Pour la Cour des comptes, l’État a failli face aux dérives de la fédération des chasseurs

Actualité
le 3 Fév 2023
6

15 000 adhérents, des missions de service public et des dérives à la pelle : la Cour des comptes revient sur six années de gestion chaotique de la fédération des chasseurs des Bouches-du-Rhône. En soulignant les manquements des autorités de contrôle.

Le siège de la fédération des chasseurs, situé à Puyricard. (Photo : DR)
Le siège de la fédération des chasseurs, situé à Puyricard. (Photo : DR)

Le siège de la fédération des chasseurs, situé à Puyricard. (Photo : DR)

Un jour, les agents de l’État ont carrément décidé de ne plus assister à l’assemblée générale de la fédération des chasseurs des Bouches-du-Rhône (FDC 13). Par peur. “La montée des tensions avec la FDC 13, ne permettant plus une présence physique en toute sécurité”, ont assumé les fonctionnaires. Ils n’iraient plus contrôler cette association aux 15 000 adhérents, chargée de plusieurs missions de service public.

Cette décision faisait suite à des années de mise sous coupe réglée par une poignée de dirigeants qui vaudra à deux reprises à l’association d’être placée sous administration judiciaire. La Cour des comptes revient dans un rapport rendu public le 2 février sur ces dérives, nombreuses, dans un examen de gestion portant sur la période 2015-2020. “La fédération départementale des chasseurs des Bouches-du-Rhône a connu une gestion défaillante, menée par un conseil d’administration verrouillé”, résument les magistrats.

Pas de démocratie associative

Une poignée de présidents de sociétés de chasse locales pouvait cumuler des centaines de procurations, remplies en blanc dès l’adhésion, pour s’assurer de la majorité absolue en assemblée générale et ainsi gérer à leur guise la boutique. Comme Marsactu l’a largement documenté, tous les pans de la gestion associative sortaient des clous. La fédération, longtemps présidée par Jo Condé, dont l’influence s’est prolongée jusqu’en 2020 malgré deux condamnation pénales, dérivait financièrement mais aussi dans ses missions de service public, comme la protection et la régulation de la faune sauvage ou l’organisation des examens pour les permis de chasse.

Sur tous ces points, l’État représenté par la préfecture des Bouches-du-Rhône aurait dû être beaucoup plus ferme et a fait preuve d’un contrôle “insuffisant”, estiment les sages de la rue Cambon :

Aucun service de la préfecture n’a, pour les exercices sous contrôle, réellement analysé les budgets, les comptes et les comptes-rendus des assemblées générales à l’appui des choix de la fédération départementale des chasseurs, ni le bon niveau des moyens dévolus aux missions de service public.

Les services de l’État assurent ainsi ne pas avoir eu les moyens de contrôler l’indemnisation des dégâts de grand gibier. Il s’agit de l’obligation de dédommager les sociétés agricoles victimes du passage de ces bêtes. Sur 4120 exploitations, “12 exploitations ont perçu des indemnités d’un montant cumulé de 482 660 €, soit 48 % du montant total d’indemnités versées par la fédération entre 2015 et 2020”. Une anomalie statistique pointée par la Cour des comptes que personne n’est encore à ce jour en mesure d’expliquer complètement.

Lapins espagnols trop chers et armes perdues

L’État n’est pas davantage intervenu pour stopper l’importation de près de 40 000 lapins espagnols pour compenser la baisse des effectifs de lapins de Garenne. L’opération a coûté un demi-million d’euros aux sociétés de chasse membres de la fédération et représenté une perte sèche de 132 000 euros pour cette dernière. Pour ces deux dernières opérations, le “schéma de gestion cynégétique” qui encadre la pratique de la chasse en lien avec son environnement, n’a tout simplement pas, “compte tenu du contexte à la FDC 13, pu être mis en œuvre”, a admis la préfecture auprès des magistrats.

Concernant les permis de chasse, c’est sur la gestion des armes que la Cour s’alarme sans que la préfecture n’ait semblé particulièrement se préoccuper de la question. Prévues pour la seule formation des futurs chasseurs, certaines étaient achetées en nombre et sans réel contrôle. La Cour a ainsi trouvé “deux armes déclarées au nom d’un ancien dirigeant, une arme avec silencieux et une arme de collection sans utilité pour la formation”. Pire encore, au dernier relevé de 2020, certains fusils n’ont “pas de papiers d’immatriculation en règle” ou sont portés “disparus” sans qu’une plainte soit déposée.

En bout de course, la Cour ne peut que constater que c’est bien “l’action d’une association de chasseurs [la CDC 13, ndlr] et de salariés de la fédération départementale des chasseurs, lésés par la gestion et le comportement des dirigeants [qui] a permis la saisine de la justice pour la désignation d’un administrateur judiciaire”. Une reprise en main qui, si elle n’a pas réglé tous les problèmes, a tout de même permis de mettre certains dossiers au carré.

Cet article vous est offert par Marsactu
Marsactu est un journal local d'investigation indépendant. Nous n'avons pas de propriétaire milliardaire, pas de publicité ni subvention des collectivités locales. Ce sont nos abonné.e.s qui nous financent.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. barbapapa barbapapa

    Et c’est cettee engeance là qui reçoit des sommes folles pour des missions d’intérêt public !????
    Lu sur public senat : les chasseurs ont touché 11,3 millions de subventions et de concours public sur l’année 2020-2021 (de juillet à juin) alors qu’en 2016-2017 les subventions accordées à la Fédération nationale des chasseurs (FNC) atteignaient 27 000 euros

    Signaler
  2. BRASILIA8 BRASILIA8

    Et comme d’habitude,le rapport de la Cour des comptes , finira dans un placard et le Préfet continuera à regarder ailleurs c’est qui est meilleur pour sa carrière compte tenu de la position du Président de la République vis à vis des chasseurs

    Signaler
  3. Manipulite Manipulite

    A quoi pense un préfet ? A son futur poste. Pour cela il faut qu’il soit copain avec les potentats locaux qui sont consultés pour les nominations. Le reste est calcul cynique et jeu du mikado : le premier qui bouge a perdu.
    Bravo aux quelques courageux dont les salariés qui ont réagi en alertant la justice à leurs risques et périls.

    Signaler
  4. Richard Mouren Richard Mouren

    Chouette, le siège de la fédération départementale…….Y sont bien, là, les chasseurs dépositaires de missions de service public. S’il y a un manque d’argent, ça peut être vendu à un prix correct……;

    Signaler
  5. Un urbaniste Un urbaniste

    J’hallucine. Une honte.

    Signaler
  6. petitvelo petitvelo

    On aimerait avoir le commentaire des instances nationales privées comme publiques sur la situation.

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire