Poussé dehors par Euromed, le Dock des suds ne sait toujours pas où il va
L'avenir du Dock des suds, lieu emblématique des nuits festives marseillaises se pose de nouveau, tandis qu'Euromediterranée souhaite récupérer son espace d'ici décembre 2017. Les partenaires financiers, Euroméditerranée et les responsables du Dock entament les discussions ce mois-ci.
L'ancien site du Dock des Suds accueillera la cité régionale du cinéma. (Photo : Jean de Pena)
À Arenc, les Marseillais viendront-ils bientôt se rafraîchir la voûte plantaire dans un pédiluve au lieu de l’échauffer devant une scène électro de la Fiesta des suds ? Dans une interview à Marsactu, la présidente d’Euroméditerranée, Laure-Agnès Caradec évoquait en effet le projet d’installer la future piscine des cadres du tertiaire en lieu et place de l’actuel Dock des suds.
Si la piscine d’Euromed pourrait au final s’installer ailleurs dans le périmètre, la disparition ou la transplantation du Dock des suds redevient d’actualité. En effet, lors d’une récente conférence de presse, la nouvelle présidente de l’établissement public a réaffirmé que le lieu de spectacle n’était pas compatible avec le projet du parc habité dont les premiers permis de construire sont en cours de dépôt :
“
Dans la foulée, Laure Agnès Caradec a annoncé sa volonté de réunir tous les acteurs concernés dans les jours prochains :“
Interrogées par Marsactu, les deux vice-présidentes en charge de la culture des deux institutions se veulent rassurantes. Pour la région, Sophie Joissains s’engage : “Dans tous les cas, Babel Med se perpétuera”. De son côté, pour le département, Sabine Bernasconi, confirme le soutien à la Fiesta même si elle abonde plutôt dans le sens de la présidente d’Euroméditerranée sur l’aspect immobilier du dossier : “Si effectivement Euroméditerranée prévoit des habitations autour, il faut anticiper les nuisances. Ce n’est pas la même chose pour les quartiers historiques de la nuit, comme le Vieux-Port, où les lieux de fêtes sont implantés au milieu des habitations”.
Expiration du bail
Très concrètement, Euroméditerranée qui a racheté les anciens entrepôts au Grand port maritime de Marseille en 2011, a déjà signifié à l’association Latinissimo – locataire et gestionnaire du Dock – que son bail, renouvelé une première fois en 2014, ne le sera pas après son expiration en décembre 2017. Après des débuts en itinérance voici 25 ans, Latinissimo a ancré la Fiesta dans le lieu en 1998.
Avant d’aménager dans de nouveaux hangars, rue Peysonnel, en 2005 après la destruction du lieu par un incendie. C’est sur les vestiges de l’ancien Dock et dans le nouvel hangar remis à neuf que se tiennent depuis lors, la Fiesta, le festival Babel Med Music et bon nombre de soirées électro tout au long de l’année. Autant dire que trouver un nouveau lieu où transplanter ces activités festives n’est guère aisé.
Plusieurs hypothèses de remplacement ont déjà été abordées entre Euroméditerranée et la direction du Dock des suds comme celle de la construction d’une salle de près de 7000 m2 du côté du marché aux puces, au cœur de l’îlot XXL, sur le périmètre Euroméditerranée II, comme le montre le document ci-dessous.
Autre hypothèse, celle d’un retour à une relative itinérance pour la Fiesta et le Babel Med music avec l’installation d’un chapiteau le temps de l’événement, “boulevard de Paris par exemple”, suggère Bernard Aubert, le directeur artistique des deux évènements qui imagine l’artère “privatisée pour l’occasion”. Il faudrait dans ce cas trouver un local pour l’association. D’autres solutions ont pu être furtivement envisagées, sans être réellement retenues, tels que le J1 et la Villa Méditerranée.
Sans doute plus pragmatique, le directeur du Dock des suds Jean Hubert met en garde ce qui s’apparenterait à un retour à l’itinérance des deux festivals. Selon lui, un tel scénario représenterait une menace pour l’équilibre financier de la structure, reposant autant sur les deux événements majeurs bien implantés dans le paysage culturel marseillais qu’autour des multiples soirées électroniques et événements privatifs : “Chaque année, en plus de ces événements culturels, une centaine d’événements sont organisés pour financer le tout : séminaires, soirées privées, etc. Si on arrête ça, on met la clé sous la porte.”
En d’autres termes, le directeur insiste sur la nécessité de ne pas “éclater” le Dock en une multitude de lieux éphémères mais de conserver un lieu centralisateur qui abriterait l’ensemble des événements. “Et si on nous fait quitter le Dock, pour une salle près des puces par exemple, il faut qu’elle soit immédiatement en état de marche, pas dans six ans…” ajoute-t-il. “Cependant, où est-ce qu’on peut mettre à Marseille 10 000 personnes pour un festival ?” interroge-t-il encore, sceptique. Difficile en effet de trouver l’équivalent des 8000 m² offerts par le bâtiment portuaire. L’idéal, pour Bernard Aubert, serait d’obtenir un nouveau délai de cinq ans afin de préparer un éventuel déménagement.
“Créer du lien social”
Au-delà de la question de la seule survie du Dock des suds ou de ses événements principaux, Jean Hubert soulève celle, en filigrane, de la nécessité de maintenir un tel espace dans le projet urbain : “Euroméditerranée sera sans doute une belle réussite au niveau immobilier, mais si on veut que cela en soit aussi une au niveau de l’urbanisme, il faut créer du lien social. Or, cela se fait avec des fêtes et des rencontres. Euroméditeranée ne doit pas devenir un no man’s land privé de lieux de vie, avec seulement des commerces”. “La question est politique, soutient-il. Quelle position adopte-t-on par rapport à ce lieu ? Si on considère qu’il est important et qu’il doit vivre, on a les moyens pour le faire”.
Cet avis est largement partagé par le directeur artistique de la Fiesta des suds, Bernard Aubert :“Souhaite-t-on faire une ville totalement aseptisée où les jeunes se retrouvent à l’extérieur de la ville pour faire la fête ? Il me semble que l’on accueille déjà des lieux culturels comme le Dôme, le Silo ou encore l’Opéra au cœur de Marseille. La Ville de Marseille a raté une révolution, celle du hip hop. Il serait dommage de faire la même erreur pour l’électronique en la privant d’un lieu. Aujourd’hui, 70% des soirées électroniques marseillaises se passent au Dock”.
Si Bernard Aubert ne se montre pas réellement inquiet pour l’avenir, il indique qu’il regretterait pour sa part de quitter définitivement le Dock des suds : “Je suis certain que la Fiesta des suds et Babel Med continueront d’exister dans tous les cas. Mais la Fiesta vit aussi parce qu’elle est imbriquée dans cet écrin original et patrimonial. Et puis… en tout, avec les partenaires et le ministère de la culture, 4 millions d’euros ont été investis en travaux au Dock. C’est quand même dommage”. “De toute façon, ajoute-t-il, on ne partira pas tant qu’on n’aura pas quelque chose de nouveau en échange”. Une question reste en suspens : qui financera le nouveau Dock, où qu’il soit…
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