Marseille, la ville sans maire
Les 101 nouveaux élus rentrent au conseil municipal après une élection boudée par les électeurs. Malgré la confortable avance du Printemps marseillais en nombre de voix, personne n'est assuré de trouver une majorité au sein de l'hémicycle de Bargemon.
La mairie de Marseille (Image LC)
Le déconfinement aura permis de repeupler les terrasses et le bord de mer mais pas les bureaux de vote. Pour le deuxième tour des élections municipales, ce ne sont que 35 % des électeurs inscrits qui se sont déplacés aux urnes à Marseille. En arrivant largement en tête avec 38,3 % des votes exprimés, Michèle Rubirola et le Printemps marseillais n’ont pourtant convaincu que 13,1 % des inscrits sur les listes électorales, 66 512 voix. La légitimité des 101 conseillers municipaux élus sera particulièrement faible.
Dans ce contexte, la loi Paris-Lyon-Marseille et ses secteurs municipaux vient encore affaiblir cette position. Et rajouter du flou à l’échiquier politique local. Malgré ses 9 points d’avance sur Martine Vassal à l’échelle de la ville, le Printemps marseillais ne disposera pas d’une majorité absolue au conseil municipal. Là où il faut 51 élus, la formation de gauche n’en comptera que 42. Bien que sèchement battue sur l’ensemble de la ville, l’équipe de Martine Vassal la talonne avec 39 sièges. N’ayant pas réussi à conserver la mairie des 13e et 14e arrondissements, le Rassemblement national est loin derrière avec neuf sièges.
Négociations boutiquières
La configuration est délicate pour le Printemps marseillais qui a fait durant toute sa campagne du renouvellement des pratiques politiques une de ses forces. Avec ses candidats novices, il va devoir se plonger dans des négociations âpres et accepter les discussions boutiquières. “Dans ce genre de contexte, chaque élu compte et peut se vendre très très cher”, disait dimanche soir un élu expérimenté.
Les regards se tournent évidemment vers la sénatrice de gauche Samia Ghali et ses 8 élus grâce à sa victoire dans les 15e et 16e arrondissements. Mais la sénatrice, figure de la gauche des quartiers Nord, entretient des relations houleuses avec le Printemps marseillais. Dans sa volonté de renouvellement des figures et des pratiques, la coalition n’a jamais discuté avec la vieille garde du Parti socialiste, Samia Ghali en tête. Dans l’entre-deux tours, ce n’est que très tardivement qu’elle a ouvert les discussions avec la sénatrice avant de vite les refermer sans accord. Ensuite, Jean-Marc Coppola (PCF) a tout fait pour profiter de la vague qui s’annonçait afin de tenter de lui chiper la victoire, échouant à près de 400 voix derrière. Dimanche soir, certains avançaient même l’idée de déposer un recours contre cette élection. L’équation sera donc complexe pour Michèle Rubirola, qui l’affirme : “Dès demain [ce lundi, ndlr], nous verrons comment cette ville peut être gouvernée sans renier nos convictions”.
Samia Ghali, force pivot
De son côté, la sénatrice s’est montrée très discrète refusant les demandes d’interviews. Elle ne se jette pas dans les bras du Printemps marseillais d’emblée. Comme durant l’entre-deux tours, elle choisit de maintenir le flou sur son choix de troisième tour pour le vote du maire. “Les habitants des 15e et 16e arrondissements m’ont une nouvelle fois accordé leur confiance. […] Ils savent que je défendrai leurs intérêts avec force et détermination comme je l’ai toujours fait”, déclare-t-elle dans un communiqué avant de souligner : “Cette victoire a une saveur particulière car elle s’est construite en dehors des appareils politiques et souvent seule contre tous.”
Les formules laissent la place à toutes les interprétations et la droite n’a pas encore admis sa défaite. “Ce soir, il n’y a pas de majorité à Marseille. Ce soir, il n’y a pas de maire de Marseille”, insiste Martine Vassal. “Le combat continue”, rajoute-elle dans un courriel à ses colistiers. Autour d’une Martine Vassal affaiblie par sa défaite dans les 6e et 8e arrondissements ou d’un autre candidat, la droite espère donc encore diriger la ville, malgré un désaveu cinglant dans les urnes. Il faudra pour cela vraisemblablement convaincre Samia Ghali, comme Jean-Claude Gaudin avait su s’allier avec Lisette Narducci entre les deux tours en 2014. Dans les 13e et 14e arrondissements, le directeur de la campagne LR Gérard Chenoz a tendu ostensiblement la perche : “Je formule pour ces quartiers ce qu’on peut appeler l’objectif Nord, un plan en six ans pour développer ces quartiers avec Samia Ghali.”
