Projet immobilier à la Madrague-de-Montredon : le promoteur contraint de revoir sa copie

Décryptage
le 7 Déc 2022
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Les conclusions de l'enquête publique concernant le projet immobilier sur la friche industrielle Legré-Mante viennent d'être rendues. L'avis est positif mais assorti d'importantes réserves. La suppression d'un bâtiment entier ou la création d'une zone sans voiture dans le quartier sont recommandées.

Le promoteur va devoir dépolluer tout le site industriel avant de lancer son projet immobilier. (Photo : VA)
Le promoteur va devoir dépolluer tout le site industriel avant de lancer son projet immobilier. (Photo : VA)

Le promoteur va devoir dépolluer tout le site industriel avant de lancer son projet immobilier. (Photo : VA)

Pour Ginkgo, le projet était quasi plié. Les conclusions de l’enquête publique, préalable à l’obtention du permis de construire, semblent rebattre les cartes. “L’avis est positif”, répète pour cacher son énervement le porte-parole du promoteur. Spécialisé dans la dépollution de terrain industriel, ce fond d’investissement suisse est censé construire sur l’ancienne usine Legré Mante, à la Madrague de Montredon (8e), un important programme immobilier. Il vient tout juste d’obtenir un avis favorable de la commission d’enquête… assorti d’importantes réserves.

Des points noirs qui sont au nombre de 17. Mais l’un d’entre eux, particulièrement, risque de déstabiliser l’avancée du projet. “La commission constate que le bâtiment G, n’est pas acceptable”, tranche le document de synthèse désormais en ligne. Problématiques liées à la circulation, à l’accessibilité des secours, à la pollution “de fond”, à la compatibilité avec les équipements prévus mais aussi à l’impact sur la faune… Pour les trois commissaires enquêteurs, Gingko doit revoir la densité d’habitations à la baisse et, pour ce faire, sacrifier un bâtiment entier.

“Ce bâtiment est une excroissance”

Le G donc, compte tenu de situation géographique (voir image ci-dessous). “Ce bâtiment G est une excroissance dans l’ensemble paysager du projet”, cingle la commission, par ailleurs louangeuse sur l’équilibre architectural proposé. Situé en surplomb des autres constructions et des bâtiments existants, il empiète sur une zone de ruissellement des eaux de pluie et se situe à proximité d’une zone forestière, ce qui pose de sérieuses questions en termes de risque incendie.

Capture d’image d’un document de référence du projet présenté sur le site 195lacalanque.fr. Le bâtiment G est entouré en vert.

“S’il n’y a pas ce bâtiment, il n’y a plus de modèle économique, et il n’y a pas de projet”, répond Ginkgo qui espère trouver des “compromis intelligents”. En tout, 16 logements étaient prévus dans cet immeuble, sur un projet qui en compte 353, ainsi qu’une résidence seniors, une résidence de tourisme et des commerces.

Cette demande n’est pas la seule susceptible de peser sur l’économie du programme. Outre une demande d’application des normes les plus récentes pour ce qui est de la performance énergétique, la commission d’enquête s’est penchée sur la pollution qui sera engendrée par le chantier. Au total, 90 observations font état d’une crainte au sujet de “l’impact des poussières polluées sur la santé humaine pendant la phase travaux“. Soit 41 % des observations totales. À partir de quelle vitesse du vent les travaux doivent-ils s’arrêter ? Là-dessus encore, le porteur de projet doit revoir sa copie. La population qui a pris part à l’enquête publique semble souhaiter un confinement général des travaux. La commission demande a minima à l’opérateur de refaire des études.

Une “zone à trafic limité” ?

Les conclusions de l’enquête publique ne s’adressent toutefois pas qu’au promoteur. “En tout, il y a 17 réserves, 5 ne sont pas de notre fait”, tient à préciser le porte-parole de Ginkgo. En effet, certaines relèvent de la responsabilité des pouvoirs publics. À commencer par la mairie de Marseille. La commission demande, entre autres, “au maître d’ouvrage et à la Ville l’étude et la mise en œuvre d’une zone à trafic limité pour la desserte des villages de la Madrague et de Montredon.” En d’autres termes, de mettre en place une zone où seuls les résidents, hors exceptions, pourront circuler en voiture. “Cette mesure de compensation est la seule qui puisse concilier à la fois la réalisation de la réhabilitation de la friche Legré-Mante tout en offrant des conditions d’accès acceptables aux populations riveraines de ce projet”, écrit encore le rapporteur.

