Plaisance : la fin du "commerce des places" ?
Plaisance : la fin du "commerce des places" ?
“Vend bateau avec place”, ou même parfois tout simplement “vend anneau au Vieux-Port”. C’est le genre d’annonce que l’on trouve encore sur Internet. Il y a quelques mois, les passagers de la navette maritime pouvaient en apercevoir une au port de la Pointe-Rouge, collée sur une modeste vedette. Pourtant, dans ces deux ports comme dans les 22 autres de Marseille Provence métropole (MPM), une place ne peut pas s’acheter, elle appartient à la communauté urbaine. La loi prévoit en effet que les anneaux ne peuvent être occupés qu’à titre précaire et personnel, le plus souvent sur une base annuelle.
Officiellement, cette cession de place en même temps que le bateau – pratique dite du “transfert d’usage” – n’a désormais plus cours. “Dès 2005, l’une des préoccupations principales de MPM en matière portuaire a été de régulariser les procédures d’attribution des postes à flot en essayant de supprimer le transfert d’usage”, nous assure la communauté urbaine. “Quand je suis arrivé, il y avait déjà un rapport de la chambre régionale des comptes [CRC]. J’ai récupéré le bébé, j’ai essayé de régler le problème, de trouver un équilibre sans faire trop de casse au niveau de la dynamique des clubs”, explique son ancien président Eugène Caselli (PS), qui pendant son mandat a “commandé deux audits sur le sujet” à son inspection générale des services.
Listes d’attentes inutiles
Ce transfert d’usage avait fini par rendre totalement inutiles les listes d’attente pour obtenir une place au port. Quand elles existaient. En 2008, cinquante personnes attendaient une place auprès de la société nautique de Marseille (SNM), qui en gère 527 sur le Vieux-Port. “Le délai minimum d’attente est de 9 ans”, indiquait alors la SNM dans son rapport dans le cadre du contrat de délégation de service public passé avec MPM. Si “au cours de l’année 2008, aucune attribution n’a été effectuée, 19 changements de propriétaires ont été enregistrés”. Autrement dit, cette année là, les postulants se sont fait souffler 19 places par “transfert d’usage“.
Année après année, des chiffres similaires sont livrés par les rapports de la délégation de service public (DSP). La liste d’attente qui, certaines années, n’est même pas communiquée à MPM, compte seulement de moins en moins d’inscrits, ne restant que les plus persévérants. Les plus naïfs, diront certains. Ils ont bien une chance lorsque une place est libérée par un plaisancier qui déménage son bateau dans un autre port, “mais cela se compte sur les doigts d’une main”, admet Raymond Lamberti, président de la société nautique de Marseille. C’est aussi le cas pour les deux autres DSP, le CNTL sur le Vieux-Port (904 postes à flot) et l’YCPR à la Pointe-Rouge (721 postes).
Ce constat a été dressé dès 1998 par la chambre régionale des comptes (CRC) :
Les seules possibilités d’obtenir une place gérée par la ville sont soit l’intervention politique (à condition qu’il y ait à ce moment une place disponible, ce qui est rare), soit l’achat d’un bateau avec la place.
Sur fond de pénurie qui touche toute la façade méditerranéenne, ce “commerce des places” donnait “la possibilité aux occupants qui ont été bénéficiaires d’une intervention de tirer profit matériel de cette faveur lors de la vente de leur bateau, bonifiée du prix de la place”. Laissant de côté cet aspect dont procureurs et juges auraient pu faire leur miel, la CRC notait que ce système “lie dangereusement” la collectivité (à l’époque la mairie, aujourd’hui MPM). “Acceptant ce système, on voit mal comment elle pourrait reprendre la gestion d’une place qui a été « achetée » par son occupant.”
Révolution en douceur
Ceci explique peut-être que la réforme ne s’est pas faite sans douleur. MPM s’est d’abord attaquée aux places qu’elle gérait en direct, environ 2400 anneaux soit un tiers des postes à flots. “En revanche, la plupart des sociétés nautiques, y compris les titulaires d’une délégation de service public ont toujours été farouchement opposées à la suppression du transfert d’usage”, précise la réponse écrite que nous a fait parvenir MPM. “La réglementation n’était pas facile à appliquer du fait des habitudes ancestrales. Théoriquement, même les enfants qui récupèrent un bateau ne devraient pas avoir droit à un anneau”, illustre Eugène Caselli.