Narducci et Gilles en appoint
Quelle que soit la configuration, toute alliance d’une des deux grosses forces du conseil municipal avec Samia Ghali serait insuffisante pour atteindre la majorité absolue. Si l’on exclut les élus RN, c’est du côté des trois élus de Bruno Gilles que peut se faire l’appoint : Bruno Gilles lui-même, Marine Pustorino, tous deux ex LR et Lisette Narducci, membre du parti radical de gauche alliée au sénateur. “Il faut s’allier avec Samia Ghali et chercher des gens flottants pour s’assurer la majorité, par exemple Lisette Narducci”, explique le chef de file des nouveaux élus Europe écologie-les Verts, Sébastien Barles.
“Je ne vous répondrai pas ce soir [dimanche soir]“, affirme la future ex maire des 2e et 3e arrondissements à Marsactu. Son chef de file pour ce scrutin refaisait le match dans sa permanence du boulevard Françoise-Duparc. Sur un bout de papier, Bruno Gilles se met à calculer les sièges de chaque parti, et ajoute les siens à ceux des listes de Martine Vassal. Ses trois sièges pourraient être décisifs pour faire basculer la majorité, notamment s’il s’alliait au Printemps marseillais. Mais Bruno Gilles est catégorique : “Je ne dis pas pour qui je voterai mais je ne voterai jamais pour eux”. En revanche, il avait indiqué dans l’entre-deux tours pouvoir trouver des points d’accord avec des colistiers de Martine Vassal, à défaut de pouvoir s’entendre avec la patronne elle-même.
Dans ce contexte, Sébastien Barles dresse un constat lucide : “À droite c’est pareil que nous, mais sauf qu’eux il leur faut le grand chelem, avoir Ghali et Gilles.” Une telle hypothèse mènerait la droite à 50 sièges, soit dans la position de gouverner en majorité relative. L’exercice du pouvoir serait alors complexe. La perspective effraie d’ailleurs de longue date de l’autre côté de l’échiquier Michèle Rubirola qui ne se voit pas devoir faire avec les contraintes de la négociation permanente. La semaine qui va courir jusqu’au conseil municipal – Jean-Claude Gaudin l’envisage vendredi ou samedi – peut se révéler pleine de surprises.
(avec Marie Allenou, Violette Artaud et Lisa Castelly)
Commentaires
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Il y a une bonne nouvelle : Gérard Chenoz vient de découvrir l’existence des quartiers nord… Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour garder le pouvoir !
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Oui, j’adore le plan “objectif nord” improvisé un soir d’élections, c’est vraiment crédible.
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Dans le 11/12, il y a 9 818 contre 9 466. Cela fait a peine 352 voix de différence pour LR. Et c’est justement ce secteur où il y a eu le plus de questions sur les procurations. De là à émettre un doute sur la légitimité de ce maire de secteur, il n’y qu’un pas.
Samia Ghali est effectivement en position de force pour négocier des postes dans la futur mairie. J’espère à titre personnel qu’elle se sens plus proche politiquement du Printemps Marseillais. Sinon j’aurai vraiment du mal à comprendre sa carrière politique où elle a lutté contre Gaudin.
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Il faut une intervention d olivier FAURE pour lui rappeler d ou elle vient et pourquoi elle est là.
Si elle fait elire un maire LR elle sera grillée a tout jamais.. y a quand meme des limites….
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Les nombreuses irrégularités du scrutin ont complétement faussé ces élections dès le départ, et les candidats restant pour le second tour sont issus du premier tour : procurations bidons, utilisation de fichiers d’adresses détournés, communication des mairies de secteur, du département et de la métropole en faveur de Vassal, etc.
Tout cela justifie parfaitement l’annulation de ce scrutin et la mise sous tutelle immédiate de la ville de Marseille pour l’organisation d’un nouveau scrutin.
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Non seulement le système n’est pas mort, mais en fait il a gagné.
Les marseillais vont être gouvernés par une coalition à laquelle ils ont majoritairement signifié hier qu’ils n’en voulaient plus…
C’est ce qu’on appelle une magnifique victoire à la Pyrrhus
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Et je rajouterait que votre articulé omettant simplement l’essentiel : il zappe d’officier l’alliance avec les élus rn. Il n’en faudrait pas qu’un, en fait.
Ça n’est pas pas comme si ça n’était pas jamais le arrivé, gaudin le mentor de Martine l’a déjà fait auparavant.. Vassal est parfaitement capable de s’allier avec le rn pour rafler la majorité. C’est sans doute de ce qu’elle fera.
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Il semblerait qu’il ne manque qu’un conseiller pour que le Printemps Marseillais de Rubirola et les Divers Gauche de Ghali aient la majorité . Cette voix serait-elle celle du conseiller sacrifié dans le 13/14? Certaines circonscriptions ont bénéficié de bêtes politiques, nous n’avons eu, dans le 13/14 qu’un politique bête.
