Quatre policiers mis en examen pour l’agression de Hedi, visé à la tête par un LBD

Actualité
le 21 Juil 2023
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Quatre policiers ont été mis en examen jeudi soir à Marseille. Ils sont soupçonnés d'avoir agressé un jeune homme, visé par un flashball puis roué de coups, à l'écart des émeutes. L'un d'eux a été placé en détention provisoire.

Rassemblement le 30 juin sur la Canebière après la mort de Nahel. (Photo : Emilio Guzman)
Rassemblement le 30 juin sur la Canebière après la mort de Nahel. (Photo : Emilio Guzman)

Rassemblement le 30 juin sur la Canebière après la mort de Nahel. (Photo : Emilio Guzman)

Dans la nuit du 1er au 2 juillet, alors que le centre-ville de Marseille s’embrase, Hedi est “laissé pour mort” dans une ruelle sombre près du boulevard Baille, la tête en sang. Ce jeudi, quatre policiers ont été mis en examen pour “violences en réunion par personnes dépositaires de l’autorité publique”. Tous sont membres des équipes de la Bac centre ou de la Bac sud. Fait rarissime, l’un d’eux a été placé en détention provisoire à Luynes. Les trois autres sont placés sont contrôle judiciaire.

Ces mises en examen se font dans le cadre de l’information judiciaire ouverte le 5 juillet par le parquet de Marseille, diligentée par la police judiciaire et l’inspection générale de la police nationale. Rarement une enquête de l’IGPN, la police des polices, n’aura avancé si vite à Marseille. Il faut dire que les faits reprochés sont d’une extrême gravité. Selon notre partenaire Mediapart, les médecins ont octroyé 60 jours d’ITT (incapacité totale de travail) à la jeune victime. À l’hôpital, on lui a diagnostiqué un “traumatisme crânien grave sur shoot de flash-ball”.

Hedi livre son témoignage d’abord à La Provence, le 10 juillet. Chez nos confrères, il explique que ce samedi 1er juillet, il n’avait pas pris part aux attroupements en centre-ville. Le jeune homme travaille dans l’hôtellerie-restauration à Meyrargues et avait fini son service vers 1 h 30. En arrivant à Marseille avec un ami, il décide de suivre l’hélicoptère de la gendarmerie déployé ce soir-là. Jusqu’à cette rue mal éclairée, presque au bout du cours Lieutaud où les deux hommes croisent la route de “quatre ou cinq” policiers, armés et en civil.

Les amis font demi-tour en courant mais Hedi s’effondre : il vient d’être touché à la tête par un tir de flashball. La scène ne s’arrête pas là. La victime affirme avoir été trainée au sol. Suivent des “coups de pied, de poing et de matraque”. Puis les policiers s’en vont. Et laissent Hedi ici, gisant au sol. C’est un épicier du quartier qui l’emmènera à l’hôpital, où il sera plongé dans le coma, avec un pronostic vital engagé.

Des collègues solidaires

Dès sa première prise de parole, le jeune homme identifie ses agresseurs comme des policiers de la Bac. Il ne faut attendre que quelques jours après son témoignage pour que la procédure lui donne raison. Mardi 18 juillet, huit fonctionnaires sont placés en garde-à-vue. On trouve parmi eux une officière, précise une source à Marsactu, confirmant une information de La Provence. Cette dernière repart libre, comme trois autres fonctionnaires. Ce jeudi, l’étau se resserre sur quatre policiers. En fin de matinée, le parquet annonce leur présentation devant le juge d’instruction et requiert leur détention provisoire.

Malgré la gravité des faits, ces quatre suspects peuvent compter sur le soutien de leurs collègues. Devant la préfecture de police, siège de l’IGPN, les mis en cause sortent de garde-à-vue acclamés par leurs pairs. “On ne vous lâche pas !”, lance l’un d’eux. Le véhicule s’élance vers le tribunal, direction le bureau du juge. Et là encore, une quarantaine de fonctionnaires sont présents, éparpillés en petits groupes. Certains sont membres, comme plusieurs mis en cause du dossier, du syndicat Alliance. Sur place, un policier porteur d’une arme de poing à la ceinture se montre hostile envers nous : “Vous êtes un peu chiante, vous. On n’a pas besoin de journalistes, circulez !”

