Qui va régler la "surchauffe budgétaire" de MP 2013 ?

Qui va régler la "surchauffe budgétaire" de MP 2013 ?

A la mi-octobre, la fréquentation de l'année capitale s'élève à 7,3 millions de visiteurs. Un mois plus tôt, le président de Marseille-Provence 2013 Jacques Pfister avait estimé, non sans récolter quelques réactions dubitatives, que le chiffre s'élèverait à 10 millions. Ce résultat encourageant devait constituer hier matin la bonne nouvelle du conseil d'administration de l'association, même s'il englobe goulûment le million d'entrées du Pavillon M. De quoi peut-être inciter les principaux partenaires réunis autour de la table à remettre au pot pour combler la "surchauffe budgétaire" de 3,1 millions d'euros, selon le terme employé par Jacques Pfister dans la lettre adressée à toutes les collectivités.

D'ores et déjà, l'Etat et la ville de Marseille ont annoncé qu'ils verseraient environ chacun 644 000 euros. Le conseil communautaire de MPM, repoussé à cause de l'altercation de vendredi dernier doit voter le versement d'une subvention de 319 300 euros ce jeudi. La région et le département devraient suivre. "Le problème, estime Michel Pezet, conseiller général délégué à la culture, c'est que nous ne sommes pas parvenus à décider qui paierait en premier".

"L'angoisse de la métropole"

L'unanimité est encore loin d'être acquise. Ainsi les communes d'Arles et Aix réservent toujours leur réponse. "Nous n'avons pas encore décidé. Derrière tout cela figure clairement l'angoisse de la métropole. Demain, si nous sommes une métropole, on ne paiera pas dans le cas où la gestion est mauvaise", explique Sophie Joissains, adjointe à la culture d'Aix qui s'accorde un délai de réflexion et attend d'avoir rencontré les auditeurs de l'association avant de se prononcer. En effet, dès l'annonce du déficit, un audit des comptes de Marseille-Provence 2013 a été lancé pour essayer d'évaluer les économies possibles.

Loin de l'objectivité des comptes, la création de la future métropole apparaît en filigrane dans les discussions en cours au sein du CA de MP 2013. La capitale culturelle est le premier projet à caractère métropolitain, sans s'appuyer sur une institution ad hoc. L'association est donc le petit parlement où les clivages autour de la métropole ressurgissent autour d'un enjeu symbolique. Ainsi les communes de Martigues, Istres, Salon, Gardanne et Aubagne ont déjà répondu qu'elles ne verseraient pas de rallonge, provoquant un manque à gagner estimé de 100 000 euros pour l'association. Mis à part le maire d'Istres, les autres édiles affichent tous leur opposition à la métropole. C'est davantage sur le principe que pour la somme réclamée (entre 15 000 euros et 65 100 euros) que les communes ont refusé de s'impliquer de nouveau.

Interrogé il y a quelques jours par La Provence (édition abonnés), René Giorgetti, conseiller communautaire de l'agglomération du Pays de Martigues lançait : "Mais pourquoi paierait-on pour ce qui ne s'est pas passé chez nous ?". Une position quelque peu paradoxale quand on sait que le pays martégal a accueilli une exposition consacrée à Raoul Dufy et la nuit industrielle qui mettait en valeur, le temps d'un week-end, le patrimoine des usines de la zone. Mais leur peu d'appétit à payer prend également sa source dans les principales causes du déficit de 3 millions, directement liées à des erreurs d'aiguillage ou d'estimation pour des évènements très marseillais.

Erreurs d'aiguillage

Ainsi le week-end d'ouverture a entraîné des surcoûts importants de l'ordre 620 000 euros. Jean-François Chougnet l'explique par "l'angoisse d'un manque artistique" qui s'est traduite par un rajout de prestations à la dernière minute – avec une rallonge pour la vague de lumière (un peu ratée) de près de 169 000 euros. En cause également, le budget du protocole prévu pour la visite de François Hollande, annulée à la dernière minute pour cause de guerre au Mali, et une rallonge accordée pour la communication (près de 100 000 euros). "Nous avons répondu à la demande des médias qui nous reprochaient ce manque", ajoute le directeur. Des dépassements qui correspondent à ceux détaillés dans l'audit des comptes de l'association, dont nous nous sommes procurés une copie. Le week-end d'inauguration à Aix a également dépassé le budget initial tandis qu'à Arles, il est resté inchangé.