Le débat, déjà passionné, sur ce programme immobilier, rebondit ainsi à celui de la fermeture de la route des Goudes, touchée par un bouchon chronique dès les beaux jours. Qu’en dit la Ville, destinataire final de cette réserve ? “Nous l’avions envisagé, mais avant de mettre cela en place il faut des parkings de délestage, des travaux de voirie”, commente Christine Juste (EELV), adjointe au maire déléguée à l’environnement, dans une tentative de renvoi vers la métropole.

Une négociation à mener rapidement

Il ne faudrait pas que l’on se retrouve avec un projet abandonné et un terrain pollué sur les bras.

Christine Juste, adjointe au maire déléguée à l’environnement

Ce cahier des charges précis fournit en tout cas de nouveaux arguments à la Ville de Marseille, compétente pour délivrer l’autorisation finale, dans les négociations avec Ginkgo. Après une décennie d’études et de rebondissements politiques et juridiques, la majorité municipale a publié un communiqué dans lequel elle indique “prendre note, avec attention, de ces réserves et engage d’ores et déjà les porteurs du projet à apporter rapidement les garanties attendues”.

Pour Christine Juste, la partie sera complexe. “Il faut qu’on reboucle avec le promoteur pour voir comment lever ces réserves. Nous devons donner notre avis avant le 28 décembre. Cela ne laisse pas beaucoup de temps. D’autant plus que le permis doit aussi être accepté avant 2023 si l’on veut conserver le fond friche [déployé par le gouvernement pour financer des opérations de recyclage des friches, ndlr]. Surtout, il ne faudrait pas que l’on se retrouve avec un projet abandonné et un terrain pollué sur les bras”, insiste-t-elle. Les enjeux de la négociation s’annoncent lourds, et le compte à rebours est lancé.

Avec Julien Vinzent

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Commentaires

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  1. dgac dgac

    Tous les acteurs du projet immobilier et les riverains devraient lire, ou juste parcourir, ce qui est suffisant, le livre « les calanques industrielles de Marseille et leurs pollutions «  sous la direction de Xavier Daumalin, pour se persuader de la gravité d’une telle construction. Tous les spécialistes savent qu’il n’est pas possible techniquement de dépolluer un site industriel aussi gravement infecté. Les promoteurs jouent la montre… ils vont y arriver si des voix fortes d’opposition au projet ne se lèvent pas.

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    • polipola polipola

      c’est affligeant ce qu’on est prêts à faire au nom de la sacrosainte densification. il faudrait juste pouvoir admettre que, dans une ville, tous les terrains ne sont pas faits pour être bâtis. pourquoi ne regarde-t-on pas plus du côté de la surélévation des bâtiments existants si on a tant besoin de logements supplémentaires ?

      par ailleurs, il ne me semble pas que ce soit très judicieux de rajouter encore de la densification côté Madrague Montredon, essayons déjà d’améliorer l’existant !

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  2. Brigitte13 Brigitte13

    Ce n’est pas la première fois, et c’est bien dommage, de trouver dans vos articles des schémas sans légende. Un plan ou un schéma sans légende n’apporte aucune information.

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    • polipola polipola

      il me semble en l’occurrence que le schéma est plutôt clair.

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  3. Kitty Kitty

    Au moment où le livre “La ville stationnaire” est publié, Marseille reste ancrée dans la philosophie du siècle dernier : densifier, faire la ville sur la ville, etc. Le tout dans un contexte où notre population n’augmente plus. Par ailleurs, une fois encore, on va transformer un espace autrefois industriel (donc créateur d’emplois qualifiés et de richesse pour la ville ) en un espace dortoir sans aucun intérêt pour la collectivité.
    Bref, ce projet illustre la double absence de vision urbanistique de nos élus : l’avenir urbain n’est plus à la densification mais à la ville stationnaire d’une part et c’est la ville fabricante sur laquelle il faut miser et non la ville sans usines d’autre part.
    En fait, ce qui est en train de se passer c’est que Marseille devient une ville Rbnb dans laquelle nos très chers “venants” achèteront toujours plus de produits fabriqués à l’autre bout du monde. Que c’est triste pour nos enfants.

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    • kukulkan kukulkan

      étant donné qu’on vit à toujours moins dans les logements, il faut en construire toujours, et sans étalement urbain ! la ville sur la ville c d’actualité et pas dépassé, malgré ce que vous avancez..

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    • polipola polipola

      complétement d’accord avec kukulkan
      il y a un vrai besoin de logements et un enjeu à arrêter l’étalement urbain. Donc faire la ville sur de la ville semble bien d’actualité et bien pertinent.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      C’est curieux d’attribuer au siècle dernier la philosophie du “densifier, faire la ville sur la ville”. C’est plutôt l’étalement urbain – c’est-à-dire exactement le contraire – qui était à la mode à l’époque. Et dans une ville comme Marseille, où les règles d’urbanisme étaient ultra-light, c’est catastrophique en terme de coût pour la collectivité.

