Ovni politique de 20 ans, Amine Kessaci veut reconquérir les quartiers Nord pour la gauche
L'écologiste investi par le Nouveau front populaire a l'ambition de battre la députée (RN) sortante Gisèle Lelouis dans la 3e circonscription, à Marseille. Arrivé en deuxième position dimanche, Amine Kessaci cherche partout les nouveaux votes capables d'inverser la tendance.
Amine Kessaci et ses soutiens à l'Après M (14e) le 2 juillet 2024. (Photo : CMB)
Au fast-food solidaire de l’Après M, à Sainte-Marthe (14e), ce mardi 2 juillet après-midi, la gauche marseillaise défile. Sénateurs, adjoints au maire, responsables associatifs et figures militantes, tous sont venus apporter leur soutien à Amine Kessaci. À 20 ans, dans un scénario que personne n’aurait imaginé il y a encore un mois, le jeune homme a été choisi pour mener l’une des batailles les plus scrutées du département : arracher le siège de député au Rassemblement national dans la 3e circonscription.
Le secteur recoupe le 13e arrondissement de Marseille, ainsi qu’une partie des 12e et 14e arrondissements. Entre noyaux villageois acquis au RN et grandes cités en proie à l’abstention, le défi est de taille. La députée (RN) sortante, Gisèle Lelouis, est arrivée en tête des scrutins le 30 juin avec 42,7% des suffrages. Le jeune candidat choisi par Europe Écologie les Verts a recueilli 35,7% des votes. Le rapport de force est clairement posé, mais pas irréversible. À condition de parvenir à mobiliser encore plus d’électeurs en un temps record.
Devant la cinquantaine d’élus et de militants qui ont fait le déplacement à Sainte-Marthe, Amine Kessaci commence par reposer les bases : “le Nouveau front populaire, c’est un mouvement qui a été voulu par la jeunesse comme nous, contre les idées racistes du Rassemblement national, et pour l’émancipation.” Une fois ceci dit, le jeune homme ne s’attarde pas au micro, et les prises de parole se succèdent.
D’abord la première adjointe marseillaise, Michèle Rubirola : “on a fait plus de moitié du chemin. Mais pour Amine, il faut en faire encore un tout petit peu plus !” Le sénateur écologiste Guy Benarroche : “allez convaincre tous vos amis d’aller voter !” Le candidat de la 5e circonscription Hendrik Davi : “on ne veut plus aucun député RN dans cette ville !” Et ainsi de suite.
Notoriété médiatique
Une heure plus tôt, Amine Kessaci avait fait un crochet en centre-ville pour passer voir le sénateur (EELV) Yannick Jadot, venu apporter son soutien aux candidats marseillais du Nouveau front populaire. Une heure de prises de paroles sans interruption à l’Après M plus tard, il doit de nouveau filer vers la préfecture pour faire enregistrer sa candidature. Avant d’enchaîner sur un tractage aux Olives (13e), derrière le métro La Rose, où il était déjà la veille. “La campagne est courte, mais on a bon espoir, souffle-t-on dans son équipe de campagne. On croise des gens qui nous disent qu’ils vont voter, alors qu’ils n’avaient pas voté depuis 2002 !”
Dans ce secteur des quartiers Nord comme dans le reste de la France, la participation a fait un bond. Mais dans quelle mesure tient-elle à la figure d’Amine Kessaci ? “C’est évident que les électeurs ont voté d’abord pour le mouvement. Même si ça arrive que des gens le reconnaissent quand on fait du porte-à-porte”, explique l’un de ses soutiens. Depuis quelques années, Amine Kessaci, qui revendique son attachement à la cité de Frais-Vallon, est en effet régulièrement sollicité par la presse sur les sujets liés aux quartiers populaires. Sa notoriété remonte à sa rencontre, en 2021, avec Emmanuel Macron lors de son déplacement à Bassens (15e).
À l’époque, Amine Kessaci est un adolescent de 17 ans. Il a déjà fondé une association (Conscience), et fait de la sensibilisation sur la thématique du narcotrafic, après avoir lui-même perdu son frère dans la guerre des réseaux, en 2020. Lors de la venue du président de la République, il fait partie de la poignée de jeunes triés sur le volet pour avoir un échange privilégié avec lui. L’épisode propulse son visage sur les télévisions nationales, et cette nouvelle notoriété qui ne doit rien au hasard lui permettra d’embrasser un début de carrière politique.