Les auditions des quatre policiers se seront étendues jusque dans la nuit. À l’heure où nous écrivons ces lignes, ce mouvement de soutien spontané n’a pas été suivi de prise de parole de la part des syndicats policiers de la ville. Mais une cagnotte de soutien à été ouverte, selon Le Parisien.

Sur la trace d’éléments de preuves

L’histoire de Hedi ressemble tragiquement à celle d’une autre agression policière, survenue il y a un peu plus de quatre ans tôt à Marseille. Le 8 décembre 2018, en marge d’une manifestation des gilets jaunes à laquelle elle n’avait pas participé, Angelina, connue d’abord sous le prénom d’emprunt de Maria, est prise à partie par des policiers casqués. Victime d’un tir dans la jambe, elle est ensuite rouée de coups à la tête. Elle souffre toujours des séquelles d’un traumatisme crânien. La scène a été filmée par des voisins. Mais les fonctionnaires n’ont toujours pas été identifiés. Après deux ordonnances de non-lieu, l’enquête vient juste d’être relancée.

Dans l’affaire de Hedi, la rapidité de la procédure laisse penser qu’il existe un ou plusieurs éléments solides permettant d’identifier les agresseurs. Mais lesquels ? À notre connaissance, aucune vidéo amateur n’a été diffusée pour l’heure. Les enquêteurs doivent en revanche disposer des caméras de la ville ainsi que des procès-verbaux établis au milieu du chaos de cette nuit du 1er juillet. La lecture de ces derniers permet parfois de recomposer les équipages à l’œuvre. Même si, comme l’explique une source policière, “le propre de la Bac, c’est d’être volatile, donc difficile à tracer”.

Contacté, l’avocat des policiers n’a pas souhaité s’exprimer, préférant “se concentrer sur la défense de [ses] clients.” L’avocat de la famille de Hedi, Jacques-Antoine Preziosi, estime que “les faits tels qu’ils sont rapportés sont odieux et indignes de la police.” Il ajoute que la scène d’applaudissements devant le siège de l’IGPN “est plus odieuse encore” et “dénigre la profession”. Leila, la mère de Hedi, exprime par téléphone son émoi et se dit “bouleversée” par ces images. Elle conclut : “mais on a confiance en la justice, c’est le plus important”.

Dans cette même nuit du 1er au 2 juillet, et à quelques dizaines de mètres seulement de l’agression de Hedi, un homme est mort d’un tir “probable” de flashball, avance le parquet de Marseille. Mohamed B., père de famille de 27 ans, s’est effondré d’une crise cardiaque après avoir été touché à la poitrine. À ce stade, dans cette autre affaire, aucune mise en examen n’a eu lieu.

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Commentaires

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  1. Pitxitxi Pitxitxi

    Tout va bien. Tout va très bien. Laissons faire ainsi. Et continuons à les “soutenir” sans aucune forme de remise en question. C’est une institution saine, républicaine et exemplaire. On en a encore un parfait exemple sous les yeux.

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  2. Andre Andre

    Ces policiers qui ont manifesté leur soutien à leurs collègues mis en examen sont non seulement irresponsables et ne rendent pas service à leur corps, compte tenu de la gravité des faits, mais en plus ne respectent pas leur devoir de réserve. Ils devraient tous être mis à pied.

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  3. Fabienne Fabienne

    Comment est il possible de soutenir publiquement l’acte de tabassé puis laisser pour mort une personne. Au moins l’esprit des dirigeant de la bac emerge en publique. Peut etre c’est pour le mieux sur le long terme.

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  4. printemps ete 2020 printemps ete 2020

    Ce qui se passe dans ce pays est d’une tristesse absolue,
    L’état de Droit n’existe plus dans mon pays !
    Mediapart va me censurer ?
    AUCUNE confiance en Mr Plenel, il touche de l’argent du gouvernement,
    Marsactu va être pollué ( à suivre ) ,
    Une âme ça ne se vend pas !

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    • Alceste. Alceste.

      Si l’Etat de Droit n’existe plus , comment se fait t’il que ces quatre policiers soient inculpés ?.

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  5. ZooMental ZooMental

    Ce pays a besoin d’une police républicaine irréprochable mais certainement pas d’une bande de nervis violents et racistes. L ‘absence de réaction du ministre de l’intérieur est pitoyable et nous fait supposer que rien ne va changer. Heureusement il reste des juges impartiaux qui font leur travail.

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