Maryse Joissains, touchée, pas coulée

Actualité
le 8 Déc 2020
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Définitivement condamnée pour prise illégale d'intérêts et détournement de fonds publics, la maire d’Aix-en-Provence s’est vu infliger par la cour d'appel de Montpellier une peine de trois ans d’inéligibilité et de huit mois de prison avec sursis dans un arrêt rendu ce lundi 7 décembre 2020. Alors qu'un nouveau pourvoi en cassation s'annonce, la question de sa succession est déjà posée.

Maryse Joissains, touchée, pas coulée
Maryse Joissains, touchée, pas coulée

Maryse Joissains, touchée, pas coulée

C’est un scénario dont les atermoiements s’étirent depuis plusieurs années. Avec moult épisodes, rebondissements et suspense haletant. Ce lundi 7 décembre 2020, Maryse Joissains – maire Les Républicains d’Aix-en-Provence – attend pour la troisième fois la décision d’un tribunal dans le cadre de ce dossier de prise illégale d’intérêts et détournement de fonds publics : soit la promotion indue de son collaborateur et ancien chauffeur, Omar Achouri, et la création contestée d’un emploi (autour de la cause animale) au sein de son cabinet à la Communauté du pays d’Aix pour lesquelles elle a été mise en examen au printemps 2014.

À l’heure dite, la cour confirme sa culpabilité et la condamne à huit mois d’emprisonnement avec sursis et prononce une interdiction des droits civiques, civils, de famille et d’éligibilité pour une durée de trois ans. En première instance, en juillet 2018, la maire écopait d’une peine d’un an de prison avec sursis et de dix ans d’inéligibilité ; peine réduite en appel, en mai 2019, à six mois d’emprisonnement avec sursis, un an d’inéligibilité et d’interdiction du droit de vote.

Puis, en février 2020, la Cour de cassation avait pris la décision de casser ce dernier arrêt “en ses seules dispositions relatives aux peines”. Maryse Joissains, alors candidate à sa propre succession pour un quatrième mandat, n’en restait pas moins coupable des faits reprochés.

“Je reprends le combat”

La victoire aura donc été de courte durée. Ce qu’à l’audience, le 19 octobre dernier, Me Michel Pezet, avocat de la maire réélue redoutait le plus ; ce qu’il décrivait comme “une gifle publique”, “le fer rouge, le pilori” a bien été prononcé. L’inéligibilité. Voilà Maryse Joissains, touchée là où cela lui fait sans doute le plus mal : au cœur de son pouvoir d’élue.

Mais la maire, qui se dit “indignée” dans un communiqué, annonce qu’elle ne capitule pas : “Comme j’en ai l’habitude, je reprends immédiatement le combat”, écrit-elle avant de faire part de son intention de se pourvoir en cassation. Toute décision de droit ouvre cette porte, rappelle un autre de ses avocats, Me Mario Stasi. Et nous voilà repartis pour quelques mois. Car la requête formée auprès de la Cour de cassation permet de suspendre, de nouveau, l’arrêt de la cour d’appel. Des semaines de sursis pendant lesquelles l’élue va se camper dans ses fauteuils : “Bien entendu, à ce jour je reste maire, vice-président de la métropole et président du conseil de territoire”, insiste-t-elle.

Cour européenne des droits de l’homme

Autour d’elle, on serre les rangs. “Elle n’a rien fait de mal. Elle mérite de se défendre jusqu’au bout !”, affirme Sylvain Dijon. L’ancien directeur de campagne devenu 15e adjoint chargé de la sécurité figure, comme le premier adjoint Gérard Bramoullé ou Sophie Joissains, la fille de la première magistrate et 2e adjointe, dans ce cercle rapproché qui fait front autour de l’élue condamnée. “Ce serait dommage que la ville la perde. C’est un sacré personnage politique qui a fait de la défense d’Aix un sacerdoce, assène Sylvain Dijon. Elle a pris l’engagement d’aller jusqu’au bout de son mandat et elle ira.”

Car son siège de maire, qu’on se le tienne pour dit, Maryse Joissains ne le lâchera pas facilement. “J’ai été élue quatre fois, dont deux fois par un corps électoral qui était parfaitement informé des faits reprochés”, poursuit le communiqué, énervé, de l’édile. Son avocat Mario Stasi n’exclut pas, dès à présent, de saisir la Cour européenne des droit de l’homme si le résultat en cassation n’est pas favorable. Une démarche qui ne serait pas suspensive. La mort politique de l’élue au parler truculent n’est pas pour tout de suite, mais imaginer sa succession ne paraît pas pour autant précipité. Les hypothèses ne manquent pas. “Durant la campagne, Maryse Joissains elle-même a envisagé différents scénarios, reprend Sylvain Dijon. C’est à elle que revient de choisir celui qu’elle veut mettre en place.” Manière élégante de dire que même condamnée, même inéligible, “la dame d’Aix”, comme l’appelait l’ancien maire de Marseille Jean-Claude Gaudin, va continuer à diriger son petit monde à la baguette.

L’hypothèse Sophie

Des prétendants ? Il y en a. Maryse Joissains aimait beaucoup Alexandre Gallese, son ancien adjoint à l’urbanisme ; elle lui voyait un beau destin politique. Pas de chance. Ce dernier, sous le coup d’une mise en examen pour trafic d’influence et prise illégale d’intérêts, n’a pas pu se représenter à ses côtés ; il pantoufle désormais à la métropole comme salarié. Qui d’autre ? Stéphane Paoli – actuel adjoint en charge du tourisme – fait également partie de ces fidèles que la vibrionnante maire couve.