En 2012 et 2013, les trois contrats de DSP ont finalement été amendés pour interdire clairement le transfert d’usage. Mais le rapport 2013 de l’YCPR, présenté au conseil communautaire en décembre dernier, ne contredit pas les précédents. Le document précise bien qu’il n’y a eu “aucune attribution par changement de propriétaires conformément à l’avenant mentionnéau paragraphe II”. En revanche, “le délégataire a accueilli en qualité de passagers 23 plaisanciers ayant acquis le bateau d’un ancien usager de la DSP”. Pendant ce temps, “aucune attribution sur liste d’attente n’a été effectuée”, au grand dam des 18 inscrits.
On peine à voir les effets de la révolution annoncée. La subtilité réside en fait dans le statut des plaisanciers acquéreur d’un bateau, qui sont “accueillis en qualité de passager de longue durée”. Le compromis trouvé par MPM avec les société nautiques prévoit qu’ils bénéficieront de l’anneau pendant six mois renouvelables trois fois, soit deux ans au total. “On est revenus à ce qui se faisait 10 ou 15 ans en arrière. On appelait ça postulat, l’adhérent avait 2 ans pour faire sa probation, participer aux activités du club”, commente Christian Tommasini, président de l’YCPR. “C’est un moyen pour la communauté urbaine de récupérer des recettes, car le prix passager est beaucoup plus important”, souligne Eugène Caselli.
Premiers tests en début d’année
À l’issue de ces deux ans comme passager, l’heureux propriétaire du bateau peut-il espérer conserver sa place, comme c’était le cas auparavant ? Christian Tommasini compte bien le lui permettre. “On le proposera. Ce sera accepté ou pas par la commission d’attribution, mais c’est un avis consultatif…” Cette commission, composée du président du club, d’un usager et de trois élus, est l’autre nouveauté mise en place par MPM. Si son avis n’est que consultatif, Christian Tommasini aura du mal à trop s’y opposer avant la remise en concurrence des DSP, qui prennent fin en 2016.
Son homologue de la société nautique de Marseille, Raymond Lamberti, se place davantage dans la ligne : “Aujourd’hui le transfert d’usage n’existe plus. Lorsqu’un bateau est vendu, l’acheteur n’a aucun droit à la place”. Le propriétaire-passager intégrera seulement la liste d’attente. “Cela limite certaines dérives comme les ventes de bateaux surestimées. Les gens ne voudront plus payer très cher une épave s’ils n’ont aucune garantie d’avoir la place”, poursuit-il.
Même si en pratique, “on ne peut pas dire « premier arrivé, premier servi »”. En fonction des mensurations du bateau qui a été vendu, la place potentiellement disponible ne conviendrait pas à tous les inscrits sur la liste d’attente. “La plupart des bateaux qui se vendent sont anciens”, donc souvent “plus étroits”, note-t-il. Les premiers cas pratiques se présenteront en ce début d’année et permettront de vérifier la portée de la réforme.
Extrait du rapport de la chambre régionale des comptes, qui a lancé le sujet en 1998
Commentaires
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Houla dossier compliqué …
Loi abrupte contre pratiques ancestrales . comment expliquer à un papy que s’il legue son bateau à son petit fils , que celui-ci n’aura plus sa place au port ? Comment vendre des bateaux sans place ? Quel seront les cahiers des charges de l’appel d’offres des sociétés nautiques qui pourraient etre concurrencées par des grands groupes privés… ? La plaisance que tout les marseillais ont connu disparait…
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Eh oui ! très compliqué et préjudiciable aussi pour les professionnels de la vente de bateaux. En effet que faire d’un bateau acheté si l’anneau auquel il était amarré lui est retiré ? La vente d’un bateau à l’eau deviendra impossible, sa valeur deviendra nulle. en fait on lutte contre la surévaluation d’un bateau en pratiquant la spoliation de la valeur du bien. Quel sera le régime des société en nom ou anonyme propriétaires de bateaux utilisés par les multi-propriétaires ou mis en location ? Sur quels principes du droit de propriété sont basés ces nouveaux principes ? Il y aurait là un bon sujet pour étudiants en droit !
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Comme dans de nombreux autres aspects, la gestion des places de plaisance est dans un système mafieux. Pour régler le problème il faudra dans le port de Marseille créer des places supplémentaires et l’espace est disponibles Pourquoi ne pas le faire ?
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Le problème aussi est le grand nombre de bateaux-ventouses, véritables cabanons sur l’eau, comme au Frioul.
