Municipales à Marseille : l’abstention a davantage touché les terres du RN
Avec un tiers d'électeurs en moins qu'il y a six ans, l'abstention a marqué le premier tour des municipales à Marseille. Quels quartiers sont les plus touchés ? Ce phénomène a-t-il épousé une géographie plus politique ? Zoom en cartes et en graphiques.
Municipales à Marseille : l’abstention a davantage touché les terres du RN
L'enjeu
Selon les bureaux, entre un quart et trois-quarts des électeurs ont fait défaut par rapport à la présidentielle 2017. Un niveau bien supérieur à l'écart traditionnel entre ces deux scrutins.
Le contexte
Ce surplus d'abstention pourrait constituer en partie des réserves de voix pour le second tour, si l'électorat se remobilisait après l'épidémie de coronavirus.
Dimanche 15 mars, les volontaires pour le dépouillement à Marseille ont sorti des urnes 100 000 bulletins de moins qu’en 2014 pour le premier tour des municipales. C’est l’équivalent d’un tiers des électeurs du précédent scrutin qui ont préféré rester chez eux. Fait marquant, dans un contexte de pandémie de coronavirus, ce surplus d’abstention n’a pas touché tous les territoires de la même manière. Limité à 19 % des inscrits pour le 1er arrondissement, il culmine à 45 % pour le 10e.
Sur la carte de Marseille, ce phénomène dessine une rupture nette entre le centre (1er, 5e et 6e, dans une moindre mesure les 2e et 7e) et la périphérie, en particulier l’Est.
De la géographie pure, il est tentant de passer à une lecture électorale : les quartiers les plus marqués par l’abstention sont-ils plutôt de gauche ou de droite ? Pour tenter de répondre plus finement à cette question, nous sommes descendus au niveau des 480 bureaux de vote que compte la ville. Les contours de ces bureaux ayant bougé depuis 2014, c’est la présidentielle 2017, l’élection qui attire le plus aux urnes, qui nous servira de référence. Nous les avons répartis en cinq groupes égaux de 96 bureaux selon que la démobilisation y est très forte, forte, moyenne, faible ou très faible. Ainsi, le bureau de Notre-Dame-du-Mont est dans le groupe de très faible démobilisation avec seulement une baisse de participation de 25 %. À l’inverse, celui des Rosiers, qui a perdu trois-quarts de ses électeurs est dans la case très forte démobilisation.
En 2017, Le Pen était à 30 % dans les bureaux les moins mobilisés
En gardant nos cinq paquets de bureaux, on peut s’apercevoir que, très nettement, les quartiers les plus marqués par le recul sont aussi ceux où Marine Le Pen était la plus forte en 2017, près de 30 % en moyenne, bien au-dessus de son score sur la ville (23,7 %). À l’inverse, les bureaux qui ont été moins touchés sont loin de figurer parmi sa base électorale, avec un score moyen de 16 %. Sans trop s’avancer, on peut considérer que c’est Stéphane Ravier, le candidat Rassemblement national, qui a payé le plus lourd tribut de la démobilisation, ce que le candidat avait estimé au soir du premier tour. Pour les électeurs d’Emmanuel Macron en 2017, la configuration est inverse, même si les écarts sont moins marqués. Et pourtant Yvon Berland, le candidat de la majorité présidentielle n’a réalisé que 7,9 % des voix.
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Pour les autres courants, aucune tendance nette ne se dégage. À gauche (avec les scores additionnés de Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon), on cartonne dans les “mauvais” bureaux (autour de 50 % dans une quinzaine de bureaux comme Frais-Vallon ou la Solidarité) comme dans les “bons” (Bourse, Panier, Font-Vert…). Pour la droite, le socle qui avait voté François Fillon (19,8 %) penche plutôt dans le bon sens. L’ancrage est toutefois légèrement plus faible (19 %) dans les territoires qui ont le mieux résisté à la démobilisation. Le bureau 834, fait presque figure d’exception. Ce pâté de maison autour de la mairie des 6e et 8e arrondissements où François Fillon réalisait le score canon de 72 %, a été lourdement touché par l’abstention avec près de deux-tiers de votants en moins.
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Cette analyse pourrait laisser penser que ces abstentionnistes constituent des réserves de voix pour le candidat RN à la mairie de Marseille, plus que pour d’autres, en vue d’un éventuel second tour. Un zoom à l’échelle des 13e et 14e arrondissements nuance cette idée. Parmi les 78 bureaux de ce secteur, dans le seul où il est arrivé en tête le 15 mars, l’écart d’abstention a frappé de manière plutôt neutre sa base électorale. Le potentiel semble plutôt du côté de la gauche, qui a cependant annoncé son retrait au profit du candidat LR, arrivé deuxième. Pour ce qui est des territoires ancrés à droite, on ne constate pas de démobilisation massive, ce qui bat en brèche l’idée selon laquelle l’électorat de droite, traditionnellement plus âgé, ne se serait pas déplacé en raison du risque sanitaire.
