Procurations aux municipales 2020 : qui sont les 14 acteurs de la fraude bientôt jugés ?
Le parquet a décidé de renvoyer vers un procès 14 acteurs du système de procurations frauduleuses de la droite pour les municipales à Marseille. Marsactu passe en revue chacun de leurs profils.
(Photo : Emilio Guzman)
D’un point de vue judiciaire, c’est inédit. Un procès va avoir lieu pour déterminer si un camp politique, la droite de Martine Vassal en l’occurrence, a cherché à voler l’élection du maire de Marseille en 2020. Comme l’a révélé Le Monde, sur décision du parquet judiciaire qui a conclu son enquête préliminaire, 14 personnes vont être jugées pour avoir participé à un système de procurations frauduleuses. Il s’agissait d’établir des procurations sans les vérifications d’usage, avec la complicité d’un officier de police judiciaire.
Les plus gros poissons sont passés entre les mailles. Faute de preuves et malgré les doutes, ni la présidente du département et de la métropole Martine Vassal, ni la sénatrice Valérie Boyer, ni le maire des 11e et 12e arrondissements Sylvain Souvestre ne seront jugés. Parmi les personnalités politiques connues du paysage local ne restent que Julien Ravier et Yves Moraine. Le premier, ancien maire des 11/12, a déjà perdu son fauteuil de député à la suite d’une décision du conseil d’État qui l’a rendu inéligible. Une décision qu’il conteste devant la Cour européenne des droits de l’Homme estimant que celle-ci anticipait la sanction pénale.
Comment marche une procuration ?C’est devant le tribunal ou face à un officier de police judiciaire (OPJ) que se valident les procurations électorales. Les électeurs doivent alors remplir un formulaire et prouver leur identité. Si un citoyen n’est pas en mesure de se déplacer, un OPJ ou un tiers délégué désigné par le tribunal, peut venir recueillir la procuration à domicile.
Yves Moraine, conseiller départemental et municipal, ancien maire de secteur et proche de Jean-Claude Gaudin, pourrait donc être l’élu le plus capé lors d’un procès. Comme le procureur adjoint Jean-Yves Lourgouilloux le rappelle dans un PV de synthèse, le vice-président du département peut tenter d’obtenir du parquet une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Une forme de plaider coupable qui permettrait aussi de distinguer l’ampleur de la fraude dans son secteur électoral, moins importante que dans les 11e et 12e arrondissements.
Reste qu’à ce stade, aucune de ces procédures accélérées n’est acquise. Passage en revue des 14 personnes que la justice garde dans son collimateur. Tous et tous bénéficient à ce stade de la présomption d’innocence.
Les têtes de liste
Julien Ravier
Maire de secteur sortant et tête de liste dans les 11e et 12e arrondissements pour l’équipe de Martine Vassal, Julien Ravier apparaît bien plus actif dans la récolte de procurations que celle-ci ou que Valérie Boyer, sa prédécesseuse à la mairie de secteur et à l’Assemblée nationale. C’est l’exploitation de ses textos qui a forgé la conviction des enquêteurs. Il y vante l’organisation d’un “service procuration” au sein de son équipe de campagne.
Quand il reçoit un selfie de deux acteurs associatifs des Caillols (voir plus bas) en train de faire signer des formulaires de procuration, il leur répond directement : “Vous êtes des monstres de la procu !!!!”. Un homme qu’il avait un temps envisagé d’intégrer sur sa liste et identifié comme influent dans “la communauté juive” lui assure encore avoir remis à son directeur de cabinet “une vingtaine de procurations”. Comme Valérie Boyer, il est en copie de messages concernant l’Ehpad Saint-Barnabé au sein duquel une cinquantaine de procurations seront effectuées, à l’insu des résidents. Au cours de sa garde à vue, il a assuré qu’il n’était pas au courant d’un système de procurations frauduleuses mais que, comme dans toutes les campagnes, il pouvait accompagner les démarches et au besoin trouver un mandataire pour les personnes qui en seraient dépourvues.