      Donc oui à la densification urbaine (intelligente) et à la reconstruction de la ville sur la ville. C’est essentiel pour gérer correctement les enjeux de mobilité et d’environnement de notre temps.

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  4. PierreLP PierreLP

    Face à un terrain pollué, soit on enlève tous les matériaux pollués pour les transférer dans un site spécialisé, soit on confiné les matériaux, soit on fait un mixte des deux. Le tout avec les précautions appropriées
    Pour Legre Mante, les études de dépollution ont été faites par un bureau d’études dont la compétence est reconnue y compris par la Commission d’enquête,. Les études ont été expertisees et validées par le Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM qui est un organisme de l’état.
    Par ailleurs, la mairie du 6/8 à créé un Comité de vigilance sanitaire pour superviser le respect des règles et des précautions à mettre en œuvre par les entreprises. Ce Comité regroupe des élus, des associations, des habitants, des représentants de Gingko et de l’état.
    Pour conclure, si Gingko (dont les actionnaires principaux sont la Caisse des Dépôts et la Banque européenne d’investissement) laisse tomber, les habitants du littoral sud resteront avec la pollution des des bâtiments en ruine…belle image de Marseille

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  5. PierreLP PierreLP

    J’ajoute que le projet permet aussi de mettre en valeur le patrimoine présent sur le site : la bastide du Chevalier Roze (ou Napoléon Bonaparte avait rencontré Désirée Clary), la bastide des Sables (famille Rostan d,’Ancézune), et enfin les éléments intéressants des bâtiments industriels et la cheminée, témoins d’une époque.

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    • BRASILIA8 BRASILIA8

      D’autant qu’avec les embouteillages on aura tout le temps d’admirer le patrimoine surtout s’il est mis en valeur par les nouvelles constructions

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    • polipola polipola

      ahaha Brasilia8 très drôle 🙂

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  6. Mars, et yeah. Mars, et yeah.

    Les logements c’est 2 à 3 voitures par logement aujourd’hui (plus encore dans ce quartier particulièrement mal desservi), qui plus est des véhicules circulant dans les sens critiques (le quartier étant quasi-exclusivement résidentiel) à chaque heure de pointe. Faites le calcul.

    “Par moi l’on va dans la cité dolente
    Par moi l’on va dans le deuil éternel […]
    Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance.”
    – inscription sur la Porte de l’Enfer et à l’entré de l’avenue de la Madrague de Montredon.

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  7. Bouyaka13 Bouyaka13

    Plus de 300 logements donc au moins 600 voitures supplémentaires dans un quartier déjà ultra saturé (j’habite le coin)…quid des crèches, écoles, poste etc… ? Les écoles du quartier sont déjà saturées où il vont mettre tous ces nouveaux habitants ? Des classes de 35-40 ? C’est ca le projet ? Et pourquoi pas dépolluer et transformer cet espace en parking relais avec bornes de vélos et départ de navettes vers les Goudes pour pouvoir enfin fermer l’accès aux non riverains et désengorger ?

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Dans un rayon de 500 m autour de mon domicile, ce sont entre 1000 et 1200 logements nouveaux, au bas mot, qui verront le jour prochainement si l’on compte ceux qui viennent d’être livrés, ceux qui sont en cours d’achèvement et ceux qui sont annoncés.

      La voirie comme les écoles sont déjà saturées. Mais il n’y a pas un bus de plus aux heures de pointe, pas une salle de classe de plus dans les cartons. Et pas un équipement de quartier, quel qu’il soit, à l’horizon : on empile les clapiers sans trop réfléchir. Je me demande ce qui pourrait mal se passer.

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  8. polipola polipola

    Si seulement ils avaient un peu de bon sens et une envie de bien commun, peut-être que c’est ce qu’ils feraient. Mais non.

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  9. Alceste. Alceste.

    Je ne sais ce que va donner le projet final à la Madrague,mais quand on parle de faire la ville sur la ville de façon intelligente je suis très dubitatif avec l’expérience Euromediterrannee où l’intelligence est visiblement absente . En revanche la densification est bien présente mais sans équipements. Ce quartier est une sans âme et inhumain.

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  10. Thierry A Thierry A

    <>
    Si c’est ça la vision, et la motivation?
    Je rappelle que l’écologie sientifique ne coïncide pas avec l’écologie des …

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  11. Thierry A Thierry A

    Il manque la citation au début de mon commentaire précédent (bug?):
    Surtout, il ne faudrait pas que l’on se retrouve avec un projet abandonné et un terrain pollué sur les bras

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