Pour les femmes de chambre du Radisson, la victoire syndicale se règle au commissariat
Alors que les femmes de chambre du Radisson Blu ont repris le travail après plusieurs semaines d'une grève victorieuse, le conflit a laissé des traces. Depuis le 1er août, elles ont tour à tour été convoquées devant les services de police pour des faits supposés de violences et dégradations en réunion.
Le commissariat de Noaille. (Photo : LC)
“Enfin, c’est fini !”, s’exclame l’une des ex-grévistes du Radisson Blu alors qu’elle quitte le commissariat de Noailles ce mercredi 7 août, à l’issue de son audition. Après une grève de plus de deux mois, les 15 femmes de chambre officiant dans le luxueux hôtel face au Vieux-Port avaient arraché, vendredi 2 août, une revalorisation de leur taux horaire, un 13e mois de salaire, ainsi qu’une limitation des déplacements de dernière minute. Tout en parvenant à braquer les projecteurs sur leurs conditions de travail difficiles.
Seulement, l’histoire ne s’arrête pas là : les salariées sont soupçonnées de “violences et dégradations en réunion”, après le dépôt d’une série de plaintes entre le 8 et le 22 juillet par la direction du Radisson. En cause : des jets de farine, de papiers mâchés, et des tensions avec des clients de l’hôtel. Les ex-grévistes ont ainsi été convoquées pour être entendues par les services de police dès le 1er août, et les auditions se sont depuis étalées jusqu’à ces derniers jours.
“Je n’ai pas dormi de la nuit”
Face aux policiers, “elles sont restées unies, et ont suivi une ligne de défense commune”, relate l’une de leurs avocates, Clara Merienne. “Elles ont simplement raconté la grève, leurs revendications, et surtout le fait qu’elles ont toujours été pacifistes.” Quant aux tensions avec les clients, elles évoquent pour leur part des agressions dont elles auraient été victimes plutôt que l’inverse. Les auditions se sont avérées angoissantes. À la sortie du commissariat, Angelina, l’une des salariées convoquées, est fatiguée. “Je n’ai pas dormi de la nuit, à cause du stress, confie-t-elle. J’espère que je ne connaîtrai plus jamais ça.” Même chose pour Larissa, l’une de ses collègues. “Je n’étais pas tranquille, parce que c’est la police”, avoue l’ex-gréviste.
Ce serait scandaleux qu’il y ait des poursuites.
Clara Merienne, avocate
“Pour moi, ce serait scandaleux qu’il y ait des poursuites, explique leur avocate. Mais maintenant, c’est entre les mains du parquet, même si le Radisson décidait de retirer sa plainte.” Un avis que partage Pauline, syndicaliste à la CNT-SO 13, ayant accompagné les grévistes tout au long du conflit : “Malgré les provocations et les intimidations sur le piquet, elles ont toujours gardé leur sang-froid. Les poursuivre, ça s’inscrirait dans une procédure qui essaye de limiter le droit de grève.” L’une des ex-grévistes étant actuellement à l’étranger, elle ne pourra être auditionnée qu’en septembre, à son retour. D’ici là, les femmes de chambre restent dans l’attente : le choix du parquet de poursuivre ou non ne se fera qu’à l’issue de la totalité des auditions.
Tensions persistantes
Pour autant, le conflit opposant les salariées à leur employeur, la société de ménage Acqua, sous-traitant du Radisson Blu, aura laissé des traces et cristallisé de nombreuses tensions. En témoigne la main courante déposée par le syndicat CNT- SO contre Bernard Marty, le président de l’UMIH des Bouches-du-Rhône, organisation patronale du secteur de l’hôtellerie-restauration. Ce dernier s’était rendu un jour sur le piquet de grève à l’occasion de jets de farine et de papier mâché pour “remettre de l’ordre”, avait-il alors déclaré. “Je venais dans le but d’apaiser les choses, pas de jeter de l’huile sur le feu”, se défend l’intéressé, contacté par Marsactu. En ce qui concerne les plaintes déposées par la direction de l’hôtel à l’encontre des grévistes, Bernard Marty tempère : “À un moment donné, c’est le jeu : les uns revendiquent, les autres ripostent, ça fait partie du syndicalisme. Maintenant, il faut viser l’apaisement et le retour au calme.”
Sur le piquet de grève, les concerts de casserole étaient en effet quotidiens. Carlotta, la patronne du Café des Arts, situé à quelques dizaines de mètres de l’hôtel, était aux premières loges. Et n’en garde pas un très bon souvenir. Le boucan n’a pas fait très bon ménage avec sa large terrasse, qui affichait moins de clients qu’à l’accoutumée. “Il y avait des jours où l’on ne s’entendait pas et où les clients partaient au bout de quelques minutes”, confie la gérante, affairée derrière son bar. “On a même dû faire venir un huissier pour constater les nuisances sonores et essayer de faire jouer notre assurance.”
Retour au travail
“Même si ça cassait les pieds, elles n’étaient pas du tout violentes, ajoute Camille, la serveuse. La jeune femme raconte : “Un jour, un homme qui les avait rejointes sur le piquet a balancé une chaise de notre terrasse sur un jeune qui essayait de piquer le mégaphone des grévistes. On s’est embrouillés. C’était dur pour tout le monde”.“Après, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Je les comprends, elles font des métiers difficiles. Je pense et j’espère qu’il n’y aura pas de poursuites”, reprend Carlotta, la patronne du café. avec un dernier coup de torchon sur le comptoir.
En attendant, les femmes de chambre sont retournées au travail. Si le syndicat craignait de potentielles répercussions, “la reprise s’est bien passée, malgré une ambiance très froide, témoigne une salariée. “La hiérarchie ne nous parle pas beaucoup”, ajoute-t-elle. L’issue du conflit reste en pointillés. Une victoire douce-amère pour les ex-grévistes : suspendues à la décision du parquet, qui ne devrait pas statuer avant septembre. Pour elles, l’été sera long et stressant.
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Elles ont eu un courage incroyable. La façon dont elles sont traitées dans cet hôtel de luxe ( moche en plus) est consternante. Qu’il faille faire 2 mois de grève ( avec perte de salaire) pour obtenir une revalorisation salariale quand on est si mal payé avec des amplitudes horaires scandaleuse est ahurissant !
Et que ces radins-sons attaquent en justice pour trois jets de farine mérite franchement une belle faillite.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Tout est dit.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Yes
Se connecter pour écrire un commentaire.