Personnalités qualifiées dans les organismes publics, les petits recasages entre élus

Décryptage
le 9 Oct 2020
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Les sièges de "personnalité qualifiée" dans les conseils d'administration d'organismes publics permettent aux élus de gagner en influence et offrent parfois aux sortants la possibilité de conserver un statut honorifique. Une pratique bien ancrée, à droite comme à gauche.

Nora Preziosi, conseillère régionale LR a été nommée vice-présidente du bailleur HMP en tant que "personnalité qualifiée".
Nora Preziosi, conseillère régionale LR a été nommée vice-présidente du bailleur HMP en tant que "personnalité qualifiée".

Nora Preziosi, conseillère régionale LR a été nommée vice-présidente du bailleur HMP en tant que "personnalité qualifiée".

Jusqu’en mars 2020, cela semblait une position des plus confortables. Neuvième sur la liste de Martine Vassal dans les 6e et 8e arrondissements, Nora Preziosi (LR) était promise à devenir conseillère municipale et métropolitaine. Mais le secteur historique de Jean-Claude Gaudin a basculé, une première depuis 1989, rétrogradant celle qui était adjointe depuis 12 ans au rang de conseillère d’arrondissements. Heureusement en politique, il y a parfois moyen d’amortir les défaites. Tout d’abord, Nora Preziosi reste conseillère régionale. Mais la présidente de la métropole Martine Vassal en a donné une autre illustration en juillet, en nommant sa colistière au conseil d’administration du bailleur social de la métropole, Habitat Marseille Provence (HMP), en tant que “personnalité qualifiée”. En lieu et place d’une personnalité de la société civile qui aurait pu avoir un profil plus expérimenté dans le domaine du logement social. Un honneur renforcé en septembre par le conseil d’administration, qui a élu Nora Preziosi vice-présidente.

“Qu’est-ce que vous entendez par personnalités qualifiées, quels sont les critères retenus ?”, a fait mine de s’interroger Stéphane Ravier (RN) au conseil métropolitain. Madame Preziosi était adjointe au maire à la condition féminine et n’évolue pas spécialement dans le logement social, qu’elle redécouvre tous les six ans quand elle mène campagne, promettant des subventions et des logements.” Des propos “limite diffamatoires”, a réagi Martine Vassal, refusant de répondre pour le reste. Sollicitée par nos soins, la métropole n’a pas davantage souhaité justifier ce choix.

“Je continue à faire mon job, à aider les personnes”

“Vice-présidente c’est un poste honorifique”, nuance Nora Preziosi qui rappelle qu’elle était déjà administratrice, cette fois-ci en tant qu’élue, et connaît donc la machine. Interrogé, Patrick Padovani, ancien président du bailleur social, engagé dans la dissidence de Bruno Gilles, confirme l’étendue limitée des pouvoirs associés à ce statut. Lui-même n’avait qu’une “marge restreinte”. “On s’assure que les orientations de la collectivité sont appliquées. C’est le directeur qui a la mainmise sur l’office”, résume-t-il. Cela vaut à plus forte raison pour les autres administrateurs. Ces derniers ne sont par ailleurs pas rémunérés, si ce n’est d’une indemnité de déplacement de 85,25 euros pour chaque séance du conseil d’administration ou des commissions.

Mais outre ce statut, qui permet à l’occasion de couper les rubans, Nora Preziosi participera à la commission d’attribution des logements. “Il faut savoir que les élus siègent avec des acteurs comme la CAF, les représentants des locataires, l’organisme Action logement et puis il y a des critères”, tempère Patrick Padovani, pour répondre aux accusations de clientélisme de Stéphane Ravier. L’intéressée s’en défend également, mais revendique un rôle actif dans la réception des dossiers. “En tant qu’adjointe aux droits des femmes, j’avais un bureau à la mairie où je recevais le mardi et le jeudi les personnes en difficultés, parfois des sans-papiers. J’étais l’interlocutrice entre la Ville et HMP. Ma vie est remplie, je n’ai besoin de rien, je fais de la politique par passion. Je continue à faire mon job, je continue à aider les personnes dans la misère”, pose-t-elle.

Des conseils d’administration verrouillés

En 2014, les cinq personnalités qualifiées de Habitat Marseille Provence étaient des élus ou anciens élus

Sur le fond, nommer en tant que “personnalité qualifiée” un élu ou un ancien élu, “c’est réglementairement possible”, commente Patrick Padovani. Il en sait quelque chose : entre 2008 et 2020, les conseils d’administrations successifs qu’il a présidés en étaient remplis. François Moscati, Maxime Tommasini, Monique Cordier, Xavier Méry, Danielle Servant, tous  adjoints de Jean-Claude Gaudin à un moment donné ont ainsi accédé au “CA” par cette filière étonnante. “Cela permet de phagocyter le conseil d’administration, de ne pas avoir de surprise. Mais on se prive parfois des compétences d’autres acteurs, dans le logement social ou le social tout court”, reconnaît Patrick Padovani, qui assure n’avoir eu aucune maîtrise de ces nominations, aux mains du maire puis du président de la métropole après le transfert de l’office à l’échelon intercommunal, en 2017.

