Mont-Rose : "On ne pourra pas faire n'importe quoi"

Mont-Rose : "On ne pourra pas faire n'importe quoi"

D'une campagne électorale à l'autre. À l'entrée du parc national des calanques, l'avenir du Mont-Rose fait à nouveau l'objet d'un débat, comme en 2007 à l'orée des municipales. La mairie de Marseille a lancé il y a quelques jours sur son site internet et par voie d'annonces légales un appel à projet de "reconversion éco-touristique" sur cette propriété de 26 500 m2 du ministère de la Défense, listée sur les bijoux de famille à vendre au plus offrant, qui offre une vue époustouflante sur la rade.

De quoi lancer "la bataille du Mont-Rose 2" pour La Marseillaise. "On a déguisé le projet, on lui a mis un habit de gala, mais en fait c'est exactement pareil", s'insurge la conseillère du 6/8 Marie-François Palloix (PCF). À l'époque, face caméra, le candidat socialiste Jean-Noël Guérini avait promis de torpiller ce qu'il qualifiait de "marina" : "Si la transaction se fait, j'émettrai un droit de préemption". Une action menée via le conseil général, déjà gestionnaire du domaine voisin de Marseilleveyre. À quelques mois du scrutin, Jean-Claude Gaudin avait finalement jeté l'éponge. En écho à la bataille du 22 septembre 2007, une manifestation est déjà programmée pour le 27 juillet prochain.

Feu vert obligatoire du parc

Dans les couloirs de l'hôtel de ville, on comprend mal cette nouvelle opposition farouche. De "marina" ou de complexe hôtelier, il n'est en effet nullement question sur un site classé, inscrit et inclus dans une zone Natura 2000. Création du parc national en avril 2012 oblige, il faudra même obtenir l'accord du directeur de l'établissement public. Son adjoint Benjamin Durand est formel :

C'est une sécurité supplémentaire, le dossier sera regardé à la loupe au regard des critères des parc nationaux et de la charte de celui des calanques. On ne pourra pas faire n'importe quoi, surtout sur un site aussi emblématique.

La Ville reconnaît volontiers la sensibilité du site, qui a fait l'objet d'une étude d'impact environnemental. "Cette étude a conclu qu'il n'était pas possible d'envisager de construire quelque chose là-haut. En raison de l'impact sur la faune et la flore (190 espèces de plantes y ont été recensées, dont trois espèces protégées, ndlr) mais aussi en raison du cul-de-sac. La seule possibilité d'aménagement consiste donc à réhabiliter les bâtiments existants", peut-on entendre.

Pas de constructions supplémentaires

Ce point est d'importance pour mieux cerner ce qui pourrait advenir du Mont-Rose : aucune construction nouvelle mais des travaux dans les dix bâtiments (pour au total 2600 m2 de surface) parfois très dégradés comme en témoigne le reportage photo annexé à l'appel à projet. La petite retouche au plan local d'urbanisme demandée par la mairie en octobre et reprise dans le document voté fin juin ne va d'ailleurs pas plus loin que cette possibilité. Elle autorise en zone NT, où est classé le Mont-Rose, "les changements de destination des constructions existantes en une autre destination liée au loisir ou au tourisme à condition qu'ils soient réalisés à des fins de valorisation du site". De quoi écarter toute idée d'un hôtel de luxe, à moins que le style militaire soit en vogue dans les années à venir…

Alors, pour faire quoi ? Il est bien entendu difficile de prédire la teneur des offres déposées d'ici le 4 novembre. En tout cas, le cahier des charges se montre très attaché aux critères environnementaux (énergie, eau, chantier propre). Il précise que "la création d’un restaurant est indispensable" et conseille "piscine et solarium", "terrain de jeux d’enfants" et "espace de détente". Peu de précisions côté hébergement, si ce n'est qu'il devra être "adapté aux besoins d’une clientèle variée". Selon nos informations, les prospections de la mairie il y a quelques années penchaient notamment vers les plongeurs en stage de plusieurs jours, une étude ayant identifié la faiblesse de l'offre en la matière.

Une maison du parc en complément ?

L'absence de bétonnage ne sera pas suffisante pour obtenir l'aval du parc. "Il faudra voir dans le dossier la logique du projet, sa cohérence, sa compatibilité avec la nature et la vocation du site. Même si ce secteur est identifié dans la charte comme ayant vocation à accueillir du public, il faudra un équilibre", commente Benjamin Durand, qui se félicite que la ville ait pris soin, dès le stade de l'appel à projet, de demander officiellement l'avis du parc sur ce document.

Quel complément à l'hôtellerie/restauration pour amener un équilibre avec un volet plus nature et moins commercial ? La piste d'y installer le siège de l'établissement public, un temps envisagée, semble refermée. "Cette localisation ne s’est pas avérée pertinente", nous précise le conservatoire du littoral, qui était sur les rangs pour acquérir la propriété mais a finalement laissé la main à la ville.

Une "maison des calanques" au terminus de la ligne de bus n°19 et au départ de la n°20 pourrait ancrer son rôle de porte d'entrée. C'est ce que demande dans La Marseillaise Victor Hugo Espinosa, conseiller communautaire et président de l'association Ecoforum : "Un lieu d'information à destination des visiteurs avec exposition, visites du parc et sensibilisation à la biodiversité".

Carte de l'Agam. Cliquez sur l'image pour agrandir

Une étude de 2010 de l'Agence d'urbanisme de l'agglomération de Marseille (Agam) évoque l'idée, mais pointe la question de l'accessibilité et du stationnement autour du site, la création d'un parking en haut de la colline étant inenvisageable. Les 5 hectares de la friche industrielle Legré Mante offrent à ce titre un potentiel de parking rare dans ce secteur. "Associé à une opération immobilière", il permettrait "une première retenue des véhicules dès cette entrée". Si le projet immobilier Cap Marin du promoteur Océanis s'est depuis précisé, la second partie semble avoir été oubliée.

On touche là à la mise en oeuvre pour l'instant hypothétique de la "stratégie durable d'accessibilité" très fouillée proposée par l'Agam. Ces difficultés inspirent à Marie-Françoise Palloix une position "en contradiction avec Victor Hugo Espinosa sur la maison du parc. C'est peut-être radical, mais à cet endroit je ne vois même pas une baraque à sandwiches, il faut éviter un afflux supplémentaire de voitures". Elle plaide en revanche pour "un parcours de découverte, une table d'orientation". Sans la partie hôtellerie/restauration, cela va sans dire…

Mais derrière les manifestations et les exigences du parc, l'acteur le plus difficile à convaincre sera peut-être le propriétaire. Le projet est en effet suspendu au rachat du terrain par la municipalité, qui connaît quelques difficultés dans la négociation du prix avec France Domaine, le service du ministère des Finances chargé de la gestion du patrimoine de l'État. Et vu l'état des finances, ces derniers pourraient se laisser convaincre par des sirènes plus commerciales… 

Extraits de l'une des études de l'Agam sur le parc national des calanques :