Pour remplir la nouvelle école Ruffi, la mairie fait le tri parmi les élèves de l’ancienne

Actualité
le 10 Fév 2020
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Certains parents de l'école Ruffi ont été contactés par téléphone par les services de la mairie. Sans aucune information préalable, ils ont dû faire le choix du transfert ou non dans la nouvelle école. Encore un moyen de limiter les transferts pour "laisser la place aux nouveaux habitants", s'inquiètent certains parents.

Photo : Sandrine Desmaris
Photo : Sandrine Desmaris

Photo : Sandrine Desmaris

L'enjeu

La Ville appelle des parents de l'école Ruffi pour les prévenir que leurs enfants pourront intégrer la nouvelle école. Rester ou partir, les parents, non informés, doivent choisir dans la foulée.

Le contexte

La modification de la carte scolaire de la nouvelle école Antoine-de-Ruffi est devenue un enjeu électoral pour plusieurs candidats.

“Les services de la mairie appellent certains parents pour leur demander s’ils veulent que leurs enfants restent dans la vieille école ou aillent dans la nouvelle. Moi ils ne m’ont pas appelée…”, s’inquiète une maman d’élève de l’école Ruffi, dans le 3e arrondissement.

En novembre dernier, les parents d’élèves de cet établissement en préfabriqués censé être provisoire, apprenaient avec effarement que tous leurs enfants ne seraient pas transférés dans la nouvelle école, construite à une centaine de mètres de là. “Il faut laisser de la place pour les nouveaux habitants [d’Euroméditerranée]”, justifiait alors auprès de Marsactu l’adjointe à l’éducation Danièle Casanova, créant la polémique. Moins de trois mois plus tard, la municipalité ajoute un peu plus à l’injustice en utilisant des méthodes d’inscription pour le moins inhabituelles.

“Mes services téléphonent bien aux parents concernés par le nouveau périmètre”, indique l’adjointe aux écoles Danièle Casanova, confirmant en partie les dires des parents. Celle-ci fait référence à la nouvelle carte scolaire, votée en décembre et qui exclut une partie des élèves de Ruffi. “Nous leur demandons s’ils veulent rester dans l’ancienne école ou aller dans la nouvelle pour faire un pointage, pour prévoir. Il ne faut pas croire, certains ne veulent pas partir, pour des raisons d’organisation.”

Les parents contactés par la mairie apportent cependant une nuance de taille. “On ne m’a pas appelée pour un simple sondage mais pour une affectation officielle, à l’oral. On m’a dit qu’il fallait que je réponde tout de suite pour recevoir un certificat et que sinon, je n’aurais pas de dossier”, détaille Leïla Freih-Elhadj-Mohamed.

Aucune information préalable

“On demande aux parents de répondre directement, alors qu’ils ne sont au courant de rien, ils sont complètement perdus, complète Nazia Klouche, parent déléguée. Je ne crois pas que cela concerne beaucoup de parents, sinon devant l’école, tout le monde en parlerait.” Aucune information au sujet des inscriptions via l’école, aucun courrier reçu à la maison, pas plus de précision sur la cantine, l’étude, les places pour les frères et sœurs… Pour certains parents, il peut être difficile de prendre une décision dans ces conditions.

“Dans le cadre de création d’une école et d’un changement de périmètre, l’élève a le choix entre poursuivre sa scolarité là où il l’a commencé ou changer d’établissement. Mais le délai de réflexion imposé ici est complètement absurde, s’étonne Virginie Akliouat, responsable départemental du syndicat enseignant du premier degré SNUIpp. La moindre des choses c’est d’envoyer un courrier après la décision du conseil municipal sur le nouveau secteur. Mais on connait le problème de la Ville qui travaille dans l’urgence et l’amateurisme. Ce n’est pas normal de traiter ainsi les administrés sur une question aussi importante que l’avenir des enfants.”  

Contactée à nouveau, Danièle Casanova n’a pas répondu à nos sollicitations pour nous aider à comprendre cette urgence. Du côté de la direction académique, censée valider les inscriptions, on dit regarder le sujet de loin seulement. “Les inscriptions sont de la responsabilité de la mairie. C’est effectivement une situation compliquée qui est devenue un enjeu politique. En tant que représentant de l’État, je ne peux pas rentrer là dedans”, justifie Dominique Beck, le directeur académique auprès de Marsactu.

Après la médiatisation de l’affaire, plusieurs candidats à l’élection municipale se sont en effet positionnés sur le sujet. Benoît Payan (PS), tête de liste du Printemps marseillais dans le 2/3 a ainsi demandé à la mairie de reculer sur le périmètre de la nouvelle école. Le candidat LREM Yvon Berland s’est engagé à transférer tous les élèves de Ruffi dans la nouvelle école, s’il est élu maire. Mais en attendant, les coups de fil se poursuivent.

