Production de logements sociaux : Aix et Marseille peuvent se faire taper sur les doigts
Le nouveau préfet a sur son bureau un premier dossier chaud. La commission nationale SRU considère qu'Aix et Marseille ne respectent pas les objectifs de production de logements sociaux. Elles pourraient être sanctionnées à cause du manque de logements très sociaux destinés aux ménages les plus pauvres.
Maquette d'un projet d'Icade comprenant un tiers de logements sociaux à Gignac-la-Nerthe.
À peine nommé ce mercredi, le nouveau préfet de région Pierre Dartout aura déjà à gérer quelques dossiers chauds posés en pile sur son bureau. Parmi ceux-ci, la question toujours sensible de l’application de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU), qui prévoit que les communes de plus de 3500 habitants disposent de 25 % de logements sociaux.
Le ministre de la cohésion des territoires et du logement, Jacques Mézard a demandé aux préfets de revoir la liste des communes dites “carencées” – c’est-à-dire pénalisées pour non-respect de leurs obligations – et de lui faire un retour avant le 24 novembre. Cette demande fait suite à un rapport tombé sur le bureau du ministre, à la fin octobre, déjà évoqué par l’agence AEF et que Marsactu a pu consulter. Il est signé par Thierry Repentin, ancien ministre socialiste et président de la commission nationale SRU. Pour la première fois, cette toute nouvelle entité est consultée sur le respect de ces objectifs de réalisations de logements sociaux entre 2014 et 2016 et cette liste des communes récalcitrantes.
Allongement de la liste des communes sanctionnées
Dans les Bouches-du-Rhône, sur 78 communes qui entrent dans le champ de la loi, 23 ont été jugées en règle en juillet, 20 ont été carencées… et 35 ont bénéficié de la mansuétude des services de l’État malgré leur retard, après la signature d’un contrat de mixité sociale. Cette démarche de négociation vise à donner de la souplesse aux préfets afin d’obtenir des engagements concrets des retardataires [Lire notre article]. Or, la commission nationale SRU a demandé aux préfets de privilégier le bâton de la carence plutôt que la carotte du contrat de mixité sociale. Sans beaucoup de résultats.
C’est donc le ministre de la cohésion des territoires qui a appuyé cette demande qui échoit à la fin de la semaine. “Le problème est que les préfets se sont déjà mis d’accord avec les élus sur la liste des communes carencées, explique René Dutrey, secrétaire général du haut comité pour le logement des personnes défavorisées qui siège à la commission. Pour la première fois, la commission leur demande de revoir leur position, ce qui n’est jamais confortable pour eux.”
Aix et Marseille dans le collimateur
Si la liste précise des communes qui font débat n’est pas connue, on sait que les grandes métropoles sont dans le collimateur. Et, pour la première fois, Aix et Marseille apparaissent dans le viseur de l’État. Car l’effort demandé aux communes n’est pas uniquement quantitatif. Il a également un volet qualitatif. En clair, il y a logement social et logement social. On distingue ainsi le logement très social (PLAI) et le logement moins social (PLS). Ce que souligne Thierry Repentin dans son rapport : “L’objectif triennal défini pour 2014-2016 pour les communes soumises au dispositif a intégré l’obligation d’une part minimale de PLAI à financer (30 % des logements sociaux financés sur la période) et à l’inverse une limitation du nombre de PLS financés (20 à 30 % du total des logements sociaux financés sur la période, selon le taux de logement social de la commune)“.
Si Aix-en-Provence atteint 87 % de l’objectif quantitatif et se rapproche des 20 % de logements sociaux, seulement 16 % de logements très sociaux ont été financés sur cette période. Même chose pour Marseille qui passe tout juste la barre des 20 % et n’a produit que 20 % de PLAI contre 34 % de PLS sur cette période. Brossé à gros traits : Marseille finance bien la construction de logements sociaux mais plus pour les classes moyennes que pour les ménages les plus pauvres. Sur ces communes “défaillantes sur l’objectif qualitatif”, Thierry Repentin ajoute :
Il ne paraît pas possible d’exonérer ces communes de leurs obligations alors que les carences prévues par ailleurs concernent pour l’essentiel des communes de petites tailles.
En gras, il souligne que les préfets doivent rendre compte du suivi de ses recommandations et “la commission devrait en particulier pouvoir examiner les propositions de carence complémentaires”. En clair, la commission SRU espère voir les préfets sévir, taper plus volontiers les maires au portefeuille en durcissant les sanctions et voir la liste des communes carencées s’allonger, y compris en prenant en compte de cette notion qualitative.
“Pas d’accès au logement social pour les plus pauvres”
Présidente du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, conseillère municipale et métropolitaine socialiste, Marie-Arlette Carlotti appuie le trait : “Si on suit la position de la commission, Marseille doit être considérée comme en situation de carence du point de vue qualitatif. C’est très grave : cela signifie que les gens les plus pauvres ne peuvent pas avoir accès à un logement social neuf parce que le loyer est trop cher”.
