Martine Vassal s’offre une croisière dans les bassins du port
Jeudi dernier, le président de l'association des départements de France, Dominique Bussereau visitait les bassins Est du grand port à l'invitation de la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône. L'occasion d'un passage en revue des problématiques du port.
(Photo B.G.)
Il y a parfois des photos qui tiennent de la légende. Ces hommes et femmes alanguis sur le pont d’un navire sont quelques uns des principaux personnages publics du département. Au centre, derrière les lunettes d’aviateur, la puissance invitante : Martine Vassal, présidente du conseil départemental et première vice-présidente de la métropole. Sous la casquette, à peine visible, l’invité prétexte de cette croisière dans les bassins Est du port de Marseille. Président de l’association des départements de France, plusieurs fois ministre, le député Dominique Bussereau passait la journée de jeudi dans les Bouches-du-Rhône pour préparer le congrès de son association en octobre prochain.
Au menu du jour, gestion du RSA, insertion, tourisme et développement portuaire. La visite est prévue de longue date. Et quand la nouvelle présidente du CD13 se déplace, elle invite les principales personnalités locales à la rejoindre. La personnalité du jour – importante – se mêle avec le poids politique de l’invitante pour expliquer cette présence. Sur le pont, il y a donc la maire de Cassis, vice-présidente déléguée au tourisme à la métropole comme au département, le maire de La Ciotat, Patrick Boré, vice-président délégué aux ports à la métropole, tous deux Les Républicains, mais aussi les parlementaires socialistes du secteur, Henri Jibrayel et Samia Ghali. On en oublierait presque le préfet Stéphane Bouillon, derrière ses lunettes noires.
Un des sujets pointe en arrière-plan avec les pilotis d’un chantier en cours : l’aménagement du port. Les collectivités locales, département et métropole en tête, ont mis beaucoup d’argent dans les grands travaux prévus par la charte ville/port. Il y est notamment question de l’aménagement de la passe Nord en cours, la rénovation de la forme 10 sujette à quelques remous et le terminal de transports combiné de Mourepiane. Hors-champ, la présidente du grand port maritime de Marseille Christine Cabau-Woehrel est à la baguette pédagogique.
Bassins Est contre bassins Ouest
La houle légère n’est qu’apparente. Sur le quai du terminal de croisières, quelques minutes avant d’embarquer, il y avait plus de remous. Benoîtement, l’ancien ministre et père de la réforme portuaire Dominique Bussereau lance à la cantonade : “La querelle historique sur les conteneurs à Fos-sur Mer et les passagers à Marseille, c’est du passé, non ?” Il n’en faut pas plus pour déclencher l’ire de Samia Ghali et d’Henri Jibrayel. Ils sont vent debout contre le projet de développement de transport combiné sur le terminal de Mourepiane qui vise justement à développer l’activité conteneurs dans les bassins Est, au grand dam des riverains.
“Comme tu peux le voir sur ces collines, c’est un secteur très habité, décrit Samia Ghali. Or, l’activité portuaire ne bénéficie pas aux gens du quartier qui en subissent les nuisances. Et par un fait étrange, ceux qui octroient les permis de construire à proximité du port sont aussi ceux qui sont favorables au terminal. Dans ce cas, il ne fallait pas autoriser les permis…” “Mais ce terminal va créer des emplois”, tente Christine Cabau-Woehrel. “Ce n’est pas vrai. Cela fait longtemps que le port ne crée plus d’emplois dans les quartiers”, réfute la sénatrice. “Mais cela crée de l’attractivité et nous en avons besoin”, poursuit la présidente du directoire. “Vous ne ferez rien sans l’accord de la population“, tacle Henri Jibrayel.
Le chahut continue et Dominique Bussereau tente de s’en s’extirper d’un “et vous développez le train ?” Rebelote. Le projet de terminal de Mourepiane est justement basé sur le transport combiné fer et route. Mais les habitants ne voient pas le recours au ferroviaire comme un gage d’apaisement. Bien au contraire. “Comme on dit à Marseille, tu a mis les deux pieds dedans”, rigole Henri Jibrayel.
Croisière en darse
Martine Vassal s’efforce de calmer le jeu en ramenant tout le monde à une nécessaire pédagogie avec les habitants et la nécessité d’accroître l’attractivité économique “au bénéfice de tous”. Tout le monde sourit pour la photo de groupe avant de larguer les amarres. Sur la pilotine, le président du club de la croisière et pilote de métier, Jean-François Suhas, joue les guides tout sourire et mettant en avant la réussite du terminal : “En 2009, nous avions 500 000 passagers. Nous allons passer la barre d’1,6 million cette année et visons les 2 millions à moyen terme.” Surtout il met en avant “l’écosystème favorable” des bassins Est que les récents aménagements portuaires tendent à favoriser. La passe Nord est en cours d’élargissement pour permettre l’accueil des navires de très grande taille.
L’ensemble des collectivités locales ont été sollicitées pour contribuer au financement de ces travaux herculéens pour un montant de 34,7 millions d’euros. En ce moment même, le port immerge d’énormes plots flottant réalisés dans la forme 10 toute proche, destinée à réparer les plus grands navires du monde.
