Pour les délogés, réveillon à l’hôtel et attente interminable au programme des fêtes
Depuis l'effondrement des immeubles de la rue d'Aubagne, près de 1600 personnes ont été évacuées de leurs logements. En ces périodes de fêtes certains n'ont pas le coeur à réveillonner. D'autres entre-aperçoivent peut-être une sortie de crise.
Des occupants d'immeubles évacués après les effondrements de la rue d'Aubagne. (Image BG)
“À Noël j’étais seule dans ma chambre d’hôtel. Je n’ai pas la tête à faire la fête“. Pour Sabine, propriétaire-occupante évacuée de la rue d’Aubagne, les fêtes de fin d’année n’ont pas la saveur habituelle. Pour beaucoup de “délogés” le réveillon de Noël s’est déroulé dans une minuscule chambre d’appart-hôtel, sans cotillon. À la mi-décembre, on recensait environ 1600 personnes évacuées de leur logement. Un Noël donc sans guirlande pour la plupart des personnes qui ont dû quitter leurs appartements insalubres ou sous le joug d’arrêtés de péril.
Pour rendre cette période un peu plus agréable à ces gens qui ont tout perdu et à leurs enfants, l’association des parents d’élèves (APE) des écoles Chabanon et Bergers ont organisé une “grande fête au théâtre de l’Oeuvre” le 23 décembre dernier. Marie Batoux, une des initiatrices du collectif du 5 novembre et parent d’élèves dans cette école, explique qu’il était important de “créer un moment convivial ce dimanche pour les familles sinistrées“. Au programme : concert, fanfare et contes lus. Toute l’après-midi, enfants comme parents ont pu mettre de côté les conditions difficiles dans lesquelles ils vivent depuis le drame du 5 novembre à Noailles. Des initiatives festives, il y en a eu d’autres : deux goûters au Molotov, une soirée aux Rotatives de La Marseillaise, ou encore le concert de soutien avec IAM, Keny Arkana et d’autres stars marseillaises à l’Espace Julien. Mais tout le monde n’avait pas toujours le cœur à la fête.
“Je vis mal d’être à l’hôtel”
“Le 24 décembre on est restés dans la chambre de l’appart-hôtel moi et ma maman de 73 ans“, confie Naïma, ancienne habitante du 61, rue d’Aubagne. Elle et sa mère sont provisoirement logées dans un hôtel rue de Ruffi à la Joliette. Bilel Bent Djelali, évacué de la rue des Phocéens, raconte également que son voisin, logé dans le même appart-hôtel, a passé Noël seul dans sa petite chambre. Comme pour Bilel, ou Sabine, relogée dans un hôtel proche de la porte d’Aix, la situation n’avance pas. “Je vis mal d’être à l’hôtel. Alors certes j’ai un toit sur la tête, je ne me plains pas. Mais il faut dire que c’est pas folichon“, avoue, la voix chargée d’émotion, l’habitante du 70, rue d’Aubagne.
Pour Naïma, “l’hôtel c’est bien pour les vacances, mais c’est quand même pas une vie“. Bilel tient le même discours : “l’appart-hôtel 2 semaines d’accord, mais y en a qui sont là depuis presque 2 mois !“. Selon lui, certains sinistrés comparent ce logement provisoire à “une prison“. Trop petites aux yeux de beaucoup, les chambres n’ont rien de suites du Club Med. “La seule pièce séparée c’est la salle de bain ! Sinon c’est une pièce qui sert de chambre et de cuisine. Quand on fait à manger tous les habits sentent la friture“, détaille Bilel. Compliqué dans ces conditions de recevoir des convives.
“Ils partent en vacances en nous laissant dans la merde !“
L’objectif de Sabine comme de tout le monde : “réintégrer au plus vite nos logements“. Mais rien ne semble avancer. Une réunion s’est tenue avec les propriétaires mercredi 19 décembre à l’Alcazar en présence de fonctionnaires de la Ville. Depuis lors Sabine et les propriétaires-occupants d’appartements évacués se démènent “pour mettre en place des expertises que la mairie nous oblige à financer par nous-mêmes“. Une tâche qui s’avère complexe à réaliser, explique-t-elle : “on est à la recherche de devis d’experts et certains gonflent leur prix jusqu’à 6 500€, d’autres propriétaires ont même eu droit à des devis de plus de 15 000€. Et 1 million aussi non ?”
Lors de cette même réunion, un technicien de la Ville leur a expliqué, relate Sabine, que “tous les délogés sont interdépendants les uns des autres. En clair, il faut être sûr que le 72 et le 68 soient des immeubles sains pour pouvoir réintégrer le 70″. Sauf que dans le cas de Sabine, personne ne sait qui s’occupe du syndic du 68. Quand au numéro 72 impossible de connaitre le nom du cabinet qui a effectué l’expertise, “même le brocanteur occupant le rez-de-chaussée ne le sait pas” s’indigne-t-elle.
Du côté de Naïma et sa mère, locataires, même galère : “on nous a fait visiter un duplex boulevard de Paris avant Noël, mais depuis pas de nouvelle. Les gens de Marseille Habitat partent en vacances.” Même sentiment général pour Sabine : “ils partent en vacances en nous laissant dans la merde ! Même mon psychologue était trop occupé à penser à ses vacances !”
L’espoir du retour à la maison
Si pour Bilel Bent Djelali une porte semble s’ouvrir, tout reste encore à faire : “jeudi dernier une dame de chez Erilia [son bailleur, ndlr] est passée. Elle nous a montré sur son téléphone une sorte d’attestation disant qu’après les travaux de rénovation on serait prioritaire à la réintégration. Mais on a zéro garantie de retourner dans nos logements.”
En revanche, la situation se décoince pour une habitante de la rue d’Aubagne qui a pu réintégrer son logement ce vendredi. Entre le passage d’agents EDF et le rétablissement de sa ligne de gaz, elle explique son soulagement mais s’indigne qu’en réalité “rien n’a changé dans sa rue“. Vendredi soir, la mairie de Marseille annonçait que 50 immeubles ont pu être réintégrés par leurs habitants, soit 318 personnes. 52 baux ont par ailleurs été signés, permettant à 79 personnes de trouver un nouveau toit pérenne.
Pour l’heure, de nombreuses familles restent encore coincées dans des chambres d’appart-hôtel, trop petites pour poursuivre un quotidien normal. Dans le but de soulager, pour quelques heures, les personnes sinistrées, les bénévoles du 11 rue de l’Arc prévoient une soirée de réveillon aux Rotatives de La Marseillaise le 31 décembre. Un moment de répit pour ces délogés qui se sentent abandonnés par la municipalité.
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J’ai été délogé du 83 rue Terrusse dans le 5ème le 18 novembre et recasé dans une chambre de l’hôtel Ibis Timone seulement le 30 novembre à cause de l’incurie de la cellule des populations évacuées de la rue Beauvau. Mis à la porte de cet hôtel une dizaine de jours plus tard, j’attends toujours la réponse de la gérante de cet établissement à ma lettre de réclamation. Réintégré dans le même hotel
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… Réintégré dans ce même hôtel environ une semaine plus tard grâce l’intervention énergique d’une avocate auprès des autorités municipales, je pense souvent à toutes les personnes qui se trouvent dans une situation bien pire que la mienne, je suis un petit retraité grand invalide, en particulier les familles qui ont été parquées au gymnase de la rue de Ruffi, pendant que tous ces profiteurs de la mairie et leurs amis se gobergent à en crever.
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