Pour les sans-abris marseillais, l’urgence est d’abord de trouver de quoi se nourrir
Pendant que la plupart des Marseillais prennent leur mal en patience confinés chez eux, pour les personnes sans-domicile-fixe à Marseille, l'urgence est ailleurs. Collectivités et associations s'activent pour pouvoir mettre le plus de monde à l'abri, mais en attendant, les questions basiques d'accès à la nourriture et d'hygiène sont la priorité.
Maraude nocturne du Secours catholique auprès de sans-abri à Marseille (2017). Image LC
Dans les rues vidées de Marseille, les forces s’organisent pour faire face à la situation de précarité extrême à laquelle sont confrontées les personnes sans-abri, encore plus grande depuis la mise en place du confinement. Après des premiers jours de “stress et de sidération”, comme le reconnaît un acteur institutionnel, une cellule de crise, pilotée par la préfecture avec l’agence régionale de santé (ARS) coordonne toutes les actions visant à protéger et mettre à l’abri les populations à la rue. Aujourd’hui, les différents partenaires institutionnels (collectivités, 115…) et associatifs semblent commencer à y voir plus clair.
Parmi les mesures annoncées dès la semaine dernière, certaines ont vu le jour et d’autres devraient aboutir d’ici à la fin de la semaine. La préfecture annonce avoir trouvé 256 places dans des hôtels, et compte atteindre le nombre de 300 sous peu. Première structure d’hébergement d’urgence de la ville, l’unité d’hébergement d’urgence (UHU) de la Madrague-Ville devrait pouvoir alléger sa population, puisque 125 de ces chambres vont bénéficier à ses hébergés, l’objectif étant d’alléger le nombre de personnes sur place. La structure accueille en temps normal 284 personnes dans des dortoirs, des conditions incompatibles avec un réel confinement sanitaire. Les équipes de l’UHU devraient être redéployées dans les différents lieux d’hébergement pour continuer leur travail de suivi.
Autre lieu d’hébergement d’urgence majeure, le CHRS Forbin (248 places dédiées) a mis en place un confinement 24 heures sur 24 pour cinquante personne jugées particulièrement à risques en raison de leur âge et de leurs antécédents médicaux. Pour toutes les prises en charge en cours, la durée a été prolongée de 30 jours et pourra l’être de nouveau. Actuellement, selon la préfecture, 1000 personnes sans domicile fixe sont logées à l’hôtel à Marseille.
Parmi les autres annonces, celle de l’ouverture d’un centre d’hébergement spécialisé pour les personnes sans-abri atteintes par le Covid-19 et qui ne nécessiteraient pas d’hospitalisation. Celui-ci doit ouvrir en “cette fin de semaine” mais aucun lieu n’a pour le moment été cité. Il pourra accueillir 78 malades. Des recherches sont en cours pour ouvrir un deuxième centre de ce type ailleurs dans le département.
“Des personnes n’avaient pas mangé depuis deux jours”
Mais la tâche est énorme, quand on compte plusieurs milliers de personnes à la rue à Marseille. Pour le moment, la majorité reste donc “confinée dehors”, comme le disent les acteurs de terrain. Avec ce paradoxe cruel qu’ils sont parfois mieux protégés en étant isolés à l’extérieur que regroupés avec d’autres personnes arrivées d’autres milieux.
“On ne pourra pas mettre tout le monde à l’abri”, reconnaît Sylvain Rastoin, directeur général de Sara-Logisol, association qui pilote notamment le numéro 115 et fait le lien entre les différentes associations mobilisées. Pour lui comme pour tous les acteurs interrogés, “l’urgence, c’est l’alimentaire”.
Après plusieurs jours d’interruption, la plupart des associations “installées” procédant à des maraudes de distribution alimentaires ont repris leurs actions en début de semaine ou devraient pouvoir le faire, avec des effectifs réduits. La préfecture a pu fournir à la plupart d’entre elles gel hydroalcoolique, gants et masques en petites quantités. Les premiers retours pointent un gros problème d’accès à la nourriture depuis que les rues se sont vidées.
