Première étape dans la douleur pour la compagnie maritime corse

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le 26 Fév 2016
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La desserte maritime de la Corse était à l'ordre du jour de son assemblée ce mercredi. Pendant de longues heures, les nationalistes ont tenté d'obtenir la création d'un comité de pilotage destiné à cerner les contours d'une "compagnie maritime corse rassemblant acteurs publics et privés". Mais c'est surtout l'avenir de la délégation de service public qui préoccupait l'opposition.

Première étape dans la douleur pour la compagnie maritime corse
Première étape dans la douleur pour la compagnie maritime corse

Première étape dans la douleur pour la compagnie maritime corse

“Est-ce que chacun peut regagner sa place ? Nous allons finir à quatre heures du matin…” À la tribune de l’assemblée de Corse, son président Jean-Guy Talamoni s’impatiente. Il a ouvert depuis près de quatre heures le débat sur la desserte maritime de l’île et la création d’une compagnie maritime régionale. Même les continentaux pouvaient suivre les échanges sur ce dossier important pour le port de Marseille, grâce à une diffusion vidéo en direct. Après une première suspension de séance, le chef de file du parti nationaliste Corsica Libera a dû convoquer une conférence des présidents de groupes politiques, faute de majorité sur le rapport présenté par le président du conseil exécutif, Gilles Simeoni (Femu a Corsica).

Sur cette promesse majeure, les deux alliés nationalistes doivent convaincre au moins un des groupes d’opposition. S’ils maîtrisent totalement le conseil exécutif de Corse – équivalent au président et aux vice-présidents d’un conseil régional – Femu a Corsica et Corsica Libera ne disposent pas de la majorité à l’Assemblée.

Opposition surprise

Les orateurs de ces deux groupes ne cachent pas leur étonnement face à l’hostilité affichée par toutes les autres tendances sur un rapport qui se borne en apparence à créer un “comité de pilotage”. “Nous ouvrons à peine le livre aujourd’hui, c’est la première page”, a rappelé Nadine Nivaggioni (Femu a Corsica). On parle seulement d’ouvrir une étude pour voir si cette compagnie régionale est viable ou si nous demeurons dans le conservatisme. Qui a envie de connaître le même feuilleton aux épisodes coûteux humainement, économiquement ? (…) Est-ce parce qu’il y a des nationalistes à la gouvernance qu’aujourd’hui la compagnie régionale pose un problème ?”

Ces réticences n’étonnent pas Jean-François Simmarano, délégué CGT sédentaires de MCM (ex-SNCM), pour qui “beaucoup d’élus connaissent bien la question. Ils ont déjà donné avec l’aérien, ils savent très bien qu’une compagnie régionale c’est compliqué, que cela ne se fait pas d’un coup de baguette magique. Aujourd’hui tout est par terre. Il serait plus raisonnable de traiter d’abord le problème de la nouvelle délégation de service public avant d’aller sur la compagnie régionale.”

Finalement, au terme de la conférence des présidents de groupes, Jean-Guy Talamoni annonce, au grand soulagement de Gilles Simeoni, qu’un nouveau rapport est en cours de rédaction. Celle-ci débordera sur la soirée, signe de la tension autour du sujet. Lors du vote, l’adoption du rapport se fait sans majorité absolue, à la faveur des abstentions des deux principaux groupes d’opposition (Le rassemblement, LR-UDI ; Prima Corsica, divers gauche) et du Front national.

Derrière la compagnie régionale, la réduction des subventions

En début d’après-midi, les interventions soulignaient certes les écueils possibles d’une compagnie régionale, notamment vis-à-vis des autorités de la concurrence. Des déboires que la SNCM a bien connue, sous l’aiguillon des plaintes en série de Corsica Ferries. Mais c’est surtout la remise à plat globale du système de continuité territoriale préfigurée par ce rapport qui a soulevé le clapot de l’opposition. Le conseiller du Front de gauche Michel Stefani a dénoncé “une diminution du périmètre de la délégation de service public aux seuls ports secondaires, ce que Corsica Ferries défend depuis longtemps (…) J’ai bien peur qu’il s’agisse de fausses bonnes économies qu’au bout du compte on détruise encore plus l’emploi en Corse et que cela coûte plus cher au contribuable.”

