Cité radieuse, patrimoine de l’Unesco, recherche écrin urbain
Vue de la Cité radieuse. Au premier plan : la concession Peugeot, plus loin, celle de Renault. À gauche, l'immeuble Brasilia. Crédit photo : Duc / Creative commons BY-NC-ND.
Concessionnaires automobile, parking, supermarché… Le développement urbain aux abords de la Cité radieuse n’a jamais été pensé pour la mettre en valeur. Le 17 juillet dernier, au même titre que d’autres constructions phares du Corbusier, la “maison du Fada” est entrée au patrimoine mondial de l’Unesco. Une consécration qui amplifie une réflexion qui n’est pas neuve, celle de l’urbanisation autour de cet immeuble emblématique. “On avait déjà anticipé avec le dernier plan local d’urbanisme”, assure Laure-Agnès Caradec, adjointe à l’urbanisme à la mairie de Marseille. Interrogée sur les conséquences de cette reconnaissance de l’œuvre mondiale de l’architecte français par l’Unesco, l’adjointe renvoie cependant à “une étude d’experts qui va débuter en septembre”. La ville de Marseille vient en effet de lancer un appel d’offres pour “l’élaboration d’un plan guide de composition urbaine” sur 35 hectares autour de la Cité radieuse. Il permettra de définir les grandes lignes de l’urbanisme “sur le secteur situé entre le boulevard Michelet et l’avenue de Mazargues, de l’Huveaune au boulevard Reynaud”.
Une équipe transdisciplinaire composée entre autres d’architectes, de paysagistes et d’urbanistes devrait donc être désignée le 16 août. “Nous voulons garantir un développement urbain réfléchi et cohérent du fait de la proximité avec la Cité radieuse et la résidence Brasilia. Nous restons donc très vigilants”, avance Laure-Agnès Caradec.
Pression immobilière
Sans attendre cette feuille de route, un énorme complexe immobilier va voir le jour à quelques centaines de mètres de la Cité radieuse. L’opération, confiée au cabinet Carta et baptisée Renault-Michelet, prévoit la construction de 700 logements et 11 000 m2 de bureaux à l’emplacement actuel du concessionnaire Renault. La livraison du tout est programmée pour 2019. Pour le maire des 6e et 8e arrondissements, Yves Moraine (LR), malgré l’antériorité du projet par rapport au classement Unesco, “il n’y a pas de regrets à avoir”.
En terme d’urbanisme, l’inscription au patrimoine de l’Unesco n’apporte d’ailleurs pas de protection supplémentaire. “La Cité radieuse est déjà protégée par les cadres juridiques du classement au patrimoine historique”, explique Benoît Cornu, président de l’association des sites Le Corbusier. L’immeuble bénéficie depuis 1986 d’une zone tampon dans “laquelle rien ne peut se passer sans autorisations particulière”, souligne celui qui est aussi adjoint au maire de Ronchamp, une autre ville marquée par la main du “Corbu”. Cette réglementation limite par exemple la hauteur et l’espacement des constructions. “Le projet Renault s’inscrit dans le développement urbain classique. Il a fait l’objet d’une réflexion collective. C’était le meilleur projet”, assure Laure-Agnès Caradec.
Pour Renault, le coup est parti, avec un permis de construire signé l’été dernier, mais trois autres grandes parcelles privées motivent la réflexion de la Ville (voir schéma ci-dessous) : le concessionnaire Peugeot (3,93 hectares), le club de squash (1,58 hectare) et le supermarché Casino (2,16 hectares). À eux seuls, ces trois lots représentent donc un cinquième du périmètre du plan guide. L’enjeu était déjà identifié dans une étude de l’Agence d’urbanisme de Marseille livrée en mars 2016 et intitulée “Quel quartier autour de la Cité Radieuse ?”. Ces parcelles “ont vocation à muter”, indique l’Agam, c’est-à-dire qu’elles sont susceptibles de faire l’objet de projets de construction. Face à la pression immobilière dans les 6e et 8e arrondissements, il peut être tentant pour les entreprises de vendre ou de transformer leurs propriétés foncières plutôt que de les exploiter.
Pour l’instant, la Ville ne donne pas d’indications précises sur l’avenir de ces terrains. Mais on comprend à la lecture de l’appel d’offres, récupéré par nos soins, que des projets immobiliers sont à l’ordre du jour. Les équipes sont invitées à travailler “en partenariat avec les propriétaires fonciers” sur des “fiches de constructions” pour ces trois lots. Elles devront notamment proposer des implantations possibles de bâtiments, leur hauteur, ainsi qu’une répartition des surfaces (logement, bureau, commerce, équipement…) avec une “programmation des rez-de-chaussée”.