Jusqu’au 10 mars pour changer d’avis

Le directeur académique a tout de même reçu, discrètement, ce vendredi, trois parents d’élèves en manque d’information. “On nous a dit que la nouvelle carte scolaire a été validée car aucune école ne peut fermer, entame Sandrine Desmaris, l’une des déléguées. On nous a aussi dit que les parents appelés avaient jusqu’au 10 mars pour prendre leur décision.” Un point que les services de la mairie n’ont donc visiblement pas pris la peine de préciser systématiquement. “Certains ont été informés, d’autres pas. Moi par exemple on m’a dit que je devais répondre tout de suite”, appuie la mère d’élève. Un traitement différentiel qui doit “dépendre de la personne” qui effectue le coup de fil, a hasardé l’inspectrice qui a reçu les parents de Ruffi, rapportent ces derniers. Certains d’entre eux redoutent plutôt une nouvelle stratégie de ségrégation.

“Les places d’école sont un argument de vente pour les nouveaux logements. Les enfants veulent rester avec leurs copains, les parents qui ne prennent pas le temps de réfléchir peuvent les écouter”, glisse Nadia Klouche. “Qu’est-ce-que ça veut dire ? Est-ce que cela est encore un moyen de limiter le nombre de nos enfants qui vont aller dans la nouvelle école ? Est-ce qu’ils mettent la pression pour casser la mobilisation ?”, ajoute-t-on. Les élections municipales peuvent changer la donne. Ou pas. Les parents de Ruffi sont bien placés pour savoir que les promesses n’engagent que ceux qui y croient.

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Commentaires

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  1. Nassera Benmarnia Nassera Benmarnia

    Ou comment tenter de créer de la division au sein d’un mouvement solidaire de parents d’élèves. En procédant de cette manière, l’équipe Gaudin/Vassal aura pratiqué jusqu’au bout les mêmes méthodes de discrimination, mépris de la population, absence totale de concertation.
    Il est plus que temps de tourner la page!

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  2. Andre Andre

    Un bilan effectué en 2016 faisait état, pour le 3me arrondissement, de 6000 logements neufs déjà livrés ou sur le point de l’être, le tout sur une durée de 5 ans. Et pas une école de plus! Seul l’ancien parc scolaire constitué d’écoles d’avant 1914, complété par des préfas, devait assumer cette explosion démographique comparable à la population d’une petite ville. Des projets d’ écoles programmées dans le cadre d’opérations nouvelles avaient même été abandonnés. On se doit d’ajouter que la mairie de Marseille n’a depuis des années établi aucune planification scolaire alors que de nouveaux quartiers sortent du sol comme dans Euroméditerrannée. Du coup par coup, une classe par ci, une classe par là, quelques nouveaux préfas, en fonction des besoins urgents.
    Du bouche trou….
    Depuis, confrontée à l’évidence, la Ville à lancé, dans le 3me, la construction ou la mise en programmation de quelques écoles: rue Loubon, rue de Ruffi, Docks libres…. A noter cependant qu’aucun emplacement réservé gelant les terrains pressentis pour ces nouvelles écoles n’est inscrit au récent PLUi.
    Bref, la construction de la nouvelle école Ruffi devant remplacer l’ ancienne constituée de préfas a quand même démarré. Il avait été demandé par la mairie de secteur que la capacité en soit sensiblement augmentée pour absorber pour partie l’arrivée de nouveaux élèves.
    Mais, compte tenu de l’absence de prévision, le déficit en classes est tel (+6000 logements) que la municipalité a décidé de maintenir l’ancienne école préfabriquée. Des préfas de très bonne qualité (sic) disait la direction des bâtiments communaux!!
    La polémique au sujet des inscriptions dans lanouvelle école en dur ne pouvait donc qu’éclater face à une gestion du parc scolaire aussi calamiteuse.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Dans quel domaine la Ville est-elle encore capable de faire des prévisions pluriannuelles et de planifier une politique ? On a probablement un problème majeur de compétence et/ou de management dans l’administration municipale, qui ne semble capable que de réagir au coup par coup et au cas par cas, à court terme et sans aucune vision d’ensemble. Même question en ce qui concerne la métropole, d’ailleurs.

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    • petitvelo petitvelo

      “Occupez-vous de vos enfants” comme disait notre édile

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  3. leravidemilo leravidemilo

    A Marseille, “l’orientation” scolaire se fait dans l’impro, sur le tard, sur le pouce, en douce, en laissant le moins de traces possibles pour la suite, en ne prenant pas la responsabilité de ses actes, dans le genre ni fait ni à faire mais c’est fait.
    ça c’est pour la méthode. Mais pour le fond de la démarche, aucun doute, les fondamentaux politiques sont bien là : Mépris, traitements inégalitaires, ségrégation, perrénisation des relégations sociales et spatiales.
    Il se dit, et s’écrit parfois, que Marseille est une ville banale, comme les autres…. Je trouve ce raisonnement assez “hors sol”, je demande à voir, je demande des exemples, que l’on se pointe par exemple avec des propos du genre : J’ai vu faire de la même façon, dans telle ville, pour telle(s) ou telle(s) école, telle année, par telle municipalité…
    Moi, perso, je n’ai jamais, au grand jamais, vu de telles choses se faire.
    Non, il ne faut pas banaliser notre ville. Il n’y a rien à faire, en matière de mépris, d’irresponsabilité voulue, de relégation ségrégation, il faut le dire, on est plus fort que les autres, on est…les meilleurs!

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