Juste avant, l’assemblée avait validé un autre rapport modifiant la délégation de service public passée avec La Méridionale et MCM. Le montant de la contribution de la collectivité pour l’année 2016 passe de 104 millions d’euros à 78, notamment sous l’effet de la baisse du coût des carburants et l’absence de renouvellement rapide de la flotte prévu par MCM. Cette première délibération a plutôt fait consensus même si la responsabilité des économies a été disputée entre l’actuel et le précédent exécutif. Mais une nouvelle coupe, cette fois-ci structurelle, poserait la question d’une réduction des effectifs au sein des compagnies maritimes. De plus, l’intérêt pour la collectivité pourrait être limité, ont souligné plusieurs élus : la tentation serait grande pour l’État de réduire l’enveloppe alloué à la Corse pour assurer la continuité territoriale si celle-ci se trouvait trop large.

Le test des nationalistes

En réalité, le rapport de l’Exécutif fait bien ressortir deux calendriers parallèles. L’un concerne la compagnie régionale, l’autre la remise à plat des subventions publiques. Une période de test de 6 mois est notamment évoquée pour savoir si les liaisons entre Marseille, Ajaccio et Bastia peuvent se passer d’une délégation de service public subventionnée, réservée aux ports secondaires. Virulent, l’ancien président de l’Office des transports de la Corse Paul-Marie Bartoli (parti radical de gauche) a qualifié ce rapport d’“extrêmement dangereux. (…) L’ex-SNCM pouvait aller à Porto-Vecchio et à l’île Rousse car elle avait suffisamment de volume sur Ajaccio et Bastia. La Méridionale pouvait aller à Propriano [pour les mêmes raisons].”

La veille, en commission, son successeur Jean-Félix Acquaviva avait tenté de déminer : ce test, dont les conditions précises doivent être votées en mars, aboutira “très certainement à valider le recours à une DSP. Cependant, il permettra par son objectivité de se conformer à ce qui était préconisé par la Commission européenne”, a-t-il défendu.

“En réalité votre choix est déjà fait, nous pouvons craindre que tout le reste ne soit que de l’habillage”, avait répondu par avance José Rossi (LR-UDI). Pour lui, le test de 6 mois et le délai qu’il entraîne “permet en fait d’espérer mettre l’éventuelle compagnie publique régionale sur les rails et lui donner la possibilité de concourir à l’appel d’offres”. En effet, le contrat actuel de DSP ne tient que jusqu’à septembre, suite à son annulation par le tribunal administratif de Bastia, qui a seulement accordé un délai à la collectivité pour se retourner. Au nom de la réévaluation du marché, le calendrier du nouvel exécutif prévoit un nouveau “contrat provisoire” d’octobre à mars.

Nouveau coup de pression sur le tribunal de commerce

L’autre critique fréquente de l’opposition concerne ce qu’il se joue ces derniers jours sur le continent, au tribunal de commerce de Marseille. Juriste, José Rossi s’est inquiété des manœuvres en cours entre MCM et Corsica Maritima et la pression indirecte exercée par les nationalistes sur le tribunal de commerce de Marseille : “Quand on voit les conditions dans lesquelles il est appelé à statuer on peut s’interroger sur la volonté de respecter le droit.”

Le fil de la journée de jeudi en a fourni une nouvelle illustration. Vers midi, les deux présidents de MCM, Patrick Rocca, et de Corsica Maritima, François Padrona, officialisaient leur rapprochement dans un communiqué. “Corsica Maritima annonce que M. Patrick Rocca devient actionnaire de la société et rejoint ainsi à égalité les 14 associés fondateurs”, annonce-t-il. En retour, la société “CM Holding (en clair Corsica Maritima, ndlr) sera désignée en qualité de présidente de MCM”.

Le futur est encore de mise, mais c’est un nouveau coup de pression sur le tribunal de commerce, qui doit nécessairement valider cette évolution. Dans la journée, ce dernier a d’ailleurs rejeté une première tentative déposée par Patrick Rocca, pour des raisons de forme. Mais le jugement confirme l’opposition exprimée par le procureur de la République. “Voir revenir un candidat repreneur évincé lui paraît compliqué, c’est une question de crédibilité du tribunal”, précise le compte-rendu de l’audience. Le repreneur de la SNCM a déjà prévu de revenir à la charge, une fois qu’il aura mené les consultations du comité d’entreprise.

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