Un parking dans un parc public
Pour Magali Mazzella, présidente du conseil syndical de la Cité Radieuse, l’urbanisation du quartier n’est pas un problème. “Nous acceptons l’évolution urbaine, nous n’avons rien contre les grands projets immobiliers”. Elle ajoute que dans l’immédiat, c’est le parking de l’immeuble qui est la principale source de nuisances pour les copropriétaires. “On est désespérés car le parking est de plus en plus vétuste”. Il devient difficile pour les 337 ménages de la Cité Radieuse de trouver une place. “Des personnes extérieures viennent se garer tous les jours, encore plus le jeudi matin avec le marché de Michelet, sans compter les utilisateurs du Set Squash [ndrl club situé en face de Peugeot, juste à côté du parking du Corbusier]“. Mais la présidente de la copropriété a bon espoir que des mesures soient prises suite à l’inscription de l’immeuble au patrimoine de l’Unesco. “Les choses vont devoir être nécessairement plus réfléchies, on ne pourra pas laisser un site de l’Unesco dans cet état”, conclut-elle.
L’Agam pointe également le parking du doigt. Dans son étude, elle questionne la présence de “stationnement résidentiel au sein d’un parc public”, la ville de Marseille étant propriétaire des terrains autour de l’immeuble. Avant d’évoquer une situation qui risque d’ “empirer avec l’agrandissement du stade Vélodrome et la densification du secteur.” Interrogée sur ce point, Laure-Agnès Caradec reconnaît “qu’il va falloir travailler à l’aménagement du parking”. La candidature à l’Unesco mentionne elle un “plan de gestion” pour chaque site, dont nous n’avons encore pas pu prendre connaissance. Benoît Cornu nous précise qu’il traite notamment de la question de la circulation des visiteurs.
Axes surchargés
Ce n’est un secret pour personne, le boulevard Michelet et l’avenue de Mazargues sont surchargés. Pour l’Agam, “les liaisons transversales entre ces deux axes majeurs sont très limitées”. C’est ce déficit en axes routiers secondaires qui alimente l’effet de bouchon. Une congestion accentuée par la forte concentration en résidences fermées tout autour de la Cité Radieuse et de part et d’autre du boulevard Michelet. Une étude parue entre 2011 et 2013 faisait déjà état de ce phénomène, notamment autour de la résidence Coin-Joli. Des voies entières sont coupées par des barrières ou débouchent sur un cul-de-sac. Ces travaux ne sont pas passés inaperçus chez l’Agam, qui fait figurer dans son étude une carte particulièrement explicite.
“La fermeture des résidences privées génère de vastes emprises infranchissables, rallongeant les temps de parcours et impactant l’accès aux services de base, comme les écoles”, note l’Agam. Pour Yves Moraine, la question relève uniquement de la loi, “cela ne nous concerne pas”. Un propos confirmé par Laure-Agnès Caradec : “Ils sont chez eux”. Avant de concéder qu’“il faudrait quand même permettre la circulation à pied” dans ces lotissements.
Pour financer d’éventuels aménagements, la mairie de Marseille souhaite la mise en place à terme d’un projet urbain partenarial (PUP). Ce dispositif prend la forme d’un contrat en vue du financement d’équipements publics par les entreprises bénéficiant de permis de construire sur la zone. “Nous allons définir à terme un taux de collecte par m² à la charge les promoteurs”, détaille Laure-Agnès Caradec. Et si une telle manne financière était employée à donner à la Cité radieuse des moyens dignes de son rang de patrimoine mondial de l’Unesco ?
L’intégralité de l’étude de l’Agam
Commentaires
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Deux regrets à la lecture de cet article très fouillé :
– On commence par donner les clés du terrain de la concession Renault à un promoteur, et ensuite on élabore un plan d’urbanisation, si je comprends bien… Bref, d’abord on fait, puis on réfléchit : c’est la méthode gaudinesque.
– Pas un mot apparemment sur les transports publics ? On va urbaniser 35 ha, y ajouter des milliers de mètres carrés de logements et d’activités, et on compte sur les bus existants pour absorber une population supplémentaire ? La ligne 21 est totalement saturée… Il est grand temps de réfléchir aussi à une branche du métro entre le rond-point du Prado et Bonneveine. C’était d’ailleurs une “promesse” de Gaudin lors des dernières municipales !
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Finalement, lecture faite du document de l’AGAM, il y a bien un volet consacré aux transports collectifs, dont l’offre est jugée “conséquente”… L’étude anticipe d’ailleurs un peu en qualifiant la ligne 21 de “BHNS”, ce qu’elle n’est pas encore.