Une solution : augmenter globalement le tarif des ports en faisant une ristourne (qui ramènerait à l’ancien prix) aux bateaux qui séjournent en mer ou dans un autre port au moins 10 jours par an.
Résultat : avoir un bateau ventouse coûterait trop cher. Ca ferait marcher l’économie locale car un bateau qui vogue doit avoir un moteur en état, des équipements de sécurité, une ancre, etc… Enfin, cela rendrait aux ports leur vocation : la plaisance.
Trop de jeunes plaisanciers doivent renoncer au nautisme en raison de la carence de places de port. En virant les bateaux-ventouses incapables de voguer, on leur permettrait enfin d’accéder à la plaisance.
Et les personnes sans grands revenus qui utilisent un rafiot comme cabanon, me direz-vous ? Eh bien, il serait grand temps de construire des cabanons de loisir sur la terre ferme, à loyer modéré et accessible… Il y a de la place à terre (Frioul).
Que les ports soient purger des rafiots et épaves qui n’y ont rien à faire. Que ceux qui veulent acquérir un voilier d’occase puissent enfin avoir une place, surtout s’ils sont jeunes et sportifs !
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Ouais… ! sauf que la possibilité de continuer de pouvoir vendre bateau+place ou de transmettre aux petits de la “famille” “bateau + place” intéresse quand même grandement les clubs et associations adeptes de ces pratiques: chaque fois qu’il y a un nouvel entrant, il paye “justement” un… droit d’entrée, fonction de la dimension du bateau, ou de sa superficie, on ne sait plus vraiment mais cela revient au même: une taxe. Non négligeable (2 000 € en moyenne pour les plus petites embarcations), celle-ci tombe directement et exclusivement dans l’escarcelle dudit Club ou de Ladite Association. Une vraie manne si ces dernières sont suffisamment habiles pour transformer vente en cession de parts ou simple changement de navire et non de… propriétaire !
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A Marseille des petits groupes, des familles se sont réservé pour l’éternité des places dans le port, des postes à la mairie… ils ont oublié que tout cela appartient à la collectivité et que s’ils font bien partie de la collectivité ils ne sont pas la collectivité, la monarchie a été abolie il y a bien longtemps, en France comme à Marseille.
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Ouais… ! sauf que la possibilité de continuer de pouvoir vendre bateau+place ou de transmettre aux petits de la “famille” “bateau + place” intéresse quand même grandement les clubs et associations adeptes de ces pratiques: chaque fois qu’il y a un nouvel entrant, il paye “justement” un… droit d’entrée, fonction de la dimension du bateau, ou de sa superficie, on ne sait plus vraiment mais cela revient au même: une taxe. Non négligeable (2 000 € en moyenne pour les plus petites embarcations), celle-ci tombe directement et exclusivement dans l’escarcelle dudit Club ou de Ladite Association. Une vraie manne si ces dernières sont suffisamment habiles pour transformer vente en cession de parts ou simple changement de navire et non de… propriétaire !
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Dites, Marsactu, votre extrait de la Cour des Comptes est sûrement vrai, mais il date vraiment et ne reflète plus la réalité. A titre de simple exemple, certaines Associations disposent de nos jours d’un contrat avec la CUMPM qui les autorise (ou les contraint ?) à encaisser auprès de leurs adhérents la taxe d’occupation du plan d’eau qu’elles ont à charge de reverser à ladite CUMPM… Ceci est un simple exemple parmi d’autres, relevé dans ce texte et qui prouve que cet extrait est caduque (sur bien d’autres points, dont, par exemple, “la faiblesse des prix”, ceux-ci ayant été relevés de 50% en 2014 !…).
Par contre, effectivement, il serait grand temps que les politiques mettent enfin un terme à certaines pratiques, d’un autre âge, et cessent de fermer les yeux sur ce qui les arrange de temps en temps de feindre de ne pas voir… Mais vous savez, déléguer, c’est aussi un peu se soulager ?
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l’article du code des ports maritimes cité a été abrogé le 30 décembre 2014. il n’était pas nouveau, mais la gestion du domaine public maritime est depuis longtemps l’objet d’abus que tout le monde voit, mais qui sont tolérés, on se demande bien pourquoi.
il faut se référer à l’article R5314-31 du code des transports qui l’a remplacé sans rien changer sur le fond, mais ce n’est pas tout de faire des règlements si on n’oblige pas à les faire appliquer et si on laisse faire les rackets et les magouilles
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