Croquants
Le petit procès Guérini en croquis
Devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, Jean-David Ciot et Jean-Noël Guerini répondaient des faits de détournement de fonds publics et du recel de ce délit. Le parquet a requis six mois de prison avec sursis, 15 000 euros d'amende et un an d'inéligibilité. Récit en neuf croquis.
Le petit procès Guérini en croquis
“Quelle est votre situation professionnelle ? Quels sont vos revenus ?” Les questions sont classiques mais en appelant Jean-Noël Guerini à la barre de la Cour d’appel, le président Bernard Jacob ne prend pas de gants. “Vous n’avez pas d’autre emploi que celui d’élu ?”, interroge-t-il. “Mais non, répond Jean-Noël Guérini, agacé. Ce n’est pas possible d’être sénateur, conseiller départemental et d’exercer une autre activité professionnelle”. Pouvoir judiciaire contre pouvoir politique. Les mots et les conceptions s’entrechoquent. Appelé à son tour, Jean-David Ciot fera le dos rond. Une attitude respective que les deux hommes adopteront tout au long de ce procès en appel de la petite affaire Guérini.
Les foules ne se sont pas déplacées. L’affaire est à la fois simple, –“droit social”, “prud’homal”, répètent à l’envie les paires d’avocats des prévenus – et complexe. En licenciant, Jean-David Ciot son collaborateur de cabinet en 2011, Jean-Noël Guérini a-t-il commis un détournement de fonds publics, en lui permettant de bénéficier de plus de 60 000 euros d’indemnités lui permettant d’attendre confortablement les élections législatives, un an plus tard ? Pire, ce licenciement n’avait-il pas pour seul objectif de lui permettre d’être candidat alors qu’une loi récente interdit de cumuler emploi de cabinet et candidature ? En première instance, le tribunal avait répondu par la négative et prononcé une relaxe pour les chefs de détournement de fonds publics et de recel de ce détournement.
La première conseillère, Marie-Pierre Fournier, en rapportant les faits, rappelle ce qui a motivé le premier jugement. Elle revient sur les “insuffisantes probantes” des déclarations de Rémy Bargès, directeur de cabinet de l’époque, “variables, contradictoires et évolutives”. Jean-Noël Guérini s’engouffrera dans cette brèche, rappelant au passage les phrases du même homme dans un article de Marsactu. Elle s’efforce surtout de démonter posément l’ensemble de la chronologie, cruciale pour tenter d’y voir clair. Remonte alors tout un pan de l’histoire politique locale : les attaques d’Arnaud Montebourg contre “le système Guérini”, la commission Richard mandatée pour mettre à plat ledit système et censément extirper la fédération du parti socialiste de l’emprise du conseil général et de son président.
Pour se conformer aux préconisations de l’honorable sénateur, Jean-Noël Guerini quitte son poste de premier secrétaire. Son second, Jean-David Ciot prend sa place. Appelés tour à tour à la barre, les deux hommes ont des versions convergentes sur l’enchaînement des faits. Pour Ciot, il n’était pas statutairement obligé de prendre l’intérim. “Cela aurait pu être n’importe lequel des secrétaires de la fédération”, dit-il. “Pas du tout, réplique Guerini. Quand le premier démissionne, le second prend la place”. Pour être anecdotique, la passe d’armes n’en est pas moins révélatrice. Si Jean-David Ciot assure l’intérim, c’est qu’il est l’homme du président, un fidèle qui continue d’incarner son emprise politique sur l’appareil socialiste.
“C’était le patron du parti socialiste dans les Bouches-du-Rhône”, affirme l’actuel premier secrétaire. “Je n’étais plus rien, je venais de démissionner”, s’offusque Jean-Noël Guerini, passant sous silence les batailles d’alors entre camarades socialistes. Cette relation qui les noue est au cœur du procès : à l’été 2011, le président du CG13 d’alors donne huit jours à son collaborateur pour choisir entre la carrière politique, via le siège de premier secrétaire fédéral, et sa carrière professionnelle. À l’issue de ce délai, Jean-Noël Guérini estime que son silence est une réponse. il licencie Ciot, sans motif, sans entretien et sans les deux mois de préavis prévus par le droit du travail. “Je n’ai fait que signer la lettre de licenciement et suivre ce que me recommandait de faire ma directrice générale et mon directeur des ressources humaines”, reprend l’ancien président.
