Plus belle la pub à Marseille et sur le service public

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le 27 Juil 2010
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Plus belle la pub à Marseille et sur le service public
Plus belle la pub à Marseille et sur le service public

Plus belle la pub à Marseille et sur le service public

Des panneaux publicitaires dans les rues de Marseille, rien que de très habituel. Mais des affiches 4 par 3 dans le quartier virtuel du Mistral, QG de Plus Belle la Vie, voire dans d’autres lieux de la ville, c’est déjà plus étonnant… C’est pourtant ce que vous verrez à la rentrée dans la série de France 3. Cette idée signée Clear Channel, l’afficheur rival de JC Decaux, est possible grâce à l’autorisation depuis le mois de mars du placement de produits à la télévision.

De la pub clandestine au placement de produit

Qu’es aco ? Il s’agit de faire apparaître des produits pendant des programmes, avec éventuellement une citation de la marque, le tout contre rémunération. Bref, ce qui s’appelait de la « publicité clandestine » il n’y a pas si longtemps. Un marché qui pourrait atteindre 70 millions d’euros par an (un sixième tout de même de la pub classique). Le principe était déjà utilisé de longue date au cinéma, comme en témoigne James Bond et sa voiture ou ses montres dont personne n’ignore la marque. C’est désormais possible dans « les fictions audiovisuelles et les vidéomusiques, sauf lorsqu’elles sont destinées aux enfants« , selon le texte de la délibération du conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

En attendant d’innover avec les panneaux publicitaires virtuels, Plus Belle la Vie est d’ailleurs également la première à en avoir profité, en « plaçant » un test de grossesse Evolu-pharm dans un épisode diffusé mi-juin. Une première conforme au principe fixés par le CSA, à savoir que « le placement de produits ne doit pas apparaître de manière injustifiée, il doit s’inscrire dans le scénario, c’est-à-dire que l’on ne doit pas par exemple voir une marque de soda apparaître subitement alors que personne n’est à table ou que personne n’a soif ou que ça ne se justifie pas dans le scénario« , comme l’explique à BFM Christine Kelly.

Contrainte sur les créateurs

Un cas d’école plutôt sobre qui ne rassure pas de nombreux acteurs du milieu.   »Tout ça est absurde. Alors qu’on nous a libérés de l’emprise de la pub sur le Service Public, cette intrusion est une contrainte encore plus violente. Imaginez qu’avant le lancement d’un projet, des agences lisent le scénario et disent : “Faut ajouter ça dans le dialogue, faut changer le montage pour bien montrer telle image !” », s’insurgeait en mai 2009 dans Télé Cable Sat Hebdo Laurent Jaoui, alors président du Groupe 25 Images.

Plus subtil, Jean-Pierre Igoux, lui aussi membre de cette association de réalisateurs, rappelait que « l’audience minimum d’une fiction descend rarement en dessous des trois millions de personnes… Les annonceurs auront donc intérêt à placer leurs produits dans ces œuvres. Et ils ne choisiront pas n’importe quelle histoire. Les producteurs qui auront besoin de leur argent devront en tenir compte. De sorte que la réforme de l’audiovisuel, loin de supprimer la pression des publicitaires sur les programmes, l’introduit, comme jamais, au cœur du réacteur. » Chassez la pub par la porte, elle revient par la fenêtre.

Spectateur forcément consommateur

Quand on voit le texte de l’offre qu’une agence de comm’ a faite pour un téléfilm de TF1, on n’est pas plus rassuré. L’association Acrimed expliquait ainsi qu’un syndicat fromager de Franche-Comté s’est vu proposer une « citation orale d’une appellation fromagère de votre choix », la « création d’un dialogue valorisant votre produit« , la « consommation et visualisation de votre produit à l’image » etc. Dans l’argumentaire, les pubards expliquaient qu’ »utiliser la fiction audiovisuelle comme média, c’est se rendre acteur du programme, en profitant de la démarche volontaire et ludique d’un « spectateur-consommateur » ciblé qui s’identifie aux héros. »

« J’adore », grince Charlotte Menner, présidente de l’association Résistance à l’agression publicitaire (RAP). « C’est typiquement le vocabulaire guerrier de la pub, où à un moment donné on est toujours ciblé. Mais est-ce qu’on est obligé d’être un consommateur, un porte-monnaie, ou est-ce qu’on ne peut pas être simplement un citoyen, un spectateur ?« , interroge-t-elle. Membre du collectif des Déboulonneurs, Nicolas Hervé nuance : « j’ai le choix de ne pas regarder telle ou telle série télé. Si cela devient insupportable, les gens ne regarderont plus. Contrairement à l’affichage auquel on ne peut pas échapper car on ne va pas rester cloîtré chez soi. »

Les producteurs comme les annonceurs l’ont bien compris. Vacances obligent, Christophe Marguerie le président du groupe Telfrance qui produit la série, n’était pas disponible pour répondre à nos questions. Mais il expliquait à Télé 2 Semaines que « nous le ferons tout en respectant la ligne éditoriale du feuilleton, on ne va pas tuer la poule aux œufs d’or !« . Même discours apaisant du côté des annonceurs, qui expliquent qu’ils essaient de la jouer en finesse et que trop de placements tuerait le placement.

Mélange des genres

Mais entre des panneaux virtuels à la télé ou des panneaux réels dans la rue, Nicolas Hervé se refuse à préférer l’un à l’autre. « Cela s’inscrit dans la tendance à la recherche de nouveaux supports, de nouveaux moyens pour imposer des messages publicitaires car on est arrivé à saturation pour les modes classiques. Cela se fait de manière de plus en plus insidieuse pour qu’on ne puisse pas y échapper, via l’espace public, ou l’utilisation de lumière. Le placement de produit n’est qu’un élément de la vague qui essaie de contourner nos barrières intellectuelles avec un approche que l’on retrouve dans les recherches sur le neuromarketing« , analyse-t-il.

« Le phénomène est très simple : on est confronté à environ 700 messages par jour, ce qui est assez insupportable. Chacun développe donc des stratégies d’évitement. D’où la mutation du mélange des genres, qui fait que la pub ne reste plus dans son cadre classique mais déborde comme sur les publi-rédactionnels dans les journaux », complète Charlotte Menner. Face aux promesses d’un insertion soft dans les programmes, elle estime que c’est justement le problème : « au moins quand on dit clairement que c’est de la pub, on sait à quoi s’en tenir« , tranche-t-elle.

Un lien La revue de presse, très complète mais limitée à l’année 2009, du Groupe 25 Images

Un lien Le tour de la question avec Acrimed

Un lien Les panneaux de pub s’incrustent dans les séries télé, par Le Figaro

Un lien En complément, l’interview par la Tribune d’un spécialiste de l’ »ingénierie culturelle »

Un lien Un article sur le neuromarketing de la revue Sciences Humaines

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