“On a vu arriver des personnes qui n’avaient pas mangé depuis deux jours, s’alarme Fathi Bouaroua, qui a repris, avec Emmaüs Pointe-rouge, les petits-déjeuners destinés aux sans-abri aux Réformés depuis mardi 24. Notre inquiétude c’est que les sans-abri meurent non pas du virus mais de la faim”. Avec la majorité de la population confinée, les personnes à la rue perdent à la fois la possibilité de recevoir des dons, de faire la manche, mais aussi de vivre de la revente de ferrailles ou d’objets divers.
Même constat auprès de l’association Vendredi 13, qui mène habituellement des maraudes alimentaires. “On a repris depuis mardi, et dans notre circuit qui couvre le centre-ville élargi, on voit 80 à 100 personnes, qui sont complètement dénutries pour certaines”. Au même rang que la peur d’être malade, la peur de ne pas pouvoir se nourrir imprègne la rue.
Collectivités et associations mobilisées pour distribuer des repas
Un véritable contre-la-montre est donc lancé avec en premier lieu l’urgence de pouvoir nourrir le maximum de personnes, avant de pouvoir penser à les mettre dans des conditions de confinement sanitaires. Les cantines de la Ville de Marseille et de la Ville d’Aix mettent d’ores et déjà à disposition leurs denrées, ce qui devraient permettre d’offrir plusieurs milliers de repas dans les semaines à venir. La Banque alimentaire, elle aussi a gardé ses portes ouvertes, même si ses effectifs sont réduits. Mais la question de la mise en forme se pose, afin que ceux-ci puissent être distribués en format individuel – puisqu’il n’est plus envisageable de rassembler des personnes autour d’un repas.
Pour ce faire, différentes cuisines sont mises à disposition notamment celles de l’Armée du salut, du restaurant social Noga et de Coco Velten. “Mercredi on était à 200 repas, ce jeudi à 500, on espère doubler d’ici à vendredi ou lundi”, indique Sylvain Rastoin. Reste ensuite à procéder à la distribution : en plus des maraudes associatives, les équipes du Samu social de la Ville et les véhicules de la métropole doivent être mis à disposition. La préfecture indique qu’au total, 2100 repas sont distribués en moyenne chaque jour.
Dans les cas des squats et campements, la distribution de nourriture est simplifiée par le fait que les personnes ont souvent accès à des cuisines. Le squat du 59 Saint-Just continue d’être livré en nourriture notamment par Emmaüs Pointe-Rouge, tandis que les équipes du Samu social ont distribué plusieurs centaines de repas dans un important squat situé rue Cazemajou (15e) durant le week-end.
Plus aucune douche accessible
Autre problème majeur celui de l’hygiène. Dans le cas de ce squat, la métropole a fini par rétablir l’accès à l’eau. Sans quoi les dizaines de savons distribués n’auraient pas été bien utiles pour prévenir la propagation du virus. “Un recensement des points d’eau a été opéré et une action a été engagée par l’État avec la métropole afin que l’ensemble des campements soient raccordés au réseau dans les meilleurs délais”, indique la préfecture.
Dans toute la ville l’accès à l’eau est problématique, avec seulement quelques fontaines en centre-ville. Pour le moment, les collectivités disposent de stocks de bouteilles d’eau à distribuer. Comme Marsactu le signalait déjà la semaine dernière, en dehors des centres d’hébergement, il n’y a plus aucune douche disponible pour les personnes sans-abri, la plupart se trouvant dans les différents accueils de jour qui ont fermé leurs portes pour éviter la concentration de personnes en un même endroit.
Le camion-douche de la Ville de Marseille, seule alternative, est lui aussi inutilisable, car impossible à désinfecter intégralement entre chaque utilisation. À l’heure où la plupart des Français sont confinés au chaud chez eux, avec pour recommandation de se laver très régulièrement les mains, mais aussi de désinfecter tous les objets venant de l’extérieur, pour les sans-abris marseillais, la réalité est toute autre.
Commentaires
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merci pour cet article!
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“Restez chez vous”, cruelle injonction…
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Merci pour cette article. Si vous pouvez écrire un article sur la situation des sdf sur Aix, ce serait bien. Ici, c’est le black out total!! Je me suis proposé dans plusieurs endroits mais pour l’instant, j’ai aucun retour. On aimerait bien aider aussi.
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