Pourtant l’absence de ces deux mois de préavis a permis à Jean-David Ciot de se présenter aux législatives comme la loi le lui permettait. S’il les avait effectués, il aurait été inéligible ? “Pas du tout, s’offusque Guerini. À l’époque, je ne misais pas un kopek sur l’élection de Jean-David Ciot dans cette circonscription. Nous n’en parlions absolument pas”. Ce n’est pas ce que dit Bargès. Mais celui-ci est un “menteur”. En dehors des jugements de valeur sur la parole des uns ou des autres, cela laisse une impression étrange : celle d’hommes dont la politique est le quotidien et le métier et qui ne parlent jamais des élections à venir alors que c’est pour beaucoup leur seule obsession.
À son tour, Jean-David Ciot se défend. Mollement. Car c’est cette indécision constante qui marque le personnage. Celle qu’il met en avant pour expliquer son silence au bout des huit jours de délai : “J’avais des doutes sur ma capacité à être premier secrétaire, alors la circonscription d’Aix… Vous pensez bien”. Puis encore : “Je souhaitais faire le choix de ma carrière professionnelle plutôt que la politique”.
“Alors pourquoi n’avoir pas refusé cette charge ?, interroge le président. En refusant d’être premier secrétaire, vous n’aviez pas à démissionner”. “Jean-Noël Guérini était l’autorité politique”, rétorque Jean-David Ciot. Revoilà Guérini l’autoritaire, celui qui imposait aux hommes qui l’entouraient leur destin politique. Sur son siège, Guérini s’énerve à voix haute. Ses avocats le calment. Son épouse, présente comme en première instance, fait passer des petits mots aux deux conseils. La compagne de Jean-David Ciot est assise à ses côtés. Hormis la presse, c’est le seul public de ce procès en appel.
Ce sera la thèse du parquet au moment du réquisitoire. Le procureur Mathieu insiste sur l’enchaînement des faits. Pour lui, le licenciement est “bidon”, il y a bien un arrangement entre les deux hommes pour permettre à Jean-David Ciot de briguer la fédération du parti socialiste et, un an plus tard, de se présenter aux élections législatives dans cette circonscription aixoise réputée ingagnable. Il requiert les mêmes peines qu’en première instance : six mois avec sursis, 15000 euros d’amende et un an d’inéligibilité.
Vient ensuite, le ballet des plaidoiries : deux avocats par prévenu. Les arguments sont quasiment les mêmes qu’en première instance : le juge Duchaine qui s’acharne, la petite affaire plutôt que la grande dont l’instruction serait enlisée. Une justice à charge qui confond le droit pénal et celui des prud’hommes. La nuit tombe sur Aix-en-Provence. L’affaire est mise en délibéré au 13 janvier prochain. Si le jugement diffère de celui de la première instance, elle mettra un sérieux coup de canif à la carrière politique de Jean-David Ciot et, pour Jean-Noël Guérini, un avant-goût amer des prochains procès.
Commentaires
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Il y a une faute ‘d’accord dans le chapeau (sous titre) + les croquis et l’article sont super !
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C’est corrigé, merci pour ce signalement (et pour vos félicitations !)
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Petite erreur il y avait dans le public un autre citoyen Guillaume GUERRE je suis arrivé à 17h jusqu’à 18h45 la salle d audience était pas très bien indiquée pas facile de connaître l horaire
J ai été secrétaire de section d Aix en Provence de 2012 à 2014 et j ai demandé la démission de jdc Ciot lors de son renvoi en correctionnel en 1ère instance
La réaction à été immédiate ma section à été dissoute et un affidé de ciot à été installé un ancien Vert exclu Dimeo: le Vert est dans le fruit !
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