C’est surtout dans deux autres secteurs ciblés par le RN – le 9/10 et le 11/12 – que l’on retrouve des tendances nettes : les fiefs de la droite ont répondu présent tandis que les territoires plus favorables au parti de Marine Le Pen ont largement fait défaut. Éléonore Bez et Franck Allisio, qui ont réalisé à peu près la moitié du nombre de voix de leurs prédécesseurs de 2014, peuvent donc nourrir des regrets pour le premier tour et des espoirs pour le second.
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Mais les rapports de force ont également bougé, travaillant le terrain aussi sûrement que l’abstention. À commencer par le recul de LREM par rapport à la présidentielle (20,4 %) et aux européennes (20,6 %), dont l’électorat s’est divisé en plusieurs groupes, ne laissant à Yvon Berland que 7,9 %. Quelques cas emblématiques semblent l’illustrer, comme ce bureau de Saint-Jérôme (13e) où les 162 voix d’Emmanuel Macron deviennent 6 pour Marie-Florence Bulteau-Rambaud, tandis que les candidats de la droite explosent le score de François Fillon (139 voix contre 23). On trouve aussi de nombreux bureaux dans les 7e et 8e arrondissements – telle la Cité radieuse – où le Printemps marseillais recueille davantage de suffrages que Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon réunis, tandis que Martine Vassal et Bruno Gilles sont loin de conserver ceux de François Fillon. Prime à l’ancrage politique, adhésion au projet, vote sanction de la municipalité en place ? Il faudra bien un second tour pour donner du corps à ces mouvements.
Commentaires
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Quel est le % d’abstention en dessous duquel toute analyse ou étude des résultats est impossible voir nulle ?
On ne doit pas en être loin.
Quant aux projections pour le second tour……….
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Au contraire, je trouve la méthode de Julien Vincent intéressante, puisque au lieu de gloser sur des scores très relatifs, il fixe son attention sur les abstentionnistes “intermittents”, qui ont été massivement plus nombreux que d’habitude et représentent donc l’enjeu du second tour. Si on pouvait résumer ses conclusions, j’ai l’impression qu’on pourrait dire que l’épidémie a dissuadé les électeurs les moins assurés, et non comme on a pu le dire les vieux, plus constants dans leur comportement de votant. Autrement dit, un phénomène classique dans sa stucture, mais exceptionnel par son ampleur. Félicitations en tout cas à Julien pour cette petite étude.
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Merci vous avez bien résumé la logique. Pour répondre à Titi du 1-3, à partir d’un certain niveau d’abstention, mieux vaut regarder l’abstention plutôt que les résultats et c’est ce que je fais (la “couleur politique” des bureaux est déduite de la présidentielle 2017, qui fournit dans l’ensemble une référence correcte me semble-t-il).
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Merci pour ce travail éclairant, mais il subsiste quelques inconnues. Bien que l’abstention semble (apparemment) affecter principalement le RN, on peut se demander si l’offre politique à droite (4 listes vs 2 si on place Lrem à droite) n’a pas eu impact sur le vote RN qui souffre aussi d’une dispersion de son électorat. On peut aussi noter que le score du RN dans le 13/14 se maintient en valeur relative par rapport à 2014 (avec même une légère progression) tandis qu’il baisse de 3,7 points sur l’ensemble de la ville. Et on peut aussi remarquer que le RN subit des baisses supérieures à la moyenne de la ville dans les secteurs ou Bruno Gilles réalise ses meilleurs scores (- 4,5 % dans le 4/5 et – 6,7 % dans le 11/12), même si cela ne se vérifie pas partout avec netteté…
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Loin de moi l’intention de critiquer le travail de Julien, juste un questionnement. L’électorat RN est je pense globalement le plus pétochard, la peur d’une contagion pour le coup était peut être justifiée.
P.S: j’ai voté avec un risque élevé m’étant rendu au bureau en vélo.
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Ce qui est indiscutable, c’est que l’abstention frappe nettement plus les bureaux de vote habituellement favorables au RN. Pour autant, l’électorat du RN s’est il plus abstenu que les autres ? Cela dépend sans doute aussi des secteurs et de la personnalité des candidat.es qui réalisent des performances inégales dans ce contexte particulier (alors que pour la présidentielle, on avait la même candidate partout)
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Ce pâté de maison autour de la mairie des 6e et 8e arrondissements où François Fillon réalisait le score canon de 72 %, a été lourdement touché par l’abstention avec près de deux-tiers de votants en moins…Ils ont quitté leur villa ou leur résidence pour “se réfugier” dans leur campagne
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Le facho, reclus chez lui, hurlant sa rage pétrie de peur sur les réseaux sociaux…
Le mouton parfait.
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