur a fondé.

Et il n’est pas le seul a être inspiré par le rappeur marseillais : un designer natif d’Arnouville-les-Gonesses (95) a également déposé la marque Jul, le 26 février, cette fois-ci associée à un hologramme et au signe des deux mains bien connu dans les cours de récré. Par sûr que Julien Mari ait été consulté.

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Commentaires

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  1. barbapapa barbapapa

    Attention à l’orthographe imprécise très Quartiers Nord :
    “qui reprend curieusement le nom du nouveau label que le rappeur [à fonder]” !!!???

    A part ça, c’est fouillé et très intéressant, merci

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    • Lisa Castelly Lisa Castelly

      Ouille la faute ! C’est corrigé, merci.

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    • Benjamin Tubiana Benjamin Tubiana

      « l’orthographe imprécise très Quartiers Nord »
      zut, je me suis trompé : je ne pensais pas être sur le site du Figaro…

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  2. Michéa Michéa

    JUL et VICTOR HUGO, MÊME COMBAT : Je trouve les paroles de la chanson “en Y” spirituelles et bien tournées, même si je ne comprends pas tout. Elle me font penser à un célèbre texte de Victor Hugo à propos de cette lettre : ” Avez-vous remarqué combien l’Y est une lettre pittoresque qui a des significations sans nombre ? – L’arbre est un Y ; l’embranchement de deux routes est un Y ; le confluent de deux rivières est un Y ; une tête d’âne ou de bœuf est un Y ; un verre sur son pied est un Y ; un lys sur sa tige est un Y ; un suppliant qui lève les bras au ciel est un Y.” Ce qui donne chez le rappeur : En Y, en Y, en Y, en Y / En Y, en Y, en Y, en Y /KX en Y, T-Max en Y /P’tit Stunt en Y, Runner en Y /KX en Y, T-Max en Y / P’tit Stunt en Y, Runner en Y /En Y, en-en Y, en Y, en-en Y / En Y, en Y. Evidemment, c’est plus expéditif !

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  3. Blaah Blaah

    Le principal enseignement de tout ceci, c’est qu’on prononce Djoul. J’ai toujours cru qu’on disait “Jules”. Faut croire que je n’en avais pas assez entendu parler (ou que je suis vieux, ce qui n’est pas à exclure).

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  4. VitroPhil VitroPhil

    Bel article et un jugement de bon sens.

    Si le juge tout comme moi ignorait la notoriété de JUL, il a pu se souvenir de PRINCE.

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