“On nous prend pour des paillassons” : la colère de députés de la République en marche

Des militants LREM lors de la campagne pour les législatives. Photo CB

Dur dur d’être un député de La République en marche, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur en ce moment. L’ubuesque feuilleton du soutien d’En Marche aux listes de Renaud Muselier, président sortant Les Républicains de la région, pour les élections régionales ne fait pas que des heureux chez les parlementaires marcheurs du cru. Surtout depuis que Renaud Muselier a promis à l’état-major LR de n’inclure sur ses listes ni ministre, ni parlementaires de la majorité…

Dépités, ces députés. Preuve en est, ces échanges que Marsactu a pu consulter. Issus des boucles Telegram que les marcheurs affectionnent pour communiquer, on y décrypte “le pataquès ambiant” et on s’y épanche volontiers. Ces discussions à bâtons rompus disent, d’abord, le grand désarroi des parlementaires régionaux, totalement écartés des discussions en cours et mis devant le fait accompli. Anne-Laurence Petel, député d’Aix-en-Provence, envoie les pieds : “Les déclarations de Muselier et Jacob sont humiliantes. On nous prend pour des paillassons”, balance-t-elle.

Sur la même ligne, Adrien Morenas (3e circonscription du Vaucluse) argumente : “On a des valeurs à défendre en tant que députés. On essuie toutes les crises depuis quatre ans. On a une légitimité territoriale qu’on a voulu nous enlever. Municipales, sénatoriales, régionales jamais dans la boucle. À un an [de l’élection présidentielle et des législatives, ndlr] il faut aussi prouver que nous ne sommes pas que des paillassons.”

“Faire du SAV, ça va cinq minutes”

Ras-le-bol de jouer les carpettes, râlent les locataires sudistes de l’Assemblée nationale. “C’est insupportable d’être insultés”, lâche encore la Vauclusienne Souad Zitouni. Ce malaise évident dit aussi leur manque de communication avec les sommets de leur parti et de l’État. Et leurs attentes, manifestement peu entendues, de considération. Ces échanges, Saïd Ahamada député en marche de la 7ᵉ circonscription des Bouches-du-Rhône, y prend part (il invite ses collègues à une réunion en visio) et ne veut pas les commenter. Mais il en pondère la teneur : “Ils traduisent l’impatience d’en découdre. On veut comprendre où l’on va et comment on y va. Il n’y a rien de pire pour un politique que de ne pas savoir ça… Donc on veut juste savoir sur quelle stratégie on se positionne et en quoi on pourra être utiles.” 

Moins policée, Anne-Laurence Petel assume. “Je ne suis pas candidate [aux régionales], je ne cherche pas une place ! Mais je ne veux plus entendre qu’on ne prend pas les députés de LREM parce que ce sont des incapables, ça suffit ! Dans ces échanges, je m’interroge aussi : est-ce que l’humilitation fait partie du deal ?”, fulmine celle-ci. Elle refuse de voir des troupes de LREM emboiter le pas de Sophie Joissains (UDI) qui devrait conduire la liste de Renaud Muselier dans les Bouches-du-Rhône. “Moi, ma colonne vertébrale, c’est ma constance”, pique-t-elle en paraphrasant le président sortant de la région. “J’ai combattu le système politique incarné par les Joissains aux municipales, ce n’est pas pour voisiner avec lui aux régionales !”

Dans ces conversations internes, certains nourrissent alors l’ambition de “reprendre la main”. De rendre plus tangible leur influence et leur action auprès de l’électorat comme… de l’exécutif. “Je pense que les députés doivent reprendre le dessus. On nous met sur le bord de la route. Faire du SAV [service après-vente, ndlr] en permanence, ça va cinq minutes… Si nous ne sommes pas OK avec ce qui se passe, nous devons proposer une alternative”, écrit encore Adrien Morenas dans la boucle. Un collaborateur renchérit : “Reprendre la main est très opportun, il me semble. Car l’ensemble des députés de la majorité sont actuellement mis en carafe publiquement dans le style « ils attendent de savoir s’ils auront une place sur la liste de Muselier ou pas »“.

“Se prendre la tête, ça fait partie du job!”

“Tout cela traduit une frustration naturelle”, reconnaît un élu bucco-rhodanien joint par Marsactu. “Dimanche, la déclaration de Castex a été une surprise, puisqu’on n’y a pas été associés. Et depuis, on n’a pas toutes les données. En plus, les choses évoluent toutes les quatre heures…” Mais cet habitué du Palais Bourbon temporise : “Après, se prendre la tête, à Marseille ou à Paris, quand on fait de la politique, c’est normal. Ça fait partie du job !”

Dans leurs messages entre eux, les députés se montrent moins compréhensifs. “Les gros dégâts sont déjà faits. C’est avant qu’il aurait fallu nous mettre dans la boucle”, signe Pascale Boyer, élue dans la 1ère circonscription des Hautes-Alpes qui ne voit pas comment “reprendre la main sur la terre brûlée…” Anne-Laurence Petel développe : “Je me place du côté des militants et des citoyens. Le spectacle qu’on leur offre n’est pas à la hauteur des enjeux.”

Des listes face à Muselier ? “Tout est possible”

Comme elle, plusieurs députés sudistes ont prolongé ces discussions lors d’une réunion en visioconférence impromptue, mercredi soir. “Ça ne sert à rien de ruminer chacun dans son coin, de passer des coups de fils à l’Élysée ou au parti. C’est aussi bien d’échanger collectivement sur ce que l’on doit mettre en œuvre collectivement”, précise la députée aixoise. Pas de stratégie définie pour l’heure. “Mais une chose est sûre, on ne restera pas inactifs”, dit l’un des participants qui souhaite “que les députés reprennent leur rôle de relais locaux” dans les échéances à venir.

Certains n’excluent pas que, finalement, La République en Marche dépose des listes face à Renaud Muselier si ce dernier impose une trop grande invisibilisation de LREM. “Tout est possible”, assure Saïd Ahamada. En écho, Anne-Laurence Petel martèle : “Que Muselier et Jacob ne croient pas qu’on ne peut pas le faire. Les 50 noms, on les a et les Cerfa [formulaires administratifs, ndlr], ça se remplit en 24 heures ! Il suffit que notre candidate le veuille…” Éphémère candidate En marche, Sophie Cluzel est donc prévenue. Les boucles Telegram de LREM n’ont pas fini de chauffer.