Racisme assumé à la Pointe-Rouge : un procès pour l’exemple
L'ex-président du club de voile Christian Tommasini comparaît ce vendredi pour provocation à la haine raciale devant le tribunal judiciaire de Marseille. Lors d'un conseil portuaire de la Pointe-Rouge, il avait prononcé : "Je serai le premier à aller faire de la ratonnade". Des propos qu'il a tenté de minimiser durant l'enquête.
Tribunal judiciaire de Marseille. Photo : Violette Artaud
[Actualisation : Trois mois de prison avec sursis et 3000 euros d’amende ont été requis par le parquet de Marseille à l’encontre de Christian Tommasini]
Pas moins de six associations attendent ce vendredi Christian Tommasini au tribunal judiciaire de Marseille depuis le banc des parties civiles. L’ancien président du Yachting club de la Pointe-Rouge comparaît pour provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes. La présence de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), de SOS racisme, de Confluences, la Ligue des droits de l’homme (LDH), du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) et de la coordination contre le racisme et l’islamophobie (CRI)* témoigne de l’émoi suscité par les propos du dirigeant associatif lors d’une séance du conseil portuaire de la Pointe-Rouge. Leur révélation par Marsactu, appuyée par un enregistrement audio, avait montré l’étendue raciste de son discours sur fond de conflit d’usages sur le port.
Ce 22 février, le patron de l’YCPR s’était lancé dans une saillie contre “les arabes”, “les mouquères”, “les melons”. “Ils profitent de la demi-heure de parking gratuite… en plus, que des melons, que des Arabes. Pas un blond, un blanc, un qui est bien comme il faut, non, que des Arabes”, assurait-il. Il ajoutait : “Je m’en fous ! Le jour où il faudra s’armer, je serai le premier à aller faire de la ratonnade”. D’autres propos traduisaient enfin son état d’esprit : “Ils sont en dehors de notre façon de vivre. Alors oui, je suis raciste.”
L’enquête du parquet de Marseille a été menée rapidement et ouverte dès la publication de notre article. La procureure de la République avait été sollicitée en ce sens par deux députées de la majorité présidentielle, Alexandra Louis et Cathy Racon-Bouzon. La déléguée interministérielle à la lutte contre le racisme Sophie Elizéon a fait de même.
Tommasini dit avoir ignoré le sens du mot “ratonnade”
Les investigations se sont résumées à recueillir quelques éléments documentaires et à convoquer Christian Tommasini pour qu’il s’explique sur les propos qu’il a tenus. Entendu en audition libre, le responsable associatif a cherché à minimiser la portée de ses propos tout en les regrettant. “Je reconnais que les mots que j’ai utilisés sont forts et je regrette de les avoir dits sous le coup de la colère”, indique-t-il à plusieurs reprises à l’officier de police judiciaire de la sûreté départementale qui l’interroge.
Point par point, déclaration par déclaration, les policiers incitent Christian Tommasini à commenter ses propos. Il est notamment question de sa promesse d’être “le premier pour la ratonnade”, certainement l’élément le plus choquant de son discours. “Il est vrai que j’ai pu employer le terme “ratonnade” mais je vous avoue que je ne connaissais pas exactement la définition du mot. Quand j’ai pu me renseigner, je me suis aperçu que c’était un mot abominable.” Interrogé par Marsactu, son avocat Jean Boudot assure :“Il me dit “Moi j’ai toujours vécu à la Cayolle et quand on allait se taper avec les gars du quartier d’à-côté, on appelait ça une ratonnade.” Il regrette ce qu’il a dit et terriblement ce mot-là.” Il assure que son client a découvert quelques jours plus tard dans la presse les crimes racistes commis à Marseille en 1973.
Son “ami musulman”
Pour sa défense, il assure que ses états de service plaident pour lui : “Cela fait vingt ans que je suis président de club et je n’ai jamais refusé une adhésion sous prétexte de son nom, sa religion ou de sa race”. Mais il multiplie aussi les maladresses en évoquant ses “amis boulistes qui sont musulmans“. Dès le début de son audition, il évoque “un ami musulman avec qui je vais manger dans les restaurants hallal. Il m’est arrivé également de le laisser aller faire sa prière en pleine partie de boules”.
Sur les raisons qui l’auraient poussé à exprimer les propos incriminés, il note le contexte et la proximité avec ses interlocuteurs. “Lors de cette réunion, nous nous connaissions tous entre nous sauf la personne de la mairie. Ils savent que je suis impulsif mais bien évidemment, il n’y aurait jamais eu de suite aux propos que j’ai pu tenir et que, surtout, je ne les incite aucunement à un passage à l’acte.” Les politiques présents, le maire de Saint-Victoret Claude Piccirillo, le vice-président de la métropole Didier Réault et l’adjointe au maire Sophie Roques n’avaient d’ailleurs pas condamné ses propos lors de la réunion.
