Najat Vallaud-Belkacem s'exerce à l'opé de com' "sans filets"
Najat Vallaud-Belkacem s'exerce à l'opé de com' "sans filets"
"C'est qui ? C'est la femme à Charlie ?", interroge cette toute jeune fille. "Mais non, lui répond sa maman. Charlie, c'est un journal. Elle, c'est la ministre qui s'occupe des écoles." À un mètre d'elles, Najat Valaud-Belkacem s'efforce de répondre à une grappe de parents d'élèves qui, entre selfies et échanges de cartes, tentent de prolonger un peu l'exercice de la discussion "sans filets" au centre social des Musardises.
En fait d'absence de filets, l'exercice est millimétré. Un voiture de la BAC accueille les visiteurs à l'entrée. La police en uniforme est en poste aux quatre coins de la cité de Consolat nichée à l'aplomb du lycée Saint-Exupéry. Un hélicoptère fait des ronds au-dessus de la Castellane, à quelques centaines de mètres de là. Le matin même, un groupe de délinquants cagoulés a investi la cité, kalachnikov en main pour ce qui s'apparentait à un guet-apens, effrayant la population. Du coup, la sénatrice et maire de secteur, Samia Ghali ainsi que son son collègue député Henri Jibrayel réaffirment chacun à leur manière devant les caméras la nécessité d'une intervention de l'État républicain à la hauteur des enjeux d'insécurité que traverse la cité depuis des années.
Dans la salle du centre social, les intervenants sociaux et rares habitants présents patientent gentiment. L'exercice de la discussion à bâtons rompus avec les "vrais" gens – "les habitants" comme on les appelle alors – est un classique des déplacements politiques. À Marseille, cela oscille souvent entre l'enfilade de discours compassés et l'opérette marseillaise sans les chansons. Le cru du jour est un mélange des deux dans lequel les élus ne sont pas les derniers à interpeller à haute voix. Après les discours, la préfète déléguée pour l'égalité des chances, Marie Lajus, lance : "Où sont passées les familles ?"
"Éclaircir les quartiers Nord"
Le centre social a réuni des parents d'élèves des cités environnantes qui restent en fond de salle, loin derrière les élus qui occupent le premier rang. Le micro circule, les questions sont précises : plus d'argent pour les rythmes scolaires "pas à la hauteur de la deuxième ville de France", plus de places pour enfants handicapés, plus d'attention pour les enfants de Ruisseau-Mirabeau "qui restent en fond de salle", une classe en maternelle pour les enfants de deux ans… Et une dernière pour la route, d'une autre maman qui "veut éclaircir les quartiers Nord" et parle de sa fille qui un master bac + 4 et l'autre qui prépare Sciences po. "Ici, il n'y a pas que des délinquants. Moi, Sciences po, je savais même pas que ça existait…"
En face, la ministre joue les bonnes élèves et prend des notes précises. Mais, avant qu'elle ait le temps de répondre, les élus de secteur, Samia Ghali en tête, sollicite un homme installé au premier rang. Régis Messonnier est délégué des parents d'élèves de l'école de la Castellane. Les autres ont été retenus sur place par l'opération de police en cours. "Madame la ministre, aujourd'hui, nos enfants ont peur quand ils vont à l'école. Que va faire l'État pour nous ? Ils ont créé une zone de sécurité prioritaire mais elle fait la taille de la ville. Il fallait mettre le paquet là où il y en avait le plus besoin. L'école a subi six attaques depuis le 31 décembre. Elle n'est pas protégée. Ils ont même volé l'argent de la coopérative. On attend la vidéosurveillance, on nous l'a promise mais rien n'arrive."
Régis Messonnier interpelle la ministre de l'Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem
L'air grave, Najat Valaud-Belkacem écoute ce concentré des priorités. Elle fera une réponse générale prenant le temps de dérouler les actions du gouvernement : la scolarité des deux ans "pour socialiser les enfants le plus tôt possible", les rythmes scolaires "pour lesquels l'État donne de vrais moyens à la ville de Marseille avec 7 millions d'euros déjà versés", le doublement des assistants de vie scolaire… De l'écoute et de la pédagogie mais aucune annonce concrète. Les questions de Régis Messonnier sur la sécurité et les caméras de vidéosurveillance auraient plutôt trouvé un écho à la préfecture de région, où le premier ministre et le ministre de l'Intérieur faisaient au même moment un bilan sur ce thème. "Une première bataille a été gagnée à Marseille" y lance Manuel Valls, pour qui "l'efficacité de la vidéo-protection [mise en place par la mairie] a été démontrée". Mais là encore les annonces se font attendre.
"Blocages républicains"
Aux Musardises, la discussion finit par tourner vinaigre sur la mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires. Prise à partie, l'adjointe à l'éducation, Danièle Casanova tente de défendre le projet de soutien scolaire que le maire voulait substituer à la réforme nationale, le coût trop élevé "23 millions d'euros et non pas dix comme vous dites madame la ministre". Dans la salle, cela gronde. Des parents d'élèves demandent un "droit de réponse". Délégué aux Fabrettes, dans l'arrondissement voisin, Solkam Tando en a marre de "ces clivages gauche/droite qui créent des blocages républicains". Il dresse un tableau sans concession des écarts d'une école à l'autre, d'un arrondissement à l'autre, d'un bord à l'autre de la ville. "Il y a des écoles des quartiers Nord où il n'y a aucune activité le vendredi. Les enfants sont laissés à l'abandon. C'est inacceptable." La salle part en bravos.
Là encore, Najat Vallaud-Belkacem s'efforce de ménager le partenaire municipal dont la représentante essuie les critiques avec un stoïcisme pincé. "Ces questions seront abordées par le comité de suivi que le recteur organise dès ce mercredi. Mais c'est bien à 10 millions d'euros que la Ville a droit puisqu'elle peut prétendre aux financements complémentaires de la Caisse d'allocations familiales. Utilisez-les", dit-elle à l'intention de Danièle Casanova. Elle revient ensuite sur les différences de traitement et de financement d'un secteur à l'autre. "Si les écarts que vous dites existent, cela me paraît ubuesque." "C'est faux", insiste l'élue municipale. "Non", répondent les parents d'élève.
La ministre insiste alors sur la nécessaire transparence que "les collectivités locales et l'État" doivent avoir. "Vous serez d'accord sur ce point, madame Casanova ?" L'intéressée opine. Ces mêmes questions reviendront dans la discussion à bâtons rompus que la ministre prend le temps de mener avant de rejoindre l'hôtel de ville. Là, le maire insistera à son tour sur "les modifications et les améliorations" qu'il sera amené à proposer "en concertation avec le recteur" dans les jours prochains. "Je compte sur le soutien de madame la ministre pour convaincre les partenaires de la communauté éducative".
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L’article donne un bonne idée de l’ambiance de cette visite de la ministre, mais ce qui intéresse d’abord les lecteurs c’est :
1) Un rappel des mesures antérieurement prises.
2) Ce que cette visite va éventuellement avoir pour résultat en matière de mesures nouvelles. Que trouve-t-on comme propositions ou comme idées nouvelles dans les propos de la ministre ?
3) Les modifications et les améliorations que Gaudin va proposer en concertation avec le recteur.
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Valls et Najat Vallaud_Belkacem hués par la communauté éducative dès leur arrivé au lycée Victor Hugo… des enseignants et des lycéens qui s’insurgent contre de multiples atteintes à leur liberté d’expression. C’est ça la “com” sans filet de la ministre?
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