“Vous ne trouverez pas ça à Miami”
“Marseille est un site unique car il offre des outils de réparation navale à immédiate proximité du terminal de croisière. Vous ne trouverez pas ça à Miami”, enchaîne Jean-François Suhas en récitant les mensurations (465 mètres de long sur 85 de large) de l’énorme piscine à bateaux. Une raison, selon lui, pour ne pas opposer développement de la croisière et de l’industrie.
Les récents désagréments survenus dans ce chantier à 31,1 millions d’euros sont passés sous silence. À peine, Christine Cabau-Woehrel glisse-t-elle que le port a mis à disposition l’ancien bateau-porte destiné à fermer le bassin “en attendant que la nouvelle soit livrée”. Elle omet au passage les fissures découvertes dans le nouvel ouvrage en automne dernier. “Cela fait longtemps que ce problème est réglé”, lâche-t-elle en aparté.
Elle ne dira pas un mot non plus de la récente inondation survenue dans le local des pompes censées vider le bassin en quelques heures. “Nous aurons dans les jours prochains les résultats de l’expertise pour connaître l’étendue des dégâts et les effets sur le calendrier de livraison”, ajoute-t-elle. D’après nos informations, l’eau de mer n’aurait pas touché la partie électrique des pompes. Mais l’incident rend bien illusoire la livraison de l’outil le 21 septembre prochain.
“Nous avons d’ores et déjà orienté vers une autre forme le bateau qui devait y entrer le 23”, commente pour sa part Jacques Hardelay, le président du chantier naval marseillais (CNM) lui aussi invité à la croisière. Le glissement a été d’autant plus facile qu’il ne s’agit pas d’un navire de très grande taille et qu’il appartient à la compagnie Costa, qui vient d’entrer dans le capital du chantier à hauteur de 33%.
“Ils veulent faire de Marseille un centre d’excellence en réduisant de 14 à 11 jours la durée des arrêts techniques, détaille l’ancien patron des chantiers navals de Saint-Nazaire. Cela correspond à trois jours de navigation en plus pour eux et trois jours de disponibilité de la forme pour nous.” Les très grands bateaux ne sont pas attendus avant la rentrée 2017 mais la forme 10 permet plus de confort. Et, surtout, elle permet d’élargir la clientèle et la durée des chantiers en allant notamment chercher des clients dans le off-shore.
2000 personnes pour 15 jours
Mais, là encore, la question de l’emploi revient, lancinante. Par la voix de son président, le chantier naval de Marseille espère doubler ses effectifs d’ici 5 ans. Mais il reconnaît volontiers avoir recours à la sous-traitance étrangère et aux travailleurs détachés pour répondre à un carnet de commande en accordéon.
“Si je dois trouver 50 soudeurs, je fais comment ? Je ne les trouve pas en France et encore moins sur le marché local, plaide-t-il. Et sur certains chantiers, le personnel nécessaire tourne autour de 2000 personnes pour 15 jours…” Il reste que ce recours massif aux travailleurs détachés fait bondir les représentants syndicaux portuaires. Et Samia Ghali se fait volontiers leur relais pour réclamer des embauches en face des importants investissements publics.
Un peu embarrassé, Jacques Hardelay plaide pour la création d’un “cluster” afin de rassembler les acteurs du secteur et mettre en place une vraie filière locale. Tout en insistant sur le caractère très irrégulier de son activité qui nécessitera toujours le recours à des travailleurs venus d’ailleurs.
Une fois de retour à quai, l’aréopage s’engouffre dans le terminal de croisières pour un topo complet du directeur du lieu. Devant les petits fours, le préfet Stéphane Bouillon se félicite que “les élus locaux aient pris conscience de cet enjeu, à la Ville au département comme à la région. Tout le monde est sur la même idée. Il faut donc commencer à travailler ensemble”. Mais qui représente la Ville de Marseille en ce parterre très complet d’élus et de personnalités ? Interrogée, la présidente Vassal fait le tour du regard : “Ah ben non. Tiens, c’est vrai. Nous dirons que c’est moi…”
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Ghali et Jibrayel ont-ils compris ce que le terminal de Mourepiane pouvait apporter ? On attend des élus qu’ils expliquent à la population quels sont les réels enjeux d’un projet économique. Là clairement, le sens de l’intérêt général s’arrête aux limites de leur circonscription électorale et de la gestion de leurs électeurs.
Il est vrai que l’enquête publique et les échanges qui l’ont entourée ne pouvaient pas s’appuyer sur une étude de faisabilité économique.
Le développement de l’emploi est à considérer plus globalement lorsqu’il s’agit de logistique. D’autant que la logistique circonscrite à elle-même, malgré des accumulations spectaculaires en certains points clés du territoire, peut enregistrer des soldes négatifs. L’externalisation de certaines fonctions des entreprises, l’optimisation des flux, peuvent conduire à des économies d’emplois. Mais ce qu’il faut considérer, c’est le fonctionnement global d’un tissu économique ou d’outils comme le port. Ils vont bénéficier de conditions plus favorables de fonctionnement et d’un impact positif sur le développement local et l’emploi. Et là, de mon point de vue, il y aura création d’emplois.
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