Yves Moraine
La recherche de procurations ne s’est activée dans les 6e et 8e arrondissement que pour le second tour, après que le premier a placé dans son secteur la liste LR au coude à coude avec celle du Printemps marseillais menée par Olivia Fortin. Yves Moraine assure ne pas en être à l’origine mais avoir validé le branle-bas de combat orchestré par une colistière, Christel Simonetti via une boucle de discussion entre candidats. Mais plusieurs témoignages, ainsi qu’un message Whatsapp qu’il a lui-même signé, montrent que c’est bien lui qui a affirmé que le système de procurations allait être simplifié par le Gouvernement, du fait du confinement lié à l’épidémie de Covid. Cet assouplissement n’est jamais arrivé. Dans l’intervalle, il a lui-même fait remplir à trois nonnes des procurations sans le contrôle d’un policier avant, assure-t-il, de les leur retourner quand la règle a été maintenue à l’identique. Ces procurations réalisées hors du cadre légal figuraient pourtant sur les listes électorales pour le second tour sans qu’Yves Moraine ne puisse l’expliquer. L’ancien maire des 6/8 nie toute participation à un système de procurations frauduleuses et n’a pas souhaité commenter à ce stade.
L’équipe des 11e et 12e arrondissements
Richard Omiros, directeur de cabinet
Il est le fusible qui a sauté lors de la révélation de l’affaire par Marianne et France 2. Directeur de cabinet et de campagne de Julien Ravier, Richard Omiros est présenté comme “le chef d’orchestre” de la fraude dans les 11e et 12e arrondissements. C’est lui qui gère les échanges avec Taoufik El Khemiri, ex-directeur de l’Ehpad Saint-Barnabé qui y conserve de l’influence. Il reçoit ainsi les pièces d’identité qui serviront plus tard à établir les procurations. C’est lui aussi qui organise les rendez-vous avec Roland Chervet, le policier habilité à tamponner des procurations qui en signera 194 à lui tout seul. En garde à vue, l’intéressé a admis une participation mineure tout en chargeant une des colistières, Joëlle Di Quirico et son patron, Julien Ravier. En réponse à une question de son avocat, il déclarait : “monsieur Ravier a déclaré avec beaucoup d’insistance qu’il fallait faire des procurations dans les Ehpad, dans les associations”.
Joëlle Di Quirico
C’est un maillon essentiel de la chaîne qui, elle aussi, multiplie les casquettes. Comme Marsactu et Mediapart l’avaient documenté très peu de temps après le surgissement de l’affaire, cette jeune retraitée de la mairie des 11/12 cumulait une place de colistière et un rôle de tiers délégué. Cette fonction méconnue lui permettait de recueillir les procurations en lieu et place d’un officier de police judiciaire. Mais Joëlle Di Quirico admettra bien vite face aux enquêteurs qu’elle avait établi des procurations sur la base de simples photocopies de pièces d’identité ou reçu de Richard Omiros “des procurations qui n’étaient remplies qu’au niveau du mandant”, sans indiquer à qui elles seraient confiées, donc. Elles les remettaient ensuite hors de tout cadre légal à un commandant de police.
Claudine HErnandez, directrice générale des services
Quoique fonctionnaire, Claudine Hernandez avait un double rôle auprès de Julien Ravier. Directrice générale des services de la mairie de secteur, elle était aussi mandataire financière de la campagne de celui-ci, chargée de garder les comptes au carré en vue du contrôle post-électoral. Elle est intégrée à divers échanges de textos sur les procurations et notamment un qui associe Omiros, Souvestre et Ravier, dans lequel elle réclame la liste “mise à jour pour les DC [décès]” des mandants en Ehpad. Elle était aussi partie prenante d’un déplacement aux Caillols en compagnie d’un major de police qui, étonné du dispositif mis en place, refusera cette fois de concourir au système. C’est encore dans son bureau, selon plusieurs témoins dont Joëlle Di Quirico, que se validaient les procurations.