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En effet j’ai pensé aux nombreux électeurs du 13/14 qui n’avaient de choix qu’entre la peste et le choléra. On peut observer sur la carte de l’abstention que dans ce secteur l’abstention a été encore plus importante au deuxième tour. , Cette élection nous fait vivre des émotions fortes et contradictoires…
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On pourra remercier Bacchi d’avoir offert gracieusement 12 sièges à la droite, sièges qui pèsent, comme on pouvait s’en douter, très très lourds. Vu les dynamiques du PM sur l’ensemble de la ville, et celles opposées du RN et de LR, une victoire de Ravier en triangulaire était loin d’être acquise.
Sinon, dans les 8 élus Ghali, combien sont issus de la fusion avec EELV ? Personnellement, j’aurais du mal à imaginer qu’ils ne soient pas en accord complet avec une majorité où figure leur mouvement politique.
Quant à Ghali et Narducci, anciennes baronnes locales de la gauche, il faudrait vraiment être des sans-faces à l’extrême pour favoriser les desseins de Vassal. Narducci ne peut plus mettre son poste de maire dans la balance, comme en 2014. Ghali se sera positionné comme une adversaire féroce de Gaudin jusqu’au bout. Mais elle va être très gourmande…
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Aux roublards de la géopolitique locale : que pourrait négocier Ghalli concrètement ? Des postes d’adjoints ? Des voix pour le sénat ? Quoi d’autre ?
Social-traître Bacchi, j’espère que tu lis la presse.
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Bien sûr Marseille mérite qu’on s’y attarde, mais les résultats sur la métropole ne nous indiquent-ils pas déjà que Vassal peut garder la métropole ? Cela ne me réjouit pas !
Petit message à Marsactu : la gauche- écolo-citoyens oublient la métropole mais Marsactu aussi : il manque une rubrique “Election métropolitaine” à côté de ” Municipales”
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Quant on pense que c’est S. Ghali qui va décider du sort de 850 000 marseillais alors qu’elle représente ce qui se fait de pire en matière de clientélisme. On reproche à Ravier/Boyer d’avoir fait voter les morts, mais pourquoi ne parle t-on jamais des camionnettes affrétées par les gros bras de S. Ghali pour aller chercher des “électeurs” qui ne devaient même pas savoir pour qui ils votaient ?
Vraiment, l’alliance PC – Vassal dans les 7 et 8ème secteur aura été une catastrophe et laisse une tâche terrible sur l’aventure du PM qui est terminée avant d’avoir commencé. Et nous , simples marseillais on n’aura que nos yeux pour pleurer en regardant les clientélistes et les affairistes continuer à gouverner nos vies.
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Scénario probable pour moi :
Vassal gardant le Département et sa caisse va garder la Métropole.
Marseille passera à un élu du clan Tessier qui prendra Samia Ghalli et Bruno Gilles à des postes d’adjoints éminents.
Les communistes et les socialistes formeront un groupe d’opposition domestique en échange de quelques faveurs, les communistes ayant sans doute déjà été payes lors du retrait de Bacchi, Benoît Payan, y gagnera les moyens de s’attaquer à la Circonscription détenue aujourd’hui par Said Ahamada.
Si cela se réalise :
Fortin, Camard, Rubirola, l’espoir repose sur vos épaules, soyez une véritable opposition et travaillez avec les vôtres pour reconstruire en totalité une gauche moderne à Marseille !!
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Félix , pas de chats noirs jusqu’à cette prochaine fin de semaine, s’il vous plaît !
Ce que vous décrivez est un cauchemar avec Ghalli et Gilles aux manettes ( bonsoir le niveau, nous étions au fond mais là …….) et avec nos “amis ” communistes suceurs de roues habituels pour quelques roubles.
Je ne souhaite qu’une chose , c’est qu’en toute sympathie, vous vous plantiez grave
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Moi aussi j’aimerai me planter.
Mais j’aimerai encore plus qu’un vrai travail de reconstruction et d’opposition commence… parce qu’arriver aux affaires dans ce rapport de force… Je ne sais pas si on doit le souhaiter.
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L’espoir repose aussi un peu sur le soutien et l’écho que peut avoir cette formation politique au sein de la population, si ce scénario pathétique se réalisait, sans pousser trop loin l’analogie printemps marseillais/printemps arabe, je pense qu’un certain nombre de citoyens descendrait dans la rue…
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300 voix dans le 11-12, 400 dans le 15-16, le vieux système clientéliste bouge encore et l’ombre de Gaston Deferre (qui était tout de même un meilleur maire que Gaudin) plane encore sur cette élection.
Espérons que vendredi une page se tourne enfin.
Et moi non plus je ne vois pas Rubirola se salir dans la tambouille permanente, mais elle a autour d’elle quelques personnes plus aguerries à ces petits jeux et qui pourront lui être utile devant la configuration des résultats.
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