De son côté, la vice-présidente de la métropole en charge du logement, Arlette Fructus balaie la menace : “Nous sortons d’une année exceptionnelle avec 5200 logements sociaux produits dans la métropole. Le nombre de communes en infraction dans la région est passé de 80 % à 44 % depuis 2013 et c’est pour beaucoup grâce aux efforts de la métropole”, insiste l’élue de centre-droit.
Quant au couperet qualitatif brandi par l’État central, elle en émousse la lame : “À Marseille, en 2016, nous avons produit 2200 logements sociaux sur un objectif de 1900. Nous dépassons les objectifs fixés. Alors certes, il y a 21 % de PLAI au lieu de 30%. Mais nous avons vu cela avec le préfet dès cet été, nous rattraperons ce retard dans les années qui viennent”.
“Un stock important de logements très sociaux”
L’élue marseillaise met en avant le “stock important de logements très sociaux” sur Marseille. “Dans le cadre de la rénovation urbaine, nous reconstruisons du PLAI”, estime-t-elle. Mais il ne s’agit que de la reconstitution d’une offre et non pas de nouveaux logements très sociaux. Là encore, Arlette Fructus monte en défense et met en avant l’équilibre nécessaire à la mixité sociale dans tous les quartiers de la ville.
Du côté de l’association régionale des organismes HLM, le ton est tout aussi virulent. “L’État nous oblige à construire plus de logements très sociaux alors que d’une autre côté, il diminue nos ressources en nous obligeant à baisser les loyers, explique Bernard Oliver, le président de l’AROHLM. On ne peut pas obliger les communes à construire des logements sociaux si elles n’ont pas de demande de la population”. Du côté des techniciens de l’association régionale, on souligne que les organismes HLM se trouvent pris en tenaille entre l’État central et l’État local d’une part, “qui n’ont pas toujours la même position”, et les élus locaux qui participent au financement des HLM.
“Pas des ayatollahs de la loi SRU”
“Mais nous ne sommes pas des ayatollah de la loi SRU, défend René Dutrey, membre de la commission nationale SRU. Nous prenons en compte la situation des communes, l’état de la demande. Si elle est deux fois supérieure à l’offre, alors nous regardons de plus près. Nous regardons également les permis de construire validées sur la commune, la constructibilité et le raccordement aux réseaux de transports collectifs”.
La deuxième lame de ce premier rapport va s’attaquer à une autre spécificité : le record de France des demandes d’exemption à la loi SRU. La métropole a proposé que 27 communes sortent purement et simplement du dispositif [Lire notre article]. La commission nationale doit se pencher sur ces cas une fois la listes des communes carencées définitivement arrêtée. Selon les premières indiscrétions, certaines communes qui ont mis en avant leur mauvais raccordement aux réseaux de transports collectifs pourraient être déçues.
Commentaires
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L’État a raison de se montrer ferme.
C’est trop facile de faire des promesses pour éviter les sanctions, quand les communes n’ont rien fait voire ont sciemment évité de remplir les objectifs de PLAI sur la période écoulée.
Les communes de la métropole agissent de la même façon pour des objectifs divergents: les communes hors Marseille ne construisent pas de PLAI pour éviter que des personnes en grande difficulté ne s’installent sur leur commune, Marseille parce qu’elle ne veut pas fixer sur son territoire la population très pauvre qui est déjà là.
C’est trop facile également de demander à sortir du dispositif de la loi SRU en raison d’une faible accessibilité aux réseaux de transport après que les communes n’ont rien fait, ou si peu, pour développer les transports en commun à l’échelle de leur bassin de vie (sans aller jusqu’à l’échelle de la métropole).
Encore une fois, on ne parle pas de petites communes pauvres dans la banlieue d’une ville-centre qui concentrerait la richesse.
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J’espère bien en effet que l’argument du “mauvais raccordement aux réseaux de transports collectifs” sera balayé : ces communes qui tiennent tant à exclure de leur territoire des populations jugées “indésirables” ont elles-même tout fait, ces dernières décennies, pour empêcher le développement de ces réseaux. Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.
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bonjour, ou trouver la liste de toutes les communes menacées dans le rapport de suivi de la commission sru?? svpppp 🙂
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Bonjour
nous avons pu consulter le rapport remis par la commission nationale SRU. En revanche, il ne nous a pas été possible de consulter les annexes dont la liste nationale des communes dites carençables. C’était visiblement une volonté de Thierry Repentin de ne pas fustiger les petites communes mais de mettre l’accent sur les métropoles. La région PACA et singulièrement les communes des Bouches-du-Rhône y figurent en grand nombre.
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A l’absence quantitative et qualitative de HLM, il faut rajouter le parc social de fait constitué du parc privé dégradé. En prenant en compte celui-ci, n comprend que Marseille accumule autant de pauvres renvoyés des communes de banlieue.
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