“Candidat naturel”
Un temps proche du camp présidentiel, Amine Kessaci, qui n’a jamais caché son ambition, se rapproche finalement d’Europe écologie-Les Verts. Le jeune homme se rêve en “représentant de l’écologie populaire à Marseille”, déroule-t-il. Il estime son parti potentiellement “plus rassembleur” que celui de La France insoumise. Et qu’importe si les scores de son voisin de circonscription, Sébastien Delogu (59% des votes dimanche), pourraient suggérer le contraire.
En mai dernier, Marie Toussaint place Amine Kessaci en dixième position sur sa liste pour les élections européennes. Puis vient la dissolution, les négociations nationales, et le choix – contesté – de confier la 3e circonscription des Bouches-du-Rhône aux écologistes, après la défaite de l’insoumis Mohamed Bensaada en 2022. “Une fois que cela était posé, j’étais le candidat naturel pour cette circonscription”, assure Amine Kessaci à Marsactu. Cela n’empêche que cette campagne législative surprise le place face à un nouveau défi : traduire sa petite notoriété nationale en ancrage de terrain.
Me demander d’avoir de l’expérience alors que j’ai 20 ans, c’est comme si on ne voulait pas me laisser de chance alors que justement, c’est en devenant député que je gagnerai en expérience.
Amine Kessaci
“C’est évident qu’il n’a pas l’expérience militante de Mohamed Bensaada, mais c’est dû à son jeune âge, et je pense que c’est une bonne chose de rajeunir la sphère politique”, avance Hassen Hammou, porte-parole régional d’Europe écologie-Les Verts. Pour l’expérience, Amine Kessaci peut compter sur sa suppléante Katia Yakoubi, travailleuse sociale originaire de la Cabucelle (15e) et militante bien identifiée des quartiers. Et pour le reste, le jeune homme estime que “me demander d’avoir de l’expérience alors que j’ai 20 ans, c’est comme si on ne voulait pas me laisser de chance alors que justement, c’est en devenant député que je gagnerai en expérience”.
Chercher les macronistes
Le candidat n’hésite pas à qualifier Mohamed Bensaada de “grand frère politique”. Quant à Sébastien Delogu, dont la force de frappe médiatique pourrait être utile dans ces derniers jours de campagne, son équipe fait savoir que le député “est pleinement mobilisé pour faire gagner le Nouveau front populaire partout en France”, et qu’aucune séquence aux côtés d’Amine Kessaci n’est prévue pour l’instant.
Qu’importe, sur le terrain jusqu’à la fin de la semaine, Amine Kessaci continuera à revendiquer son ancrage local, et le symbole qu’il estime incarner si “un enfant de Frais-Vallon fait tomber le RN ici. Et c’est ce qui va arriver”, promet-il. Aux européennes, les deux bureaux de vote de Frais-Vallon n’avaient comptabilisé que 12 voix pour la liste écologiste. Mais dimanche dernier, Amine Kessaci y a obtenu parmi les plus hauts scores de la circonscription, preuve que le mouvement a dépassé l’homme.
À ses côtés, son équipe rapprochée énumère les priorités à remplir avant le week-end. Elles sont nombreuses. D’abord, continuer à tracter au pied des cités des 13e et 14e arrondissements, où il faudra bien convaincre des abstentionnistes. Ensuite, ne pas négliger les noyaux villageois, avec l’espoir de retourner certains votes contestataires qui ont initialement profité au Rassemblement national. Et enfin, “aller chercher les macronistes” : c’est là qu’Amine Kessaci pourrait puiser les voix qui lui manquent pour gagner.
