Ce Noël, Gaudin offrira-t-il un lieu digne aux sans-abri ?
Ce 24 décembre comme chaque année, Jean-Claude Gaudin visite les lieux d'accueil des sans-abri, alors que l'unité d'hébergement d'urgence fait l'objet d'une enquête sur sa gestion administrative et financière. Le projet d'une nouvelle UHU n'est toujours pas d'actualité.
Ce Noël, Gaudin offrira-t-il un lieu digne aux sans-abri ?
C’est une tradition à laquelle le maire ne déroge guère. Chaque veille de Noël, il se rend en compagnie du préfet dans un ou plusieurs centres dévolus à l’accueil des sans-abri. Généralement, un site municipal et un autre caritatif. Avant de dîner maigre, il sera donc à Forbin et à l’unité d’accueil des femmes de Saint-Louis, gérée par AMS, ce jeudi. L’occasion de parler de vive voix avec le directeur des deux unités – Saint-Louis et la Madrague-Ville – Gilles Chalopin et les responsables de l’Association de médiation sociale. L’occasion aussi de remettre un peu de chaleur dans la relation entre la Ville et la structure gestionnaire, clairement refroidie depuis quelques mois.
Depuis la mi-décembre, la gestion de l’UHU par AMS fait l’objet d’une enquête administrative menée conjointement par la Ville et l’État, les deux financeurs de l’unité d’hébergement qui accueille 334 personnes sur ses deux sites. Cette enquête fait suite à une série de dysfonctionnements que Marsactu avait contribué à mettre au jour (Lire notre article).
Composée de cinq représentants d’administrations publiques – dont un seul de la direction financière de la Ville – cette mission d’inspection a un mois pour “scanner l’ensemble du fonctionnement” de l’UHU pour reprendre l’expression de Xavier Méry, l’adjoint au maire en charge de la lutte contre l’exclusion. Compte tenu de la période des fêtes, celle-ci devrait donc se conclure en janvier. Sans préjuger des conclusions de cette mission d’inspection, “l’affaire UHU” révèle le malaise persistant qui entoure l’accueil des sans-abri dans la deuxième ville de France.
Hors de la vue
Le maire vante souvent le caractère volontariste de l’action municipale notamment à travers le samu social municipal et la fameuse UHU. Mais, dans les mairies de secteur, les édiles préfèrent voir s’implanter ailleurs que dans leurs quartiers les structures qui accueillent les sans-abri de jour comme de nuit. C’était le cas il y a un peu plus d’un an pour les bains-douches que la fondation Abbé-Pierre souhaitait installer rue de Crimée. C’est encore le cas pour l’Accueil de jour Marceau qui a fermé ses portes en cette veille de Noël pour mettre en exergue ses difficultés d’implantation.
Le sujet est un point de tension permanent entre la Ville et l’État. Régulièrement, le maire menace de retirer ses billes et de laisser l’État gérer seul ce qui relève de sa compétence exclusive. Au-delà des problèmes conjoncturels rencontrés par l’UHU, la question de son avenir est loin d’être tranchée. Car le déménagement de l’actuelle unité et sa transformation est un serpent de mer qui n’a pas vu la surface depuis un bout de temps. “Nous avons le terrain, à quelques mètres de la station de métro Bougainville, confie Xavier Méry. Mais, pour l’heure, nous sommes toujours en discussion avec l’État sur le type de structure et le mode d’accueil que nous souhaitons avoir en ce lieu.”
“Pas d’usine à pauvres”
Le prédécesseur de Xavier Méry à ce poste, Michel Bourgat, espérait finir sa carrière d’élu sur un chantier lancé. À l’été 2013, une première délibération est retirée de l’ordre du jour. Elle prévoyait la construction de six unités de 50 places à Magalon et d’un site dédié aux femmes avenue du Capitaine Gèze. Par la voix de la ministre de l’époque, Marie-Arlette Carlotti, l’Etat dit son opposition : “Nous ne voulons plus d’usines à pauvres“, lâche celle qui brigue alors le fauteuil de maire.
Malgré le vote d’une délibération en octobre 2013 et la promesse du maire d’engager ce dossier “de manière irréversible”, rien ne se fait. Pourtant la délibération votée était fort précise avec toujours deux sites (60 lits pour les femmes et 250 pour les hommes), un coût global de 30 millions d’euros et des travaux lancés en janvier 2013.
Autant dire que les pelleteuses n’ont pas commencé à creuser. Or, le temps commence à presser. Comme le faisait remarquer un acteur du dossier, sous couvert d’anonymat, “le site de l’UHU est situé au beau milieu d’Euromed 2. Dans quelques années, il vaudra de l’or”. Effectivement, les préfabriqués décatis de l’UHU font face à l’îlot Allar, l’éco-quartier “démonstrateur” où la Ville projette le Marseille de demain sous la truelle d’Eiffage. La livraison des différents bâtiments de bureaux et de logements devrait s’échelonner de 2016 à 2018. Très bientôt donc.
La fin du “concentrationnaire” ?
Pour l’heure, les deux parties ont un vrai désaccord sur la forme que doit prendre le nouvel UHU et le type d’accueil qui y sera fait. En clair, pour la Ville, il s’agit de tourner la page des grandes unités collectives que beaucoup décrivent comme “concentrationnaires”. “Je ne suis pas un fervent défenseur de la gestion collective des SDF”, euphémise Xavier Méry. En clair, l’élu est favorable à une approche plus fine des différents profils de sans-abri, laquelle mettrait fin à l’accueil inconditionnel, pourtant inscrit dans la loi.
C’est vers cette prise en compte de la multiplicité des profils des hébergés que s’orientent plusieurs acteurs de terrain (associations, médecins, etc. ) qui travaillent en étroite collaboration sur le dossier. D’après l’un d’eux, qui pour l’heure préfère s’exprimer en off, “ces lieux de concentration sont inefficaces, ce sont juste des lieux de misère. La question n’est même pas de créer une nouvelle UHU mais d’en finir avec cela. Nous réfléchissons plutôt à des microstructures, spécifiques aux besoins hétérogènes des gens.” Une position que partage de manière publique et répétée Fathi Bouaroua, le directeur régional de la fondation Abbé Pierre.
Il faudra sans doute encore attendre quelque temps avant de voir le projet sortir de terre. Les tutelles doivent s’accorder sur le sujet. Le préfet pour l’égalité des chances Yves Rousset indique, peu disert, qu’“il n’y a rien de nouveau sur le projet de la nouvelle UHU, sans doute y en aura-t-il en début d’année. Avant d’ajouter, “il y a d’abord des difficultés à régler”.
Par Elodie Crézé et Benoît Gilles
Gaudin cultive son côté “petites soeurs des pauvres”….mais faut pas pousser trop loin quand même !
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