Le PV de la réunion a été édulcoré
Sans la révélation d’un enregistrement des échanges par Marsactu, tout porte à croire que ces propos n’auraient jamais été dénoncés et encore moins jugés. Récupéré par les enquêteurs, le compte-rendu des services de la métropole ne reprend en effet aucun des propos racistes tenus par Christian Tommasini. Son discours apparaît largement édulcoré et ce, malgré son insistance à les voir figurer au procès-verbal.
Ce vendredi, Christian Tommasini devra donc une nouvelle fois s’expliquer. Avec son avocat, ils entendent remettre en cause le caractère public des propos tenus. Ils estiment en effet qu’en l’absence du public et de la non-diffusion des compte-rendus, ils revêtent un caractère privé. Dans ce cas, l’affaire ne relèverait plus que du tribunal de police et Christian Tommasini, qui reste administrateur de l’YCPR, ne risquerait alors qu’une simple amende.
*Comme l’a indiqué en commentaire “Happy”, la CRI a fait cette semaine l’objet d’une dissolution en conseil des ministres le 20 octobre. Ses actions auraient alimenté “un soupçon permanent de persécution de nature à attiser la haine” en France selon le ministre de l’Intérieur.
Commentaires
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Ah ben s’il a un ami musulmen…
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Musulman*
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La révélation par marsactu puis l’action en justice par des associations sont absolument salutaires, dernier maigre rempart contre la normalisation de la haine et l’appel à la violence contre une minorité de notre population. Dans ce contexte, comment ne pas signaler (voir info mediapart.fr cette semaine) qu’une des associations parties civiles vient d’être dissoute par Darmanin, au motif, librement apprécié par un ministre en campagne, que dénoncer systématiquement la haine de l’islam reviendrait à propager la haine de la République ! Les atteintes aux libertés et la stigmatisation d’un prétendu “ennemi de l’intérieur” sont bien plus inquiétantes, venant d’un ministre que d’un médiocre président de Club, d’autant plus dans l’indifférence où la grande confusion des principes.
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C’est laquelle?
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Il s’agit du Cri. Je l’ajoute en effet
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Pour une fois, je ne suis pas d’accord avec votre ligne.
Vous vous acharnez sur ce personnage que tout le monde connaît comme étant une “grande gueule” et en minimisant les vrais problèmes à l’origine de cet “incident” : ce que vous appelez très pudiquement le “conflit d’usages sur le port”.
Le port de la Pointe Rouge (et je pense que ce n’est pas le seul) fait l’objet d’importants problèmes d’incivilité et de délinquance.
La cause est connue : l’argent de la drogue se retrouve aujourd’hui dans les activités de locations d’engins nautiques pour être blanchi. Les mauvaises pratiques se diffusent comme la spoliation de l’espace publique au profit de certains acteurs de cette économie. Certains personnages n’hésitent pas “privatiser” les mises à l’eau publiques. On pourrait aussi ajouter les incendies à répétition dans les parcs à bateau pour « faire de la place ».
Tout cela sans aucune intervention des forces publiques même lorsqu’elles en sont informées.
Je ne cherche pas à excuser les propos qui ont été tenus et qui ne sont pas acceptables de la part d’un responsable associatif mais en ne parlant que ce ça, vous gommez les vrais problèmes qui sont des problèmes de société.
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la mise à l’eau est déjà privatisée, pardon fait l’objet d’une délégation, au profit de l’YCPR
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Ca c’est la solution qu’à trouvé la métropole pour se débarrasser du problème et de l’entretien.
Les mises à l’eau sont accessibles gratuitement sauf quand elles ne sont pas bloquées par certains individus.
Votre commentaire est bien loin des sujets abordés.
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Je partage votre avis. je précise que moi aussi, je suis rétif à toute idée raciste. Mais plutôt que de crier haro sur des propos malheureux, on ferait bien de s’intéresser au phénomène de fond en effet : il semble qu’il y a des comportements inciviques sur cette mise à l’eau, voire prédateurs, et que la police n’a pas pu y mettre fin. C’est ça, le vrai sujet. Espérons que l’été prochain il y aura assez de médiateurs, d’animateurs et de policiers pour garantir la tranquillité pour tous, quelle soit sa “couleur”.
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Et bien non, le problème de fond c’est le racisme décomplexé qui déferle, ce reflexe devenu presque normal d’identifier un groupe problématique par l’origine de ses membres. Les conflits d’usage du port sont à régler sans aucun doute, en commencant par éviter toute essentialisation.
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à DAVID BOTTON mon commentaire porte sur votre phrase ” Certains personnages n’hésitent pas “privatiser” les mises à l’eau publiques”je précise donc certaines personnes dont la Métropole
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Je suis bien d’accord avec vous sur ce sujet.
Je trouve inconcevable de limiter l’accès à ce type d’équipement qui constituent un bien public.
Malheureusement sur tout le littoral méditerranéen il n’y plus beaucoup d’accès ouvert.
Et bien entendu, la privatisation dont je parlais n’a rien d’officielle c’est plutôt une main mise sur ces équipements par des individus peu recommandables.
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Entre amoureux de la mer. Si les propriétaires de pointus pouvaient laisser un peu de place aux propriétaires de felouques, il y auraient peut-être un peu moins d’incendies.
Hach tag accommodements raisonnables.
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