L’équipe de l’Ehpad
Taoufik EL Khemiri, (ex-)directeur
En 2020, Taoufik El Khemiri est à la fois l’ancien directeur de l’Ehpad Saint-Barnabé et le compagnon de la directrice en poste, si bien qu’il reste très présent dans la gestion de celui-ci. C’est lui qui va d’abord pousser à l’inscription sur les listes électorales de ses résidents puis travailler à la réalisation des listings pour les procurations. Il ira même jusqu’à faire parvenir une actualisation entre les deux tours de l’élection. 51 résidents voteront au premier tour avant que le système ne soit grippé par les révélations médiatiques et qu’aucun des mandataires ne se présente au second. Pour sa défense, il arguera que, dans son vocabulaire, l’usage du terme “procuration” signifiait simplement inscription sur les listes électorales. “Une ligne de défense à la hauteur de sa bonne foi”, persiflent les enquêteurs.
Amar Meskine, médecin
Pour pouvoir s’inscrire à distance sur les listes électorales et dresser les procurations, les résidents de l’Ehpad devaient bénéficier d’un certificat médical. Ce médecin d’une maison de retraite d’Aubagne, dirigée par Taoufik El Khemiri, en avait rédigé un sans date ni nom de patient et joint à celui-ci une liste de résidents concernés.
L’équipe des Caillols
Karim Rebouh et Rémi Matar
Militant associatif bien connu des Caillols, Karim Rebouh se targue de pouvoir faire basculer le vote du quartier entier. Aussi, son soutien est-il ardemment recherché et ses demandes de logement ou d’emploi pour des proches sont souvent regardées avec bienveillance par les politiques du secteur. Après avoir frayé avec la liste soutenue par Samia Ghali, cet animateur de la mairie des 15e et 16e arrondissements, joueur de poker à ses heures, rallie finalement la liste menée par Julien Ravier dans son secteur. Une bonne nouvelle que le candidat s’empressera de rapporter à Martine Vassal. Président de l’association Jeunesse 11&12 après Rebouh, Rémi Matar participera lui aussi au système des fausses procurations. En témoigne un selfie envoyé à Julien Ravier où les deux compères posent devant une table où traine une photocopie de carte d’identité. Matar commente : “Procurations à fond mon ami !”
Le policier complice
Comment un seul et même policier a-t-il pu remplir 194 procurations ? Le commandant Roland Chervet apparaît selon les mots du parquet de Marseille comme le “rouage indispensable” du système. C’est lui qui dispose du tampon nécessaire à l’authentification des procurations. L’homme ne va pas se contenter de les signer au bureau. Il va aussi se déplacer pour les valider, notamment à la mairie de secteur et le plus souvent sur ses jours de congé. C’est sa hiérarchie qui s’est aperçue de son tropisme et l’a dénoncé à la justice. Il a fait preuve d’une grande “souplesse” dans l’acceptation des procurations, notamment pour les pseudo-certificats médicaux de l’Ehpad.
L’équipe des 6e et 8e arrondissements
Catherine Vales, directrice de cabinet
La directrice de cabinet d’Yves Moraine n’est pas la plus impliquée dans la récolte de procurations. En revanche, c’est auprès d’elle que se récupèrent les photocopies de procuration. Elle nie toute implication supplémentaire dans le processus et toute connaissance de l’aspect frauduleux de celui-ci.
Christel Simonetti, conseilllère d’arrondissements
Le 20 mai 2020, après le déconfinement et un premier tour “pas à la hauteur de nos attentes”, Martine Vassal écrit à ses colistiers dans les 6e et 8e arrondissements. Elle y charge Christel Simonetti, conseillère d’arrondissements et 7e de liste, “de coordonner et de suivre la gestion des procurations”. Elle va ensuite chercher à atteindre le nombre symbolique de 1000 procurations dont Moraine et elle se disputeront la génèse face aux enquêteurs. C’est elle qui remettra à Richard Omiros des formulaires en vue de leur validation par le policier Chervet. Pour sa défense, elle dira elle aussi avoir fait confiance à Yves Moraine et ponctuera une audition ainsi : “Il est peut-être atteint d’Alzheimer Moraine !”