Mais le coup d'envoi n'est pas seul en cause. La Transhumance qui, pour le coup, a traversé de nombreuses communes du département (sous une pluie battante) figure également dans le collimateur comme "une opération d'une complexité sans équivalent qui a engendré un surcoût estimé de plus de 1 million d'euros" pour un budget déjà conséquent de 3,7 millions d'euros. Là encore, les causes restent nombreuses : des frais de vétérinaire supplémentaires, des annulations d'événements en raison des intempéries, une surestimation des recettes budgétées sur les randonnées équestres et "un fonds Feder européen sur lequel nous comptions et que nous n'avons finalement pas obtenu", regrette Jean-François Chougnet.

Trop de gratuité se paie

L'exposition Méditerranée, au J1, "a rencontré un indéniable succès (112 000 visiteurs individuels)", indique l'audit des comptes de MP 2013. Mais elle a également enregistré des recettes inférieures aux prévisions de l'association avec une moins-value estimée à 917 000 euros. En plus d'une fréquentation légèrement plus faible que prévue, s'ajoute le nombre important de réductions – voire de gratuité – appliquées à l'entrée (jeunes, scolaires, contreparties mécénat, etc…). Au final, "l'entrée moyenne s'établissent à 3,5 euros contre 5,75 prévus". "Finalement c'est une bonne raison, vous voyez, il n'y avait pas que le Cercle des nageurs à bénéficier d'un tarif réduit", ironise le directeur de l'association en référence à un article paru sur Marsactu.

L'expo phare de l'année, le Grand atelier du Midi, alors qu'il présentait initialement une moins-value de 2,4 millions d'euros de recettes, bénéficie d'un sursaut de fréquentation en septembre et "un budget de transport moins élevé que prévu" selon le directeur de MP2013. Le trou devrait être ramené à 1,7 million d'euros environ, dont la part revenant à MP2013 serait par conséquent réduite à 0,7 million de moins-value. Il reste que les objectifs ont été  surestimés avec 600 000 spectateurs prévus sur les deux sites d'exposition contre 462 000 en réalité.

Côté financement, le mécénat est court de 503 000 euros. Même si "le montant global du mécénat parrainage dépasse largement les 15 millions escomptés", notent les auditeurs, l'association a peut-être surestimé "les apports en nature et en ingénierie des entreprises". Heureusement, "ce déficit laissé par les mécènes a été comblé par l'apport de Bouygues", précise Jean-François Chougnet. On ne sait si cet apport correspond à son statut de partenaire "grand projet" ou s'il est intervenu via le fonds de dotation "Arts 2013-2020" initié par la municipalité.

Sans surprise, s'il y a un point financier sur lequel les partenaires sont d'accord c'est sur la liquidation de l'association, prévue de longue date pour un budget estimé à 1,2 millions d'euros. Cette somme correspond au paiement du commissariat des comptes, aux derniers salaires et primes de départ, à l'édition d'un livre bilan et d'un rapport à destination de l'Union européenne. Contacté par nos soins, le fonctionnaire de la commission en charge du suivi des capitales européennes de la culture est resté très évasif sur le contrôle effectué par les institutions européennes. "Une fois que nous avons versé notre part de financement, nous n'intervenons plus mis à part pour vérifier que la programmation reste fidèle aux engagements et présente une dimension européenne", indique-t-il. Pourtant la commissaire en charge de la culture, Androulla Vassiliou, devrait poser directement la question financière à l'occasion d'un tête-à-tête avec Jacques Pfister prévu lors de sa visite privée, le 6 novembre prochain. 

La délibération qui doit être votée par le conseil communautaire de MPM jeudi :