La loi n’accorde en effet “que” six postes aux élus de la métropole, sur 23 membres au conseil d’administration d’HMP. La présidente de la métropole a également la main sur la nomination de deux élus d’une autre collectivité, immanquablement choisis dans son courant politique. En juillet, Martine Vassal a ainsi choisi Alain Rousset, en tant qu’adjoint au maire d’Aubagne, et Julien Ruas, en tant que conseiller municipal de Marseille. Le Printemps marseillais, soigneusement exclu de la gouvernance du bailleur social dont 98 % du parc est situé dans la ville-centre, appréciera.

Il s’agit des 14 personnes sur 23 nommées par la présidente de la métropole. Les 9 autres représentent les associations de locataires, les syndicats, la CAF, l’UDAF et un bailleur social. En bleu foncé, les élus, en bleu clair, les personnes issues de la société civile. (Infographie LC)

Restent ces cinq “personnalités qualifiées en matière d’urbanisme, de logement, d’environnement et de financement de ces politiques, ou en matière d’affaires sociales”, et un représentant d’association pour le logement, nommées à la discrétion de l’exécutif. À sa décharge, dans les choix de Martine Vassal pour HMP, seule Nora Preziosi est élue, là où Jean-Claude Gaudin avait été jusqu’à en nommer cinq sur cinq.

C’est ainsi que Martine Vassal a fait appel au directeur de l’agence départementale pour le logement et reconduit l’ex directeur général d’Euroméditerranée, un représentant de zones d’activités et le directeur du marché d’intérêt national des Arnavaux. Ce dernier a d’ailleurs été jugé doublement qualifié puisqu’il siège aussi à la Régie départementale des transports (RTM). “J’ai fait toute ma carrière dans les transports, notamment à Air Littoral et à la SNCM, j’y prends beaucoup de plaisir, explique Marc Dufour. Pour HMP j’ai été relativement étonné qu’on me le propose car je ne suis pas spécialiste, je découvre les questions de financement, de trésorerie du logement social. Mais c’est pas mal de faire un peu d’économie, de mettre des gens qui viennent du privé.”

À 13 Habitat, on trouve trois adjointes de secteur sur cinq personnalités qualifiées, complétées par deux candidats aux municipales

Ces conseils d’administration trustés par les élus ne sont pas l’apanage de la métropole et de la Ville. À 13 Habitat, le bailleur social du conseil départemental, on trouve trois adjointes de secteur sur cinq personnalités qualifiées, complétées par deux candidats aux municipales. “On regarde les parcours de vie, ce qu’ils peuvent apporter, dans leur connaissance des territoires. Le logement social, ce n’est pas seulement comment on finance une opération”, justifie Lionel Royer-Perreaut, son président LR, qui explique n’avoir eu la main que sur deux choix, les deux élues des 9/10, sa mairie de secteur. “Danielle Blanchard, c’était mon adjointe au logement. Nathalie Rodriguez, elle habite sur Château Saint-Loup, Saint-Thys, qui sont des quartiers populaires donc elle maîtrise ces problématiques. On a besoin de ses retours.” Pendant la mandature précédente, Jean-Noël Guérini avait usé et abusé de cette primeur aux amis politiques, avec deux adjoints de son secteur des 2/3, un secrétaire de section socialiste, un élu PS de Saint-Mitre-les-Remparts et le maire de Puyloubier Frédéric Guinieri, fraîchement désigné vice-président au logement de… Martine Vassal.

Centre de formation ou bâton de maréchal

Et pourquoi les élus seraient moins qualifiés que d’autres ? C’est en substance l’argumentaire développé par Pierre Robin, conseiller municipal de Marseille, nommé par Martine Vassal à la Régie départementale des transports et au syndicat mixte de l’énergie :

 “Je peux comprendre qu’on pose la question, mais je n’ai pas le sentiment de prendre la place de quelqu’un. L’idée est d’apporter un regard mixte politico-technique et pas purement technique. J’ai pu travailler sur différents sujets métropolitains lorsque j’étais au cabinet du président de la communauté urbaine [Guy Teissier (LR), ndlr]. J’ai donné mon accord dans la mesure où je pouvais m’investir sur des sujets importants, être à la fois dans une logique d’apport et d’apprentissage.”

