Policiers “escortés” par des scooters, un clip de rap à l’origine de la vidéo choc

Info Marsactu
le 24 Mai 2018
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Ces jours-ci, plusieurs médias et politiques ont diffusé une vidéo montrant une voiture de police "escortée" par des dizaines de jeunes en deux roues. Illustration selon eux des "difficultés de la police à faire respecter l'ordre dans les quartiers nord". Marsactu s'est penché sur la réalité de ces images, qui ne sont autres de celles du tournage d'un clip de rap.

La vidéo choc reprise par plusieurs médias était en fait issue d
La vidéo choc reprise par plusieurs médias était en fait issue d'un clip de rap. (capture youtube)

La vidéo choc reprise par plusieurs médias était en fait issue d'un clip de rap. (capture youtube)

“Regardez comment les policiers sont traités, et j’en ai plein d’autres des vidéos comme ça. Ce que je veux dire, c’est que ce sont des scènes du quotidien !”. Ce mercredi 23 mai, Samia Ghali, Sénatrice PS des Bouches-du-Rhône, s’indigne sur le plateau de CNews. L’ancienne maire des 15e et 16e arrondissements est invité à la suite des évènements de la Busserine où, ce week-end même, un commando armé a mis en joue des policiers.

Sur le plateau, elle réagit cette fois-ci à la diffusion d’une vidéo de quelques secondes sur laquelle l’on croirait voir “une voiture de police poursuivie dans le parking d’un centre commercial des quartiers nord de Marseille, par des dizaines d’individus en deux roues”, ainsi que le décrit une voix off avant de poursuivre, “le message semble clair : les motards veulent raccompagner les policiers vers la sortie. Une manière de leur rappeler que leur présence dérange.” Une vidéo tournée par un journaliste de RTL, Hugo Amelin.

S’agit-il, comme le laisse-t-on entendre, d’une scène révélatrice d’un climat tendu et violent à Marseille ? Et plus particulièrement dans les “quartiers nord” de la ville, “zone de non-droit” ? Marsactu s’est intéressé à la réalité de ces images et il semblerait que l’exemple soit mal choisi. Selon nos informations, il ne s’agit là pas de policiers raccompagnés vers la sortie par des “dizaines d’individus en deux roues”, mais d’un tournage de clip sans autorisation comme plusieurs commentateurs l’ont très tôt souligné sur les réseaux sociaux tout comme France 3 Méditerranée.

Le tournage d’un clip de rap

Ce samedi 31 mars, plusieurs dizaines de jeunes gens sont en effet réunis sur le parking du centre commercial Grand Littoral, dans le 15e arrondissement. “Ce sont des gars qui font souvent de la moto sur un terrain à côté, ils se donnent régulièrement rendez-vous ici. Ce jour-là, c’est nous qui les avons appelés pour qu’ils viennent”, explique Fayswal Saïd. Car ce jour-là, Fayswal Saïd, gérant de la boîte de production Réussir et Mourir, et ses collègues, organisent le tournage d’un clip. Le clip en question doit illustrer un titre du rappeur Elams, distribué par Allpoints, label entre autres d’Oxmo Puccino, Björk, Arthur H ou encore Jul. Dès les premières secondes du clip, posté un mois plus tard sur les réseaux sociaux, apparaît en effet la scène commentée par Samia Ghali sur CNews et diffusée par plusieurs autres médias qui semblent en ignorer le contexte.

Car loin de la violence mise en avant par les commentaires, toutes les parties prenantes dans cette histoire s’accordent à dire que le tournage s’est déroulé dans le calme. À commencer par la police elle-même. “Il faut remettre les choses dans leur contexte. Les images brutes sont spectaculaires mais ça reste le tournage d’un clip. Il n’y a eu ni agression ni interpellation. Ce n’est pas du tout un contexte violent”, réajuste-t-on d’emblée à la direction départementale de la sécurité publique (DDSP). Et si les conducteurs de deux roues présents sur la vidéo n’étaient pas entièrement dans la légalité – “c’est vrai que certains n’avaient pas de casques”, fait-on encore remarquer à la DDSP – ils sembleraient qu’ils aient obtempéré aux ordres des policiers.

“Pas d’incident, pas de violence”

“Ces jeunes s’étaient rassemblés sur le parking sans autorisation, nos agents de sécurité sont allés sur place. Les jeunes n’étaient pas agressifs, mais ils n’ont pas voulu partir. Alors on a appelé la police, entame Pierre-François Duwat, directeur du centre commercial. Les policiers sont venus, ils ont négocié qu’ils ne tardent pas à finir le tournage et ils ont attendu jusqu’à la fin.” Et sont donc repartis. “Des petits malins ont trouvé ça drôle de filmer la scène mais il n’y a eu ni incident ni violence, poursuit le directeur. Les jeunes sont venus squatter, on a fait notre boulot, ils ont voulu faire les malins, mais il n’y avait rien de grave”. 

“Rien de grave” donc, selon toutes les parties prenantes dans cette vidéo pourtant diffusée sur CNews en écho à la descente -très grave elle – d’un commando armé à la Busserine. Sorties de leur contexte, les images ont été assorties de commentaires sur les quartiers “laissés à l’abandon” décrits par la sénatrice, ou sur “la difficile mission des policiers pour y faire respecter l’ordre public”, comme l’écrit RTL sur son site.

Une tournure qui a surpris les premiers concernés, même s’ils se réjouissent du buzz ainsi produit. “Nous, on a voulu faire ça pour faire parler. Mais quand j’ai vu ces images passer à la télé, juste après ce qui s’est passé à la Busserine, j’ai été choqué. En plus Elams, même s’il a déjà eu des problèmes avec la police, ce n’est pas un méchant”, recadre Fayswal Saïd.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, sur ce coup, la police est d’accord avec les rappeurs des “quartiers nord” et autres “individus en scooter” : “Il y a eu une course médiatique, 120 heures après la Busserine, certains se sont précipités. Nous, on a vu le clip, et  il n’y a rien de vraiment violent. Il n’y a même pas le mot “police” dedans. Ce sont des jeunes qui racontent leurs histoires avec les filles”. Mais ça, c’est un autre genre de problème.

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Commentaires

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  1. Happy Happy

    Qui pourrait raccompagner Samia Ghali vers la sortie svp ?

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    • hervechik hervechik

      Haha, excellent !

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  2. LaPlaine _ LaPlaine _

    Le dernier “défilé” de scooters et autres deux-roues sur le Vieux-Port au milieu des enfants et des touristes interloqués était bien réelle même si l’on se situait à un autre niveau dans ce cas précis.

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    • Mars1 Mars1

      Pouvez-vous donner quelques précisions : quand, où, de quel niveau s’agit-il ?

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  3. JYM JYM

    Je découvre… Pauvre sénatrice! Ce que c’est d’être si loin des gens quand même!

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  4. Voyageur Voyageur

    Je ris, mais je ris !
    Vous savez quoi ? Les artistes ont toujours raison : très symbolique et très juste ce “défilé”. Le trafic n’épargne pas le centre ville. Qu’est-ce que vous croyiez, que ça allait se limiter longtemps aux quartiers Nord ?

    C’est pas la police qui mène la danse ici. Cela dit c’est pas non plus les trafiquants qui ne sont qu’un échelon de la hiérarchie.

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