Une station de métro située à 1 km du site à urbaniser et des lignes de bus saturées (et s’agissant de celles qui passent avenue de Mazargues, engluées dans la circulation), mais tout va bien… Il faut vraiment qu’on apprenne à se contenter de peu…
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Pendant ce temps, l’agglomération toulousaine va dépenser 3,8 milliards d’euros pour les transports d’ici 2030 avec la création d’une 3ème ligne de métro. http://www.lemoniteur.fr/article/l-agglomeration-toulousaine-va-depenser-3-8-milliards-d-euros-pour-les-transports-32768407
Ici rien! On a les élus qu’on mérite… des nuls!
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C’est évidemment tentant de répondre métro quand on parle de desserte en transports… Evidemment on est pas dupe sur les promesses de Gaudin ou de n’importe qui d’autre (les promesses de Ménucchi étaient encore plus aberrantes…
Les futures lignes de métro, de tramway et de BHNS seront discutées dans la procédure d’élaboration du PDU d’Aix-Marseille-Métropole qui doit être mise en chantier à la fin de l’année. Il nous faut intervenir auprès de la métropole pour que les citoyens soient suffisamment informés à l’avance et soient associés à l’élaboration du PDU.
et que l’on discute de la place et du rôle de la voiture et des transports collectifs dans cette ville et dans la métropole…
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Pour le point 1, l’explication est peut-être à chercher du côté du calendrier d’élaboration du plan de prévention des risques d’inondation. On peut remarquer que dans ce secteur, les premiers projets lancés concernent les zones les plus proches de l’Huveaune (concession Renault, abords du Stade Vélodrome), ce qui pourrait avoir permis à ces zones à risque d’inondation élevé d’être considérées comme densément urbanisées et ainsi de rester constructibles dans le PPRI.
Les cartes présentant le risque inondation dans la zone étaient assez éclairantes.
Il aurait été dommage de renoncer à de beaux projets immobiliers à cause du risque inondation…
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Toujours la technique de la phrase lapidaire de l’équipe Gaudin “pas de regrets à avoir”, ou le plus utilisé “on verra bien”, le sympathique “c’est pas si sale” du sieur Tian au sujet du bassin du Vieux Port. Pas à dire, ce sont des visionnaires au discours structuré.
Pour ce qui concerne les “promesses” de campagne de Gaudin, comment dire…
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Des “promesses” toujours bien visibles ici : http://guyteissier.com/les-transports-collectifs-au-coeur-de-marseille-en-avant/
Et puisque Gaudin a “martelé” que les transports collectifs étaient “au coeur” de son projet, y compris au sud, il ne peut pas s’agir de mensonges. Non ?..
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Et toujours les mêmes architectes-copains de Gaudin qui nous pondent des horreurs! R. Carta / D. Rogeon / Poissonier Ferran etc etc…
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Encore une fois cela illustre l’incurie des personnes qui gouvernent à la destinée de Marseille (et sont accrochés à leurs places comme des arapèdes). La ville est livrée aux promoteurs (à quand des “éco-quartier”, comme cela se fait dans toutes les autres grandes (et moins grandes) villes ? Type d’urbanisme qui devrait être la norme pour tout nouvel aménagement. A Marseille on n’a gardé du concept que la densification €€€).
Pour le reste, “cela ne nous concerne pas”. Tout est dit de la politique gaudinesque.
On ne peut plus circuler dans le 9ème arrondissement, un nombre incalculable de rues étant barrées par des grilles de plusieurs mètres de hauteur (symbolisant un apartheid social et le chacun pour soi qui sont la norme à Marseille). Conséquence, toute la circulation est reportée sur une poignée d’axes (et l’avenue de Mazargues est une rue de village et en aucun cas un “axe majeur” destiné à recevoir le flot de véhicules qui le saturent quotidiennement) et s’y déplacer est un sacerdoce quotidien.
Électeur du 8ème a indiqué ce qu’il en était des transports en commun, on ne sera pas plus sauvé par la marche (les quartiers fermés l’étant aussi aux piétons, même quand ils desservent des écoles !!) ni par le vélo, les aménagements cyclables étant inexistants (et le danger inversement proportionnel).
Il faudrait VRAIMENT que les “décideurs” marseillais sortent de leur ville et aillent voir ailleurs comment ça se passe, pas besoin d’aller à l’étranger, en France ça suffit, et observer combien il n’y a pas de rues fermées mais des espaces verts, des aménagements pour les transports “doux” et une qualité de vie autrement plus agréable que par chez nous.
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mais les “décideurs” marseillais savent très bien comment c’est ailleurs… ils ne vivent pas au quotidien les contraintes que subit tout un chacun. Ils ne “vivent” pas la ville qu’ils gèrent si mal.
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n’oublions pas les écoles et les crèches car dans le quartier l’offre publique est déjà largement saturée. Cela fera beaucoup d’enfants à scolariser à l’école de St Giniez…
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