Cette logique d’apprentissage est aussi mise en avant par Xavier Méry. L’ex conseiller métropolitain délégué à la lutte contre l’habitat indigne, lui aussi conseiller d’arrondissement des 6/8, a la particularité d’être entré à HMP en 2008 comme personnalité qualifiée non élue, puis d’y être resté comme personnalité qualifiée élue. “Vous me l’apprenez, je pensais être sur le quota des élus”, nous assure-t-il. À son arrivée en 2008, il était seulement candidat en position non éligible dans les 13/14 après avoir “signifié [son] intérêt pour la chose publique”. Il considère avoir été intégré à une sorte de centre de formation. “Cela correspondait à une volonté de former une personne dans un secteur, c’est aussi une mise à l’épreuve”, se rappelle-t-il. Citons aussi Monique Cordier, qui était entrée à HMP en tant que présidente de la confédération des CIQ en 2008, avant de devenir adjointe en 2014.

Rubirola nomme Caselli au Crédit municipal

Pour d’autre, telle l’ex adjointe à l’urbanisme Danielle Servant, c’était un “bâton de maréchal”, une dernière nomination en fin de carrière politique. “Mais elle était très assidue en tant que membre de la commission d’appel d’offres qui attribuait les marchés”, se souvient Xavier Méry. Dans cette catégorie, on retrouve cette fois-ci Roland Blum, vice-président délégué aux transports de la métropole lors de la précédente mandature, qui siègera au conseil d’administration de la RTM.

De cette myriade d’organismes satellites, la mairie de Marseille n’en garde que quelques uns, dans la logique du transfert de compétences massif vers la métropole. Et rares sont ceux qui ont dans leur statut ce type de nominations. Ainsi, la Ville nomme seulement six élus administrateurs sur les onze de Marseille habitat mais n’intervient pas sur les autres. Pour son premier cas pratique, la nouvelle majorité n’a toutefois pas démenti le goût des patrons d’exécutifs pour le réseau. Par un arrêté du 30 septembre, Michèle Rubirola a complété les cinq élus siégeant au conseil de surveillance du Crédit municipal de Marseille – spécialisé dans les prêts sur gage – par autant de personnalités qualifiées à forte coloration politique.

“Nous avons choisi des personnalités d’expérience, connaissant la réalité sociale du territoire, dont le parcours de vie et d’élus apportent la garantie que les intérêts des Marseillaises et des Marseillais seront défendus, dans ces moments de leurs vies où ils sollicitent le Crédit municipal”, répond à Marsactu le cabinet de Michèle Rubirola. On y trouve ainsi le conseiller métropolitain Christian Pellicani (PCF), qui n’a pas répondu à nos sollicitations et l’ex président socialiste de la communauté urbaine Eugène Caselli, qui a fait carrière à la Caisse d’épargne. Ou encore Frédéric Rosmini, figure tutélaire du Printemps marseillais passée par tous les cabinets de la gauche locale depuis Gaston Defferre. Les bijoux de famille seront bien gardés.

*Correction d’une erreur le 9 octobre à 10h sur le parcours de Frédéric Rosmini

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Commentaires

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  1. Happy Happy

    Parmi ces personnalités “qualifiées” pour administrer un organisme hlm, combien ont un jour habité en hlm ?

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  2. Alceste. Alceste.

    Et nous entretenons toutes ces danseuses qui ne sont bonnes à rien et mauvaises en tout, l’exemple de Preciosi est flagrant, très grande difficulté à aligner deux mots à la suite. Mais ce n’est pas la seule.

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    • Orsu Orsu

      Et en plus elle n’a pas inventée la poudre , mais ce n’est pas la seule non plus

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  3. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Les personnalités “qualifiées” issues de l’ancienne équipe nullicipale, restées démocratiquement accrochées à leur siège au niveau du conseil de territoire et à celui de la métropole et de ses annexes en dépit de leur éviction par les urnes, sont si “qualifiées” qu’on voit le résultat de leur immense compétence dans l’état du logement social et du transport public ici.

    Parmi tous ces gens qui viennent faire profiter la RTM de leurs éclairages si pertinents, combien prennent le bus, le métro ou le tramway plusieurs fois par semaine ?

    Mais j’oubliais… Dans l’univers de ces gens de droite plutôt peu ouverts, le logement social comme le transport collectif, c’est pour les pauvres. Donc pour des gens qui, a priori, ne votent pas ou votent “mal”. Donc “m’en fouti”.

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  4. Alceste. Alceste.

    Autre cas intéressant, celui de l’ancien patron d’air littoral et de la Sncm, deux magnifiques réussites de la caguade, recyclé maintenant dans le fruit et légumes si je ne fais pas erreur et qui fait du social comme administrateur. Je sens que l’on va bien se marrer

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  5. vékiya vékiya

    peu de ces éminent cerveaux ont la possibilité de finir leur carrière au sénat alors on prend le parachute que l’on peut.

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    • Alceste. Alceste.

      Patrick, nous avons là affaire à de petits joueurs, le Sénat c’est la crème de la crème avec Guérini entre autres Ce menu fretin ne joue pas dans la même division.

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