“Les 5000 personnes qui ont voté pour la majorité présidentielle, j’ose espérer qu’elles ne veulent pas renvoyer Gisèle Lelouis à l’Assemblée. Surtout qu’elle n’a rien fait en deux ans, à part proposer une loi sur l’euthanasie des pigeons“, tacle Amine Kessaci. Pour multiplier les tractages dans le secteur jusqu’au dernier moment, des membres de la “Réserve citoyenne” ont été spécialement fléchés ici. Notamment parce qu’entre la victoire au premier tour de Manuel Bompard et les réserves de voix dont dispose Hendrik Davi, les néo-militants du centre-ville ont moins de travail que la semaine dernière. Mais aussi, parce qu’ici, dans les quartiers populaires de Marseille encore plus qu’ailleurs, le combat contre l’extrême droite porte une résonance particulière.
Commentaires
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vas-y minot, bien que l’étiquette écolo ne soit pas très porteuse dans ton secteur, il ne faut pas que mme pigeons aille nicher de nouveau à l’ass-nat.
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Pas voté depuis 2022 ? Jusqu’à dimanche passé, je crois bien que personne n’avait voté depuis 2022.
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pas même le 09 juin ?
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Peut être que c’est justement ce a quoi il fait référence, des gens qui n’ont pas voté au 1er tour cette année
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Bonjour, il s’agissait d’une coquille qui vient d’être corrigée !
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Il était proche des macronistes avant devenir Ecologistes et sachant que sa patronne Marine Tondelier est prête à participer à une coalition avec Renaissance il va avoir du mal à convaincre de nouveaux électeurs
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effectivement c’est le syndrome du en même temps
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@BRASILIA8,
Hier j’y étais donc je peux compléter la relation de la journaliste : ni Hendrik Davi, ni Samy Joshua qui représentait les groupes locaux de LFI, n’ont été avares d’arguments pour confirmer l’engagement des militants de leur(s) courant(s). Donc je ne suis pas inquiet qu’il fasse le plein de ce coté là.
Le problème, que décrit très bien Julien Vinzent dans l’autre article consacré à cette circo (https://marsactu.fr/noyaux-villageois-contre-cites-le-duel-a-distance-entre-gisele-lelouis-et-amine-kessaci/), c’est justement d’aller expliquer à celles et ceux qui ont voté Macroniste ou de droite au 1er tour qu’un “petit jeune” de Frais Vallon offre justement un profil moins clivant.
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Comme vous l’écrivez les “représentants officiels” les militants voteront pour lui
mais convaincre des indécis qu’un pseudo macroécolo va changer quelque chose à part empêcher l’élection du RN c’est qui a été le discours de Renaissance
me parait être un peu léger comme programme
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Ne soyons pas méprisant envers cet homme très jeune qui s’est engagé à 17 ans dans la lutte contre la drogue dans sa propre cité. Qui a été ce ce fait trié sur le volet pour rencontrer Macron qui a fait plein de belles promesses. Qui s’est rendu rapidement compte qu’il n’avait rien de positif à attendre de ce côté-là. Qui s’est engagé en politique sous la bannière écologique. Qui n’a que 20 ans et qui s’affronte à la représentante FN (ce n’est pas une coquille) solidement implantée dans le pavillonnaire. Que faisions-nous à vingt ans pour la démocratie? Chapeau, Mr Amine Kessaci, chapeau et total respect.
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Je ne suis nullement méprisant mais j’ai peur qu’il soit utilisé du fait de sa jeunesse, de son charisme et de ses origines un peu comme avaient commencé à le faire les macronistes
Je ne doute pas de son honnêteté et de son engagement
Ce que je faisait à 20 ans ne vous regarde pas mais rassurez vous à l’époque on ne se contentait pas de discours sur les réseaux dits sociaux pour combattre les fachos du GUD
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Quand les politiques de tous bords se déchirent pour une investiture, il faut faire “chapeau bas” à EELV d’avoir investi un jeune homme des quartiers Nord. J’ai par hasard croisé Amine Kessaci, il a de l’enthousiasme, du charisme, la volonté de bien faire, un vrai engagement pour les quartiers, on ne peut pas lui demander d’avoir fait l’ENA (peut-être l’EMA l’Ecole Mixte des Ayglades) – Il faut voter et faire voter pour lui !
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Delogu, il doit être plus préoccupé par ses allers-retours à Montreuil pour soutenir la candidate LFI investie face à Corbière plutôt que pour dégager les fachos des quartiers voisins.
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Vu comment Delogu avait dégagé sa suppléante Farida Hamadi ça ne m’étonne même pas.
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