Commentaires
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A quand la suppression de ces “mairies” de secteur qui ne servent à rien de plus que d’être un tremplin pour nombre de politicards dont personne n’entendrait parler sans leur élection insignifiante.
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effectivement la plm devrait disparaitre
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Il y a eu, durant la précédente législature, une réflexion sur la réforme de la loi PLM, qui n’a pas abouti. Les étranges contorsions auxquelles les résultats des municipales 2020 ont donné lieu à Marseille auraient dû être une excellente raison de la poursuivre et de proposer cette réforme.
Au lieu de quoi, nous allons probablement constater en 2025 qu’il est trop tard pour légiférer, et qu’il y a lieu d’attendre encore.
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très belle infographie interactive, bravo!
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En voilà un système en bande organisée pour déposer des bulletins dans les urnes. On suivra avec attention le procès.
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oui, moraine…présomption d’innocence.
à part le fait qu’avec son amie keradec il adore le chocolat, ce qui on en convient est innocent, rien d’innocent chez lui.
c’est incroyablement une bande de loosers, qui ne s’en sortent que de ces façons là !
bon, il faut pas rêver non plus, le procès se déroulera éventuellement tranquillement, ca ira pas loin.
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j’ai vu aussi l dans un bureau du 7ième tenu par la droite un PV sur lequel avait été collée une feuille par avance …
folkrore marseillais
ils se croient tout permis
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Avez-vous usé de votre droit de pouvoir consigner les faits observés au procès-verbal de ce bureau de vote ?
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Triche en 2020; procès en 2023, appel en 2024, cassation en 2025 cour européenne en 2027….peut être qu’en 2018 certains auront un bracelet électronique pour 6 mois…
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en 208 pour la bracelet…
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Il y a eu, durant la précédente législature, une réflexion sur la réforme de la loi PLM, qui n’a pas abouti. Les étranges contorsions auxquelles les résultats des municipales 2020 ont donné lieu à Marseille auraient dû être une excellente raison de la poursuivre et de proposer cette réforme.
Au lieu de quoi, nous allons probablement constater en 2025 qu’il est trop tard pour légiférer, et qu’il y a lieu d’attendre encore.
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Quel dommage de trouver parmi cette bande de malfaiteurs présumés un personnage aussi fin et aussi distingué qu’Yves Moraine : un amateur de chocolat, si éclairé qu’il en déguste en “sa” mairie même pendant que les pompiers fouillent les décombres de la rue d’Aubagne à la recherche de survivants, ne peut pas être tout à fait mauvais.
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Et tous ces gens passent bien sûr pour des personnes fréquentables, honnêtes et droites, … et peuvent donner des leçons de morale, de vertu, d’honnêteté…
Écœurant.
Mais c’est la fin du règne. Ils ont bien profité, voudraient absolument garder ou revenir au pouvoir, mais c’est fini.
Que la justice fasse son travail.
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Vous êtes d’un remarquable optimisme en concluant que “c’est fini” : les Vassal, Moraine et consorts, sortis aux municipales, n’en sont pas moins au pouvoir… à la métropole, grâce à un système fantastique qui permet de ne tenir aucun compte du choix des électeurs.
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ayant présidé un bureau en 2020, j’ai pu constater la même magouille et renseignements pris, étendue à l’ensemble des bureaux de la ville. Après consultation de la Commission Electorale , il a été recommandé d’inscrire les résultats réels sur ce fameux collage et d’en faire mention sur le PV puis de le photographier. D’autre part , dans un bureau à priori soupçonnable, il est toujours loisible à un assesseur d’accompagner le président jusqu’au bureau centralisateur pour éviter les tentations malsaines.
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