Mais encore ? Les regards se tournent surtout vers Sophie Joissains. La fille d’Alain (maire d’Aix de 1978 à 1983) et de Maryse aurait pu porter la liste dès mars 2020. Mais sa mère-maire a eu du mal à passer la main. En juin, elle s’est rapprochée de l’hôtel de ville en préférant un poste de 2e adjointe à celui de sénatrice. “On a traversé une période très inédite. J’avais envie de proximité, j’ai ressenti un besoin de la part de mes concitoyens”, expliquait-elle au lendemain de sa démission de la chambre haute. Si dans les mois qui viennent, l’inéligibilité se confirme, Sophie Joissains fait donc figure d’héritière naturelle.

“Ce n’est pas parce que c’est ma fille. Mais elle est juriste jusqu’au bout des ongles. Et quand on n’a pas été juriste, ni chef d’entreprise, ou qu’on n’a pas eu de fonction importante dans l’administration, c’est difficile de gérer une ville comme Aix”, décrivait Maryse Joissains dans une interview accordée à Marsactu en juin 2019. Avant d’affirmer : “Si Sophie veut se jeter dans la bagarre, je l’aiderai.”. L’inéligibilité n’interdit pas de tirer quelques ficelles.

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Commentaires

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  1. mrmiolito mrmiolito

    Après les Tiberi et les Balkany, en avant pour une nouvelle dynastie familiale avec une ribambelle de casseroles, pourquoi se gêner quand on est plébiscité.e ?

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    • Jacques89 Jacques89

      Vous oubliez les Lepen. Si c’est Sophie, on se demande bien qui va jouer le rôle de Florian Philippot ?

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  2. Alceste. Alceste.

    La fifille qui a fait l’objet d’un chantage vis à vis de Gaudin de sa part à l’époque . Soit elle est élue sénatrice soit je te “carre”.
    Région sans pareille pour produire des repris de justice , pas étonnant que rares soient les régionaux appelés dans les gouvernements successifs et quelques soit la couleur politique . Exception de Ouin-Ouin Muselier , qui qui avouait à l’époque en passant ne rien faire.
    A part cela, nos élites locales sont plutôt dans rubrique “faits divers” du Monde plutôt que dans celle “Idées”.Nous devons nous en suffire .Avocaillons sans envergure et sans talent d’où cet intérêt pour la politique, petites gens, petit niveau , petite ambition à part se goinfrer sur notre dos , et là j’avoue ils ont au moins ce talent là.

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    • Avicenne Avicenne

      N’oublions pas comment R. Muselier est devenu président de région, si on ajoute qu’il a pris la double nationalité franco-mauricienne pour ses affaires immobilières ?!
      «  La dame d’Aix «  ? Même les cagoles ont plus de distinction qu’elle !!
      J’adhère totalement à votre commentaire.

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  3. Manipulite Manipulite

    Elle repart au combat c’est à dire qu’elle enrôle moult avocats payés par l’argent public. Il faudra qu’elle rembourse lorsque la peine deviendra définitive. J’espère que le Payeur municipal et le Sous préfet sortiront de la sieste provençale… ( Au fait Alain Joissains a-t-il remboursé ses salaires indument perçus à son poste de directeur de cabinet de sa femme suite à sa condamnation définitive ?)
    Pour le reste elle était déjà condamnée définitivement par la Cour de cassation, avant les dernières élections municipales, tant pis pour les gogos qui l’ont réélue.
    Continuer à jouer avec la Cour de cassation l’expose à voir son pourvoi rejeté sèchement ; les procédures abusives ça va un moment.
    Reste ce qui devrait être essentiel pour un élu : son honneur et celui de la ville d’Aix. Là on est dans la fange et ce n’est pas la première fois avec le clan Joissains et ses affidés et sa clientèle.
    Allez on se plaît à imaginer un geste honorable : démissionner pour la dignité du poste d’élu (e) et pour l’honneur des Aixois.

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  4. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    La légende dit que les Aixois regardent de haut les Marseillais, qu’ils considèrent comme à peine civilisés. Franchement, quand on a ça comme maire, on ne donne pas trop de leçons. En matière de petitesse des élu·e·s de droite, les deux villes font jeu égal. En revanche, Marseille a tourné la page de la gérontocratie, elle.

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  5. vékiya vékiya

    Me Michel Pezet, avocat de la maire réélue…
    ensuite j’ai arrêté de lire.

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    • michel michel

      Moi aussi cela m’a surpris mais il est vrai que notre maire est coutumière du fait puisque Dupont Moretti avait aussi été son avocat il y a peu .
      michel

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    • Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

      Il se murmure qu’elle aurait pris Jacques Verges pour la défendre devant la Cour de cass

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  6. Richard Mouren Richard Mouren

    N’oublions pas que sa culpabilité a été confirmée en dernier recours. Le renvoi en cassation, s’il est accepté, ne porterait que sur la peine appliquée. Le combat, pour Joissains, se focalise sur la peine annexe d’inéligibilité. C’est étonnant le nombre d’élus qui condamnés par la justice se disent indignés…… on pourraient les penser indignes.
    Je suis bien d’accord avec Patrick concernant Pezet: Mais que diable allait-il faire dans cette galère?

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